De retour sur scène | Sam Breton veut rester fragile

Après avoir dû annuler la fin de sa première tournée en janvier 2024, Sam Breton annonce ce lundi son grand retour avec un deuxième spectacle intitulé Ga-lé aller. L’humoriste raconte ce qui aura mené à son épuisement professionnel et ce qui lui aura permis de renouer avec son intensité.
Publié à 7 h 00
Un jour, Benjamin Phaneuf, un important artisan de l’ombre de l’industrie du rire, convie Sam Breton à luncher. « Je me suis dit : “C’est parfait, Ben va me placer le dernier droit de la tournée”, raconte l’humoriste. On va se rendre à 300 000 billets ! »
Ce n’était pas exactement ce que son producteur avait en tête. « Ce que Ben voulait me dire, c’est qu’il trouvait qu’on pouvait wrapper la tournée, qu’on n’avait pas besoin d’ajouter des dates, que j’avais besoin de vacances. Je n’en revenais pas ! » L’a-t-il écouté ? Sam éclate de son rire tonitruant. Bien sûr que non. « Mais avec le recul, Ben avait totalement raison. »
PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE
Sam Breton
Le 11 janvier 2024, Sam Breton annonçait que les 29 dernières dates de sa première tournée, Au pic pis à pelle, n’auraient pas lieu. Épuisement professionnel. Il s’arrêterait à un peu plus de 280 000 billets vendus et à combien de représentations ? Seulement 556. Lui-même effaré, Sam écarquille les yeux en prononçant à voix haute le nombre invraisemblable de spectacles qu’il a donnés. Une marque qui le place dans une catégorie à part, parmi d’autres marathoniens de la blague comme Lise Dion et Louis-José Houde.
« Vers la fin, j’avais dit à Yannick, mon gars de son : “Je ne vis plus ma tournée, je survis ma tournée.” » Sam se fait rire lui-même, puis prend ce ton ironique qu’il adopte quand il use d’une formule euphémisante : « Quand tu dis quelque chose comme ça, c’est un petit signe que ça ne marche pas. » Petit signe.
Ralentir ?
Mais il n’était pas question de ralentir. Vraiment pas. En consultant son agenda, face à une semaine de juste quatre shows, il n’était pas rare que Sam passe un coup de fil à son équipe : pourquoi ne pas y ajouter un ou deux rodages de son deuxième spectacle, alors déjà en chantier ?
Quand tu pousses trop, c’est comme quand tu te dis que tu vas attendre le plus longtemps possible avant de tinquer ton char. Me semble qu’il y a une station-service là-bas ! Et là, tu réalises que non, il n’y en a pas, que t’aurais dû arrêter avant.
Sam Breton
Sam Breton se réjouit de ne pas avoir été fréquenté par des idées noires, que la dépression ne se soit pas invitée dans sa grosse fatigue. Mais dans sa loge, avant d’aller faire rire une salle pleine, lacer ses souliers devenait un vaste projet. « Je me sentais lourd comme si ça faisait trois jours que je n’avais pas dormi. » Même l’adrénaline, ce précieux carburant qui permet d’accomplir de grandes choses dans des moments d’essoufflement, ne venait plus le secourir. « Les gens me disent : 556 shows, tu devais être blasé. Je n’étais pas blasé. J’aimais tellement ça. Mais ma batterie a lâché. »
« Avec le recul, ça faisait longtemps que mon corps me parlait, confie-t-il. Mais vers la fin de 2023, il y a plein de lumières rouges qui se sont allumées sur mon tableau de bord. Ce n’était pas juste “est-ce que je vais crasher ?”, c’était “comment est-ce que je peux amortir le crash ?” »
Un matin, au lendemain d’un spectacle durant lequel il s’est brièvement senti défaillir, coup de fil à Benjamin Phaneuf : le char n’avait pas que besoin de passer par la station-service, c’est au garage qu’il devait se ranger.
Sensible à l’essentiel
Comment Sam Breton a-t-il pu se rendre à ce point au bout de ses ressources, alors que nombre d’humoristes avant lui se sont infligé de tels surmenages ? Le mi-trentenaire de Laurier-Station parle d’un mélange d’intensité très personnelle, de désir de ne pas descendre d’un train en marche et de bonne vieille perte de perspective face à l’essentiel.
« Quand ça arrive [le succès], ça fait tellement longtemps que t’attends après ça que tu n’es pas pour enlever une bûche s’il y a du feu dans la cheminée », explique avec son habituel sens de la métaphore colorée le membre de la cohorte 2013 de l’École nationale de l’humour.
À un moment donné, t’aimes tellement ce que tu fais que t’en viens à te faire croire que c’est meilleur que les petites choses de la vie, comme passer du temps avec ta famille, jouer au hockey. Et la batterie, c’est dans la vraie vie qu’elle se recharge.
Sam Breton
PHOTO ANDRÉ PICHETTE, ARCHIVES LA PRESSE
Sam Breton sur scène en juillet 2019
Après six mois de pause complète et de suivi étroit auprès d’une psy, Sam s’est senti prêt pour « une petite saucette au Bordel ». « Un matin, je me suis levé et j’entendais l’appel. Je l’ai entendu toute la journée et je me suis dit : “Si c’est encore là demain, je me lance.” » Et il s’est lancé.
Dans deux semaines, il présentera la première médiatique de Ga-lé aller, un deuxième spectacle dans lequel il sera brièvement question de cet épuisement. Comment faire autrement ? Mais il le sent encore, même s’il ne pourrait pas en parler plus ouvertement que ça : le burnout, c’est tabou.
« Après le spectacle, il y a des gens qui me jasent de ça et ils baissent le ton, comme si c’était un secret. C’est impressionnant ce que ça dit sur la perception qu’on en a. Mais on vit dans cette société-là du “tu fais quoi dans la vie, combien d’heures tu travailles par semaine, c’est quoi tes accomplissements ?” »
Craint-il d’à nouveau poser le genou par terre ? Il rit, mais cette fois-ci, beaucoup plus doucement : « Je me souviens, je parlais à ma sœur, qui est ma grande confidente, et je lui ai dit : “J’ai peur de rester fragile.” Elle m’a arrêté et elle m’a répondu : “J’espère que tu vas rester fragile.” Ça m’a tellement marqué. Plus t’es fragile, plus t’es sensible à comment tu te sens. Plus t’es sensible à ce qui est important. »
Au Théâtre Maisonneuve le 11 novembre et en tournée partout au Québec
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