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VIDEO. Comment le Qatar a acheté plus de 70 immeubles à Paris, aidé par une exonération fiscale

Palaces, immeubles de luxe, propriétés à Paris et en petite couronne, mais aussi, jusqu’à 20 % des Champs-Élysées… Le Qatar raffole de notre capitale et y a investi massivement. La petite monarchie du Golfe bénéficie d’un avantage fiscal, dont on ignore le poids dans les finances publiques.

Ce texte correspond à une partie de la retranscription du reportage ci-dessus. Cliquez sur la vidéo pour la regarder en intégralité.

Saviez-vous que derrière les grands magasins de Paris et les immeubles haussmanniens se cache parfois un tout petit pays ? Le Qatar. L’émirat a acheté des dizaines de biens en France, grâce à ses revenus, et avec la bienveillance du fisc français. Ces dernières années, les Champs-Élysées ont bien changé. Les marques de luxe ont supplanté les enseignes plus modestes ou les cinémas, au grand dam de Jeanne d’Hauteserre, maire Les Républicains du 8e arrondissement. “On va arriver devant l’ancien cinéma, le Normandie, qui, malheureusement, a fermé”, déplore-t-elle.

Ce cinéma historique, quasi centenaire, n’a pas eu d’autre choix que de tirer le rideau. Sa fréquentation baissait tandis que les loyers, eux, devenaient intenables. “Le loyer pour un commerce, c’est entre 15 000 et 17 000 euros le mètre carré à l’année. Et malheureusement, comme les propriétaires ne négocient pas ou ne souhaitent pas négocier, on s’est retrouvés avec beaucoup de lieux de culture qui sont partis et qui ont disparu”, explique l’édile parisienne.

À cette adresse, le propriétaire est une société détenue par un dignitaire du Qatar, son Excellence Hamad Al-Thani, l’ancien émir. Et cet immeuble n’est pas le seul bien de la famille royale. Nous avons remonté une myriade d’entreprises. En apparence, aucune mention du Qatar, mais toutes sont détenues par des investisseurs du pays ou de la famille Al-Thani, et leur patrimoine est des plus prestigieux.

Par exemple, sur les Champs-Élysées et à proximité, le Qatar détient son ambassade et plus d’une dizaine d’immeubles entiers. Idem autour de la place Vendôme, où le Qatar possède plusieurs adresses avec pignon sur rue. Selon notre comptage, à Paris, l’émirat a 71 immeubles, 158 bâtiments dans toute la France. Sur la Côte d’Azur, ils ont même racheté des hôtels célèbres, le Carlton, le Martinez, et en construisent un tout nouveau au cœur de Paris, dans un bâtiment vendu par l’État français pour 300 millions d’euros.

Alors, pourquoi une telle frénésie immobilière ? Ces représentants préfèrent le secret : “Nous avons comme politique interne de ne pas communiquer sur tous ces sujets-là. Donc, je respecte la politique du groupe”, nous répond Gilles de Boissieu, gestionnaire de fortune du Qatar. Ces Qatariens sont peut-être attirés par un avantage fiscal. En 2008, Nicolas Sarkozy, pour faciliter les échanges commerciaux, leur a fait un beau cadeau. Il les a exemptés d’impôts sur leurs plus-values immobilières. Exemple, au cœur de Paris, avec l’hôtel Lambert. Un joyau du classicisme, un écrin somptueux de 4 000 m², qu’un prince du Qatar a revendu à l’homme d’affaires Xavier Niel. Plus-value estimée après gros travaux : 100 millions d’euros, selon nos informations. En théorie, dans ces conditions, un Français devrait payer au moins 7 millions d’euros d’impôts sur cette plus-value. Pour un Qatarien, c’est zéro, il est exempté.

Cet avantage a un coût pour les finances publiques, mais de combien ? Une source proche du dossier nous avoue que l’État n’a jamais fait d’estimation précise avant d’accorder cette ristourne fiscale : “Dans mes souvenirs, à l’époque, il n’y avait pas de note d’impact, nulle part c’est chiffré. Surtout, qu’à l’époque, comment vous voulez chiffrer le truc en question ? Parce qu’il faudrait savoir, ex ante, combien le Qatar envisageait de dépenses et d’acheter, de biens immobiliers en France”, déclare notre interlocuteur. Le ministère de l’Économie ne nous a pas donné plus de précisions.

Cette ristourne alimente donc des critiques récurrentes de tous bords politiques, de la gauche à la droite, jusqu’à Emmanuel Macron qui en avait fait une promesse de campagne. “Sur ce sujet, je serais très ferme. Je mets fin à tous les accords qui favorisent, en France, le Qatar”, promettait le futur président. Un engagement oublié. Et cela fait sourire Henri Guaino, ancien conseiller spécial de Nicolas Sarkozy. Selon lui, cet avantage est le seul moyen d’attirer en France les investisseurs du Qatar et leur richesse.

“C’est un privilège fiscal en contrepartie d’investissements. Ce n’est pas un privilège fiscal, ce n’est pas gratuit, ce n’est pas pour faire plaisir aux émirs du Qatar. On veut leurs capitaux, on veut leurs achats, leurs importations de produits français, d’armes françaises. Et on veut pouvoir profiter de leur pouvoir d’achat pour leur vendre le maximum de choses. Mais en soi, ce n’est quand même pas aberrant ?”, avance-t-il.

L’an dernier, plusieurs députés avaient demandé au gouvernement le véritable coût de cet accord fiscal lors du vote du budget. Des amendements passés à la trappe.

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