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«Les saisons, les secondes»: affronter le chaos, remplir le vide, dessiner la vie

Eh, Vincent le Valeureux, dis donc, serais-tu un peu malheureux, à tout le moins perclus de doutes ? On cherche Vallières sur la pochette de son neuvième album, perdu dans un désert de mal-être, en chemin « vers nulle part » avec ses « remords de conscience », confronté à « la misère du monde », assourdi par « l’écho du fracas ». Et ces fragments proviennent de la seule chanson-titre : Les saisons, les secondes. La chanson d’ensuite, Certitudes, est celle des inquiétudes et du « cœur qui titube ». Deux chansons plus loin, c’est pire : « Je marche à côté de moi / J’essaie de semer mon ombre / Et je marche comme on tombe ».

C’en est épeurant, venant du gars de Magog. C’est comme si Richard Séguin avait lâché prise. « Ça se peut, hein, que ça fasse un choc, mais ça n’a pas été calibré pour décourager tout le monde. Le chaos ambiant dans lequel on évolue, ça n’a pas le choix de teinter nos vies, nos relations [ça bouleverse] tout autour. Dans le disque, il y a beaucoup de personnages qui sont à la croisée des chemins. Quel est l’état des lieux, où en sont nos rêves ? Qu’est-ce qui se passe avec nos proches, avec les proches de nos proches, les amis malades, les parents malades ? Le besoin est grand de se donner des repères. » La suite de Certitudes, en quatre lignes, résume le topo terrible : « Mireille, trente-huit ans / Mère de trois enfants / Elle s’inquiète pour la Terre / Et pour les océans ». Vincent commente : « Ce qui nous apparaissait complètement inacceptable il y a trois ans ou quatre ans nous semble maintenant normalisé, et on peut moins s’asseoir sur de grandes certitudes.

La distance nécessaire

Reste à rire de temps en temps : on ne peut pas trouver Donald Trump drôle, ça, c’est devenu impossible, mais on peut porter sur Vincent Vallières un regard ironique. « Il faut se regarder dans le miroir et rire de soi. Il faut aller aux nouvelles et voir le ridicule. » Dans Salut Lacasse, le musicien beurre tant son portrait qu’on finit par pouffer, et ça fait du bien : « Icitte autour / Ça se déchire / Ça se chicane / Ça reprend / Man, un vrai téléroman ». Faut savoir relativiser. « On a tellement à dire / Tellement à faire / Tellement à voir ». Vallières ne passe pas tout ce neuvième album à se plaindre, ce n’est pas dans sa nature. Sa musique a besoin de riffs de guitare pour tenir bon, du naturel des champions de la boucle, André Papanicolaou, Olivier Langevin, le bon vieux Michel-Olivier Gasse. La basse-guitare dans Sarah est irrésistible, même Tom Petty serait partant. Le message est limpide : « La pire des batailles / C’est celle qu’on livre pas ».

Plus le disque avance, plus « le moment de désenchantement » est bref. « C’est peut-être les journaux / Qui sont bêtes à pleurer ». Tout de suite après, dans Personne a raison la springsteenienne, la promesse est forte : « Par un maudit beau matin / On récrira l’histoire ». La beauté l’emportera, insiste notre Vincent dans la dernière chanson, T’es comme un ange. Même si le constat est d’abord négatif, et que Vallières en vient à affirmer « que toute se casse / Autour de moi », ça n’empêche pas l’essentiel : « Ah mon ange / Ouais, fait beau soleil à Magog à matin ». Ça, c’est la grande certitude.

Ça et la présence de Lili-Rose

Il faut entendre chanter Lili-Rose Vallières, c’est la preuve que la beauté existe, de génération en génération. Elle dessine, aussi, Lili-Rose. « Dessine-moi une maison / Une porte une cheminée / Et le plus important / Peut-être / Dessine-moi une fenêtre / Dessine-moi un amour / De dimanche au soir / Et tous les autres jours / Pour voir ».

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