Le film de la semaine: Où vont les âmes

Lourd, tout ça? Pas du tout, tellement ce drame touchant fait le plein de lumière et, parfois, de rires dans la tragédie — un direct au cœur. La cinéaste a aussi opté pour une approche qui fait large place à la beauté plastique des natures mortes qu’Anne (Sara Montpetit) photographie.
Elle y puise autant réconfort que ses moments avec sa jument Joséphine, dans les superbes paysages qui entourent la résidence paternelle. La femme de 18 ans habite avec sa mère Stéphanie (Sylvie Testud, vue dans Stupeur et tremblements).
Ses demi-sœurs Ève (Monia Chokri) et Éléonore (Julianne Côté) ont banni le lieu depuis qu’elles ont témoigné contre leur père indigne. Si la première est emplie de rage, d’amertume (et de culpabilité), la deuxième, une anxieuse, demeure coincée entre la loyauté pour son aînée et son amour pour sa filleule.
Les trois sœurs (Tchekov n’aurait pas renié le scénario de Poupart) doivent composer avec le lymphome incurable d’Anna, mais également son désir de rendre visite à leur père, qu’elle croit innocent, en prison.
La réalisatrice aurait pu intituler son film La jeune femme et l’aide médicale à mourir. Elle a plutôt choisi le poétique Où vont les âmes – une autre question sans réponse…
Aussi actrice, metteuse en scène et dramaturge, Brigitte Poupart s’est fait la main avec son bouleversant documentaire Over My Dead Body (2013). Et ça paraît. Elle signe plusieurs plans lumineux, magnifiquement composés avec une attention aux détails, utilisant de discrets mouvements de caméra qui sied au propos.
Elle sait laisser les images «parler», comme dans cette émouvante séquence, climax du film, où Anna danse sur Grow Till Tall de Jónsi (la voix de Sigur Rós).
Un moment à la Jean-Marc Vallée. En plus, on retrouve des thèmes récurrents dans l’œuvre du regretté cinéaste (C.R.A.Z.Y.) – la famille, les déchirements, l’amour, la mort/le deuil, la rédemption, la musique (le père, pianiste célèbre, a transmis sa passion à Ève, qui s’en est détournée).
La comparaison n’a rien de fortuit. Poupart et lui ont en commun une direction d’actrices (les hommes logent à arrière-plan dans le film) qui cherche l’authenticité. Monia Chokri y livre une de ses meilleures performances, tout en intériorité. Sara Montpetit (vue dans Maria Chapdelaine) se distingue également, offrant une Anna aussi vulnérable que manipulatrice.
La cinéaste nous interpelle en filigrane sur nos convictions face à la mort, en général, et l’aide médicale à mourir, en particulier. Et elle sert un plaidoyer sur le pouvoir de l’art comme sublimation. Il me faut souligner la créative direction artistique de Colombe Raby (Simple comme Sylvain) et la superbe direction photo de Gontran Chartré (la série Sorcières).
Un seul regret: peut-être que Brigitte Poupart aurait pu amorcer sa «carrière» derrière la caméra beaucoup plus tôt.
Où vont les âmes est présenté au cinéma.
Au générique
- Cote: 8/10
- Titre: Où vont les âmes
- Genre: Drame
- Réalisation: Brigitte Poupart
- Distribution: Sara Montpetit, Monia Chokri, Julianne Côté, Sylvie Testud
- Durée: 2 h 01




