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Les immigrants réclament une clause de droits acquis pour le PEQ

Le ministre de l’Immigration, Jean-François Roberge, a provoqué une onde de choc dans la communauté immigrante en annonçant la semaine dernière l’abolition du Programme de l’expérience québécoise (PEQ), une voie rapide pour accéder à la résidence permanente. Appelant à une vaste mobilisation à Québec et à Montréal lundi, des candidats à l’immigration réclament le rétablissement du PEQ et une clause de droits acquis (communément appelée clause « grand-père » sous l’influence de l’anglais) pour ceux et celles qui sont déjà sur le territoire, et dont le rêve québécois est désormais menacé.

Française d’origine, Violeta Ilic est arrivée au Québec en 2023 avec toute sa famille et travaille comme orthopédagogue à Saint-Félicien, avec un permis temporaire. Elle dit trouver « injuste » ce changement des règles du jeu sans préavis. Pour elle, le Québec n’est pas une destination de voyage, c’est un projet de vie. « La plupart des gens qui sont venus ici ont tout quitté, ils ont tout vendu, ce n’est pas rien. Je ne sais pas si le gouvernement a conscience de tout ça. »

Mme Ilic dit avoir beaucoup investi en temps et en argent pour faire toutes les démarches nécessaires — y compris des cours supplémentaires pour se conformer aux exigences d’ici — afin d’obtenir à terme la résidence permanente. « On est bien ici, on est propriétaires, on vit notre vie, alors se dire que tout peut s’arrêter parce que quelqu’un a décidé que je ne rentre plus dans les critères… il y a un sentiment d’injustice et de tristesse. Je ne me vois pas dire à mes enfants qu’on a tout fait ça pour rien. »

Destiné aux diplômés du Québec et aux travailleurs étrangers temporaires, le PEQ, qui avait déjà été suspendu à deux reprises récemment, sera désormais remplacé par le Programme de sélection des travailleurs qualifiés (PSTQ). Or, ceux qui se qualifiaient au PEQ pourraient ne pas se répondre aux critères du PSTQ, qui procédera par invitation. « Ce n’est plus automatique », avait lui-même reconnu le ministre de l’Immigration, Jean-François Roberge, en indiquant que les travailleurs étrangers en région, et parlant déjà français, seraient priorisés.

Étant une francophone vivant en région, Violeta Ilic aimerait croire en ses chances d’être admissible au PSTQ. « Je suis dans un secteur en pénurie et en région… J’ai pas mal de points. Mais je n’ai pas la certitude d’être invitée », dit-elle. « Comme j’ai plus de 45 ans, le critère de l’âge me donne zéro point. »

Admissible au PEQ depuis septembre, Mme Ilic n’a pas pu y postuler puisque le programme avait été suspendu quelques mois plus tôt. « Je suis en train de renouveler mon permis de travail… alors que je ne pensais pas avoir à faire ça. »

Plusieurs appuis à la mobilisation

Pour le collectif Le Québec, c’est nous aussi (LQCNA), cette décision d’abolir le PEQ met fin à l’engagement du gouvernement envers toute la communauté immigrante et néo-québécoise qui, depuis des années, étudie, travaille et vit au Québec en français. « Encore une fois, c’est dans les habitudes du ministre de l’Immigration d’arriver sans aucun préavis et de procéder très vite », a dit Thibault Camara, fondateur et membre de LQCNA.

Impliqué depuis longtemps dans la mobilisation contre les réformes ou les suspensions du PEQ, le collectif, qui a plus de 30 000 abonnés sur Facebook, sautera dans l’arène à nouveau pour exiger « justice, respect et équité pour tous ». « C’est impossible qu’on fasse une nouvelle loi et qu’on ne pense pas aux personnes qui étaient là avant », soutient M. Camara.

Le député libéral de l’Acadie, André A. Morin, répondra présent au rassemblement de lundi, à Montréal. Selon lui, le gouvernement du Québec a « cassé son contrat moral » avec les immigrants. « C’est comme si le gouvernement avait changé les règles du jeu en troisième période d’une partie de hockey. Ça ne se fait pas ! »

Pour lui, une clause de droits acquis est nécessaire pour toutes les personnes qui sont arrivées avec un plan d’avenir fondé sur des programmes qui étaient en place. « Mais ceux qui sont ici et qui sont venus sachant que le PEQ existait, ces gens qui payent des impôts dépensent de l’argent au Québec, on ne peut pas les stopper comme ça ! »

Il cite l’exemple d’un Français qui s’est établi à Québec avec sa famille et qui a fait une formation de soudeur, un métier dans lequel la demande est forte. « Monsieur voulait postuler avec le PEQ [volet diplômés], mais le ministre, unilatéralement sans consultation, l’a suspendu, alors il ne peut plus. Il est bloqué. » Avec quatre volets et un fonctionnement par invitation, le PSTQ est, selon lui, trop lourd sur le plan administratif.

Le gouvernement doit corriger le tir et accorder une clause de droits acquis pour celles et ceux qui sont déjà ici, croit le député de Québec solidaire Guillaume Cliche-Rivard, qui sera également de la manifestation lundi. « C’est une simple question de respect et d’humanité pour les personnes qui ont fait le choix du Québec », a-t-il souligné, se disant sensible au stress que vivent ces candidats qui voient des portes se refermer devant eux.

Des représentants des associations étudiantes seront également présents lundi. Une pétition qui avait récolté près de 14 000 signatures vendredi continue de circuler.

Au cabinet du ministre Roberge, on dit comprendre les inquiétudes, mais on indique qu’aucune clause de droits acquis n’est envisagée. Les demandes reçues avant la suspension du programme seront traitées et toutes les nouvelles demandes devront être transmises par l’entremise du nouveau PSTQ, où « les diplômés du Québec qui ont une expérience de travail et les travailleurs étrangers déjà sur le territoire » seront favorisés.

Avec François Carabin

Une version précédente de ce texte, qui indiquait que le député André A. Morin serait présent au rassemblement de lundi à la fontaine de Tourny à Québec, a été corrigée. Il sera plutôt à la manifestation de Montréal.

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