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La fausse avocate, un scénario de thriller

Elle a purgé depuis 45 jours de prison, après avoir plaidé coupable à des chefs d’accusation de fraude et d’entrave au travail des policiers.

L’histoire a l’air de sortir d’un mauvais téléfilm qui bouche les trous à Super Écran, mais elle est bel et bien réelle et beaucoup moins drôle et anodine qu’elle le paraît.

L’affaire, qui fait l’objet d’une série documentaire très prenante de KOTV sur Crave, a cela de particulier qu’elle est très récente et est d’ailleurs toujours en cours. Les trois épisodes de La vérité sur la fausse avocate, que vous dévorerez d’un trait, sont déposés sur la plateforme de Bell Média le mercredi 19 novembre.

C’est une véritable avocate, Me Chanel Alepin, qui a découvert le pot aux roses en avril 2024. Intriguée par la popularité naissante de cette prétendue consœur sur TikTok, elle fait ses recherches auprès du Barreau et confie ses doutes sur les prétentions de Megan Lalonde durant un live (direct) sur la même plateforme.

Piquée au vif, Lalonde la contacte directement par téléphone pour l’invectiver. Dans cet appel, qu’on fait entendre dans le documentaire, elle bredouille des explications approximatives quand Me Alepin lui demande de confirmer qu’elle est bel et bien avocate.

Mais si ce n’était que ça. Parce que Megan Lalonde n’a pas menti qu’une fois, mais des dizaines de fois, au point d’accumuler 21 dossiers criminels de 2021 à 2025, dont 11 pour des fraudes.


La bande-annonce de «La vérité sur la fausse avocate»
(Bell Média)

Utilisant chaque fois un nom d’emprunt, elle s’est fait passer pour une éleveuse de golden retrievers qu’elle vendait à gros prix, mais qui n’existaient pas, en plus de draguer des hommes et de s’inventer un cancer.

Dans La vérité sur la fausse avocate, la réalisatrice Isabelle Tincler et la productrice au contenu Rose-Aimée Automne T. Morin refont le parcours houleux de Megan Lalonde depuis l’adolescence.

On rencontre son ex-meilleure amie Roxane, qui raconte avoir longtemps cru à ses mensonges et avoir même dû quitter l’école qu’elle fréquentait par sa faute.

Les témoignages de victimes de Megan Lalonde vous feront dresser les cheveux sur la tête. Chaque fois, elle parvient à mettre les gens en confiance avant de partir avec leur argent.

Ou pire encore, comme dans le cas de son ex-conjoint Alexandre Cobello, de les livrer à la police avec des accusations sans fournir de preuves. Quoique ce dernier admet à la caméra lui avoir envoyé des messages haineux, l’incitant au suicide.

Megan Lalonde a aussi fait parler d’elle lorsque le rappeur Yes Mccan, de son vrai nom Jean-François Ruel, a témoigné sur TikTok s’être fait avoir par elle et avoir même menti pour la protéger, admettant qu’il la trouvait cute.

«La faiblesse des hommes, on sait où elle se trouve», ironise à ce sujet la modératrice sur TikTok, Isabelle Wilmot, qui témoigne dans le documentaire.

Le Damien de Fugueuse n’a pas participé au documentaire, mais de longs extraits de son message vidéo parlent d’eux-mêmes.

Je n’ai jamais fréquenté les lives (directs) sur TikTok, mais c’est le Far West total où se disent les pires insanités, où ont lieu les échanges verbaux les plus disgracieux. Vous en entendrez des extraits édifiants dans le documentaire.

Quand on entend ça, on se dit que nos petites chicanes sur Twitter et Facebook, c’est de la petite bière.

Les gens écoutent ces lives comme un feuilleton durant des heures et des heures et en deviennent accros.

Mélanie Millette, qui étudie les médias sociaux depuis 15 ans, tombe aussi dans le piège, attrapée par un algorithme particulièrement efficace.

«Même moi, comme chercheuse, quand je fais mon enquête, je dois me mettre une alarme. Sinon, je vais passer deux heures [sans m’en rendre compte].»

«Que ce soit parce qu’on vous donne du contenu toxique ou stimulant, joyeux, réconfortant, ça c’est secondaire. La priorité, c’est de vous garder captifs.»

—  Mélanie Millette, professeure et chercheuse, Médias socionumériques UQAM

Megan Lalonde, qui a montré son vrai visage depuis, était furieuse en apprenant qu’une série documentaire à son sujet était en production.

La réalisatrice lui a parlé longuement à deux reprises pour la convaincre de participer. Mais les conditions qu’elle imposait n’étaient pas acceptables pour la production.

«Elle voulait avoir les noms de toutes les personnes qui participaient au documentaire et savoir ce qu’ils allaient dire. Mais ça ne marche pas comme ça, en documentaire, nous avons une éthique à respecter», explique Isabelle Tincler, qui a aussi réalisé les séries Père 100 enfants et La prison de l’Esprit Saint.

Au-delà d’être le récit pathétique d’une femme qui s’invente une vie, la série est le portrait de notre obsession à exister.

Juste avant son arrestation en juillet 2024, Megan Lalonde se filme en demandant à un chauffeur de taxi de lui fournir un chargeur pour son iPhone, dont la pile est à plat. Le symbole ultime d’une personne qui n’existe que sur TikTok.

«C’est une réflexion sur notre société. Qu’est-ce qu’on fait avec ça? Nos enfants, ils sont là-dessus», s’interroge Isabelle Tincler, qui a dû passer des dizaines d’heures à écouter les lives de Megan Lalonde.

«On a engagé quelqu’un parce que je ne pouvais pas tout écouter. On cherchait des preuves de certaines choses qui étaient avancées.»

Il y a presque une curiosité malsaine à connaître les détails de cette histoire pathétique. Tellement qu’au bout du troisième épisode, vous voudrez en voir un quatrième.

Y aura-t-il une suite?

«Il y a encore des causes qui sont en attente. […] S’il se présente quelque chose de nouveau, c’est clair que nous allons le couvrir», répond la réalisatrice.

Pour réagir à cette chronique, écrivez-nous à opinions@lesoleil.com. Certaines réponses pourraient être publiées dans notre section Opinions.

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