Gouvernement Legault | Les « toffes »

On ne sait trop si François Legault a décidé de régler ses comptes avant de s’en aller ou s’il croit que c’est le meilleur moyen de retrouver la faveur populaire, mais il reste que son gouvernement est en train de devenir celui de la ligne dure. La gang des « toffes ».
Publié à 9 h 00
Ça veut dire qu’une fois que le gouvernement a décidé, le Québec doit suivre et marcher au pas. On le voit très clairement dans les deux lois les plus importantes qu’il a présentées durant cette session : la loi spéciale pour les médecins et le projet de constitution québécoise.
Les négociations entre les médecins et le gouvernement étaient tellement mal engagées qu’une loi spéciale était devenue inévitable. Mais c’est une chose de faire arrêter des moyens de pression, c’en est une autre de décréter les conditions de travail et un nouveau mode de rémunération. Le gouvernement ne fait aucun compromis, il impose sa solution.
Le tout en utilisant le bâillon, cette procédure exceptionnelle qui permet de mettre fin aux débats à l’Assemblée nationale, et que le gouvernement de la Coalition avenir Québec utilisait pour la huitième fois depuis son arrivée au pouvoir en 2018.
Ce qui est tout aussi troublant, c’est que cela se fait au mépris des droits reconnus par les Chartes québécoise et canadienne des droits et libertés, ce qui est en train de devenir une habitude pour ce gouvernement.
En plus, cette loi est un travail bâclé qui contient des erreurs, comme l’imposition d’objectifs de performance semblables aux radiologues et aux radio-oncologues, qui sont deux spécialités pourtant très différentes.
C’est un travail mal fait, qui sent la dérive autoritaire, mais c’est difficile de ne pas penser que c’est précisément ce que veut le gouvernement. Autoritaire comme dans « toffe », comme dans : on va mettre au pas les « syndicats de médecins », l’expression favorite du premier ministre ces jours-ci. C’est vrai qu’il est plus populaire et plus populiste de mettre au pas des syndicats que des docteurs !
« Tous les gouvernements avant nous ont toujours cédé aux pressions des puissants syndicats de médecins, nous, on ne va pas céder », a dit M. Legault dans une vidéo mise en ligne la semaine dernière. Le message est clair : la loi spéciale est une démonstration de force du gouvernement.
L’autre dérive touche le projet de constitution québécoise. Plus les constitutionnalistes l’examinent, plus ils y trouvent des problèmes.
Ainsi, pour le professeur Louis-Philippe Lampron, de l’Université Laval, la « loi des lois » version Simon Jolin-Barrette constitue une tentative par le gouvernement Legault « d’affaiblir durablement l’un des plus importants contre-pouvoirs dont dispose actuellement la population québécoise, soit la Charte québécoise des droits et libertés ».
Le contre-pouvoir dont disposent les citoyens est de contester une loi devant les tribunaux. Mais le projet de constitution se trouve à ajouter des barrières à l’exercice de ce droit.
En particulier, l’Assemblée nationale pourrait déclarer qu’une disposition de loi « protège la nation québécoise », ce qui interdirait à tout organisme qui reçoit des fonds publics de contester la constitutionnalité ou la validité de la loi en question. Oui, les droits collectifs existent, mais la notion est toujours délicate à utiliser.
De même, et c’est encore plus troublant, l’Assemblée nationale peut « inclure une disposition de souveraineté parlementaire » qui, dans les faits, empêcherait un tribunal de déclarer une loi inopérante.
Le gouvernement, comme législateur, se trouverait ainsi à être juge et partie, pour ne pas dire en situation de conflit d’intérêts, puisque cela lui donnerait le droit de décider que certaines lois ne pourraient jamais être contestées devant les tribunaux.
Évidemment, la Constitution canadienne et la Charte canadienne des droits et libertés continueront d’exister. Mais il est clair que si les lois du Québec doivent être attaquées, le gouvernement Legault préfère que ce soit devant la Cour suprême du Canada, ce qui lui permettra de dire qu’il défend les intérêts supérieurs de la nation québécoise contre le gouvernement fédéral. Politiquement, ça pourrait être payant.
C’est en tout cas tout à fait dans la lignée d’un gouvernement qui trouve depuis longtemps que ça fait « toffe » d’utiliser la disposition de dérogation, même de façon préventive, comme il l’a fait pour la loi sur la laïcité ou la loi modernisant la Charte de la langue française. Une utilisation préventive qui sera examinée bientôt par la Cour suprême du Canada…
Reste à voir si la stratégie va fonctionner. Parce que la marge est mince entre un gouvernement qui suit son programme et qui n’a pas peur de la controverse et celui qui cherche la chicane pour avoir l’air « toffe » pour se faire du capital politique.
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