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Santé Québec a un plan de contingence en cas d’exode des médecins

En pleine tempête provoquée par la loi spéciale sur les médecins, le ministre de la Santé, Christian Dubé, assure bénéficier de l’appui indéfectible du premier ministre, mais refuse de dire s’il avait celui du seul médecin du caucus caquiste, le démissionnaire Lionel Carmant. Au sujet d’un possible exode des médecins en guise de protestation, il se dit « prêt » : Santé Québec appliquera un plan de contingence.

En entrevue jeudi avec Le Devoir, M. Dubé affirme qu’il serait « irresponsable de ne pas être prêt » à de possibles « départs importants ». « On est là pour une chose : protéger les patients », souligne-t-il. Son plan de contingence s’appuie sur le fait que la société d’État est désormais l’employeur unique du réseau, ce qui permet de réaffecter rapidement du personnel et de déployer des équipes là où des départs pourraient créer des ruptures de services. « On a demandé à Santé Québec de s’assurer qu’on peut agir », résume-t-il.

Le cabinet du ministre et Santé Québec précisent que ce plan de contingence est prêt en cas de moyens de pression des médecins, y compris de départs massifs.

L’idéal demeure toutefois d’éviter les départs, assure M. Dubé, « et pour ça, il faut bien expliquer la loi ». Selon lui, « beaucoup d’inexactitudes » ont circulé depuis son adoption. Son cabinet cite notamment en exemple les affirmations voulant que « le nouveau modèle encourage le volume ». « C’est tout le contraire », rétorque le ministre de la Santé.

Comme le premier ministre, Christian Dubé dit qu’il n’a « pas du tout » l’intention de repousser l’entrée en vigueur de la loi, prévue en janvier prochain. « On a fait ce projet de loi pour une raison. À un moment donné, il y avait urgence d’agir. Les accords-cadres avec les médecins sont échus depuis plus de deux ans. »

Il affirme que l’appui du premier ministre François Legault n’a pas faibli. Bien au contraire. « C’est justement dans les moments difficiles comme celui-ci que d’autres gouvernements ont lâché, sous la pression ou par peur des représailles. Aujourd’hui, on est à un moment critique du changement qu’on veut faire. »

Grogne chez les médecins

Jeudi, dans ce climat tendu, Lionel Carmant a annoncé qu’il quittait ses fonctions de ministre responsable des Services sociaux ainsi que le caucus caquiste. Mercredi, Le Devoir avait publié une lettre ouverte de la fille de ce dernier, la Dre Laurence Carmant, dans laquelle elle déplore la loi spéciale et révèle qu’elle songe à quitter le Québec.

M. Dubé refuse de dire si, pour cette, loi, il avait le soutien de M. Carmant. « Il y avait un appui général au sein du caucus. Je ne ferai pas de commentaires sur les individus », tranche-t-il. Le premier ministre souligne quant à lui que « M. Carmant était au Conseil des ministres quand on a approuvé le projet de loi 2 ».

La colère gronde dans le milieu médical depuis l’adoption, samedi dernier, sous bâillon, de la loi spéciale qui réforme la rémunération des médecins en la liant à des cibles de performance. Le texte législatif prévoit aussi des amendes salées pour ceux qui organiseraient des moyens de pression susceptibles de nuire aux services. La Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ) a d’ailleurs saisi la justice cette semaine pour en contester certains aspects.

Mercredi, le Collège des médecins du Québec disait avoir reçu plus de 200 demandes de certificats de reconnaissance de pratique provenant de médecins souhaitant exercer ailleurs au pays. « On m’a dit que les lettres se ressemblent beaucoup », avance M. Dubé en laissant entendre qu’elles pourraient provenir d’un même groupe. Lequel ? « Je vais garder ça pour moi », répond-il.

Des négociations à finir

Le ministre affirme que la négociation sur la rémunération n’est pas terminée. Le mode de rémunération est bel et bien fixé par la loi spéciale, sur la base de cibles, mais les aspects monétaires — et donc la répartition des sommes — peuvent encore être négociés dans les 60 jours suivant son adoption.

Le ministre veut avoir son mot à dire sur la façon dont l’enveloppe accordée aux médecins est dépensée. « On parle de 9 milliards [de dollars] de rémunération qui sont laissés à la discrétion des deux fédérations » — celle des médecins de famille et celle des spécialistes, rappelle-t-il.

La balle est maintenant dans le camp des fédérations médicales pour entamer des pourparlers, poursuit M. Dubé. « Des tables sont déjà prévues à cet effet. Le lendemain de l’acceptation du projet de loi, on leur a fait parvenir des lettres dans lesquelles on disait que si elles voulaient venir discuter des aspects de la rémunération, on est ouverts à le faire. »

Le ministre invite la FMSQ et son président, le Dr Vincent Oliva, à profiter de cette période pour rééquilibrer la rémunération entre les 36 spécialités médicales, qui présentent parfois d’importants écarts. « Il y a beaucoup de pression en ce moment. Il y a plusieurs spécialités qui ne sont pas à l’aise avec cette répartition », relève-t-il.

Une loi spéciale n’est « jamais drôle ni facile »

Le texte de la loi spéciale prévoit des amendes en cas d’actions de protestation « concertées » de trois médecins ou plus pouvant nuire aux soins, comme des départs coordonnés. Les contrevenants s’exposent à des pénalités allant de 4000 $ à 20 000 $ par jour. Les fédérations pourraient quant à elles devoir payer de 100 000 $ à 500 000 $ pour des actions concertées.

Christian Dubé soutient par contre qu’il ne souhaite pas avoir à appliquer ces sanctions. Pourquoi les avoir incluses dans la loi, alors ? « Il y a une trentaine d’articles dans la loi qui sont des clauses habituelles de loi spéciale », rétorque-t-il.

« Le principe même d’une loi spéciale n’est jamais drôle ni facile : c’est imposer quelque chose. C’est ça, une loi spéciale », affirme le ministre de la Santé.

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