Le changement d’heure, une tradition qui refuse de mourir

Des politiciens ont beau promettre de l’abolir, et des scientifiques dénoncer son effet nocif sur le sommeil et la santé, le changement d’heure aura encore lieu au Québec dans la nuit de samedi à dimanche, comme presque partout en Amérique du Nord.
Publié hier à 14 h 01
C’est plus précisément à 2 h dans la nuit de samedi à dimanche qu’il faudra reculer les montres et horloges d’une heure, pour revenir au Québec à l’heure normale de l’Est. La Régie des alcools, des courses et des jeux souligne d’ailleurs dans son communiqué pour l’occasion que les tenanciers de bars ou de restaurants bénéficieront ainsi d’une heure supplémentaire pour vendre des boissons alcooliques.
La quasi-totalité des appareils connectés, téléphones, ordinateurs, téléviseurs et domotiques, effectuent le changement sans intervention humaine.
Ce changement d’heure le premier dimanche de novembre ne concerne que l’Amérique du Nord, l’Union européenne effectuant la même opération depuis 1998 le dernier dimanche d’octobre.
Depuis 1916
Ce n’est pas toute l’Amérique du Nord qui est concernée : une demi-douzaine de provinces, d’États et de territoires ne suivront pas le mouvement. Au Canada, notamment, la Saskatchewan, le Yukon et quelques régions en Colombie-Britannique font bande à part. Même au Québec, fait peu connu, une partie de la Basse-Côte-Nord, de Kegaska jusqu’à Blanc-Sablon, vit à l’heure normale de l’Atlantique toute l’année.
On associe l’implantation du changement d’heure à la Première Guerre mondiale, alors que de nombreux pays ont adopté cette pratique pour économiser l’énergie. Périodiquement, et la dernière année a été particulièrement mouvementée à ce sujet, des débats surgissent pour l’abolir. En octobre 2024, le gouvernement Legault a tenu une consultation en ligne à l’issue de laquelle 91 % des répondants ont demandé de laisser tomber le changement d’heure.
En novembre cette année-là, la Société de l’assurance automobile du Québec leur a donné statistiquement raison : entre 2019 et 2023, on a relevé une hausse de 25 % du nombre d’accidents corporels dans le mois qui suit le changement d’heure.
Le 2 octobre dernier, la députée libérale Marie-France Lalonde a déposé un projet de loi d’initiative parlementaire, qui n’émane donc pas d’un membre du cabinet, pour organiser une consultation pancanadienne sur le changement d’heure.
« Toutes les fonctions » touchées
L’impopularité de cette pratique plus que centenaire, la Dre Rebecca Robillard la comprend, puisqu’un solide « consensus international » s’est établi quant à ses effets nocifs. Cette professeure à l’École de psychologie de l’Université d’Ottawa, coprésidente du Consortium canadien de recherche sur le sommeil, note que d’autres disciplines que la sienne ont prouvé les méfaits du changement d’heure, particulièrement le passage à l’heure avancée.
« Ce n’est pas seulement le décalage d’une heure de nos cycles de sommeil, explique-t-elle en entrevue. Ce qui est primordial, c’est que ça vient dérégler le système d’horloges biologiques. Ce sont pratiquement toutes les fonctions du corps qui sont sous le joug de ce système complexe d’horloge biologique : on parle par exemple du rythme cardiaque, de la tension artérielle, de la régulation de l’insuline, du métabolisme, de la régulation inflammatoire, même de l’expression des gènes. »
La liste des conséquences néfastes du changement d’heure est longue, selon les études résumées par la Dre Robillard. « On parle par exemple d’augmentation des crises cardiaques, des accidents vasculaires cérébraux, des complications reliées au diabète, des problèmes de surpoids, des problèmes reliés à la grossesse, même de suicides dans certains pays. »
S’il fallait abandonner cette pratique, l’idéal serait-il de maintenir l’heure avancée ou normale ? La Dre Robillard est résolument favorable à la deuxième option. « Avec les changements d’heure, on ne crée pas plus ou moins d’heures, on ne crée pas plus de lumière, mais c’est vraiment le moment auquel on est exposé à la lumière qui est le plus important […] Et on sait que ce dont notre corps a le plus besoin biologiquement, c’est la lumière du matin. »




