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L’élection de Trump, un an plus tard | L’Amérique d’abord, au péril de la démocratie

Il y a un an, Donald Trump remportait l’élection présidentielle de 2024, ce qui lui a donné un deuxième mandat non consécutif à la présidence des États-Unis.


Publié à 0 h 15

John Parisella

Conseiller spécial chez National, fellow au CERIUM et ancien délégué général du Québec à New York et Washington

Julien Provencher-Proulx

Économiste, membre du conseil d’administration de l’AMCHAM-Québec

Bien que la victoire au vote populaire ait été serrée, il n’y avait aucun doute quant au vainqueur. Même si, pour la seconde fois, Trump a remporté la présidence avec moins de 50 % du vote populaire.

Il est clair que Trump, sa personnalité clivante et son style intempestif demeurent aussi polarisants et imprévisibles que lors de son premier mandat. La principale différence, c’est qu’il exerce, cette fois, un contrôle beaucoup plus fort sur le Parti républicain. À preuve, le Congrès à majorité républicaine entérine ses initiatives sans discuter.

Trump demeure fondamentalement un opérateur transactionnel, toujours à la recherche d’un « deal ». Cependant, ses intentions en matière de gouvernance, sa vision du rôle géopolitique et géoéconomique des États-Unis ainsi que l’évolution de la démocratie américaine et de son influence dans le monde sous son leadership ouvrent la porte à une transformation durable de l’échiquier mondial⁠1.

La prédominance du programme Trump

Bien que Trump ait nié durant la campagne présidentielle sa proximité avec le « Project 2025 », une feuille de route ultraconservatrice, ses politiques démontrent qu’il est clairement engagé à mettre en œuvre plusieurs dispositions de celle-ci. Notamment, une concentration accrue du pouvoir au sein de la branche exécutive du gouvernement, et ce, au détriment des branches législative et judiciaire.

Peu après son investiture, Trump a signé plus de 150 décrets présidentiels et il a nommé Elon Musk à la tête d’un nouveau bureau gouvernemental chargé de réduire la taille de l’État, le DOGE, éliminant ainsi certains organismes, ministères et postes clés à grande vitesse.

Trump a aussi priorisé la gestion de la frontière des États-Unis sous couvert de sécurité nationale. Cela a mené à un important chamboulement des politiques d’immigration dans un pays qui, encore à ce jour, est considéré comme une « nation d’immigrants ».

On observe régulièrement le rassemblement et l’expulsion de ce que l’agence de contrôle de l’immigration « ICE » qualifie de « migrants en situation irrégulière ».

Trump est aussi investi dans la lutte contre le crime et la drogue, un élément qu’il utilise pour justifier toute une série d’actions. L’une d’entre elles est l’envoi de la Garde nationale dans plusieurs grandes villes, souvent administrées par les démocrates, avec l’objectif affirmé d’y réduire la criminalité.

Sur le front économique, Trump a déclenché un affrontement commercial mondial en imposant des droits douaniers à un grand nombre de pays, y compris les principaux partenaires économiques des États-Unis. Dans certains cas, comme avec le Canada et le Mexique, la lutte contre le fentanyl a été présentée comme l’un des arguments principaux de la mise en place de ces droits. Aujourd’hui, il ne fait aucun doute que la guerre tarifaire du président a de sérieux impacts sur les chaînes d’approvisionnement, les entreprises et les collectivités canadiennes.

L’ACEUM, dont la révision est prévue pour 2026, fait actuellement l’objet de négociations ardues entre le Canada et les États-Unis. Au Canada, les tensions créées par les droits de douane démontrent que l’arrimage entre la stratégie du gouvernement fédéral et celles des provinces canadiennes n’est pas toujours évident. Les développements entourant la récente publicité du gouvernement ontarien utilisant d’anciennes images du président Ronald Reagan en font foi.

Autant en matière d’économie que de défense, Trump considère que le reste du monde profite des États-Unis.

Il estime que les alliés et les organisations internationales comme les Nations unies, l’OTAN et l’Organisation mondiale de la santé tirent indûment parti des États-Unis et de leur financement. C’est notamment pourquoi il a réussi à faire augmenter la cotisation des membres de l’OTAN.

Il faut dire que Trump a joué un rôle actif et influent dans l’avancée des négociations de certains des grands conflits internationaux. Ouvertement en quête d’un prix Nobel de la paix, il a pris l’initiative d’un sommet concernant la guerre à Gaza, ce qui a marqué la première avancée significative vers un éventuel règlement de ce conflit. La guerre entre la Russie et l’Ukraine demeure également dans ses priorités.

La résistance s’organise

Un an après son élection, les sondages d’opinion sont plutôt défavorables à Trump. À la fin du mois d’octobre, un sondage The Economist/YouGov affichait un taux d’approbation de 39 % contre 56 % de désapprobation à son égard. De façon générale, ses cotes d’approbation gravitent autour du bas de la fourchette des 40 %. Un sondage Quinnipiac a même fait état d’un taux d’approbation de 38 % quant à la performance économique de Trump. Dans le contexte de la guerre tarifaire, c’est un indicateur révélateur, surtout qu’aucun des prédécesseurs récents de Trump n’a affiché un niveau d’approbation aussi bas un an seulement après son élection.

Malgré ces chiffres, le Parti démocrate semble avoir de la difficulté à saisir les occasions de prendre plus de place dans l’espace public. D’ailleurs, Trump domine la couverture médiatique encore plus que durant son premier mandat. Sa doctrine « America First », dominante en sol américain, se manifeste désormais bien au-delà des frontières du pays.

Néanmoins, la population démontre de l’appétit pour une résistance au style de Trump. Tout récemment, plus de 7 millions d’Américains ont consacré une journée à manifester contre le président dans le cadre des marches « No Kings ». Une tentative récente d’utiliser un financement préférentiel pour forcer neuf universités de premier plan à se conformer à une nouvelle politique présidentielle a été rejetée par sept d’entre elles. Des médias conservateurs habituellement favorables à Trump commencent aussi à remettre en question certaines de ses décisions.

C’est dans ce contexte que la question émergente dans l’espace public concerne l’état de la démocratie américaine et la perception selon laquelle Trump agit de manière autoritaire2.

Une caractéristique majeure de la démocratie américaine est le mécanisme des freins et contrepoids. Née d’une révolution, la Constitution américaine a été pensée par ses fondateurs pour éviter la prééminence d’un individu dans le système politique.

L’approche de Trump semble en opposition avec cet important principe des freins et contrepoids. L’arrêt des activités gouvernementales qui se poursuit est un bon exemple. Trouver un moyen de relancer la machine gouvernementale ne semble pas être une priorité de Trump, alors qu’on pourrait s’attendre à cela d’un président. Son approche visant à affaiblir, voire soumettre, ses opposants ne fait que renforcer la perception d’un état d’esprit autoritaire.

Les élections de mi-mandat deviendront bientôt l’enjeu central à l’approche de la deuxième année du second mandat de Trump. Si l’économie et l’ordre du jour de Trump influenceront inévitablement le vote, la question de l’état de la démocratie pourrait peser davantage dans le choix des électeurs.


1. Lisez le texte « De transactionnel à transformationnel »


2. Lisez le texte « La démocratie américaine est-elle en danger ? »


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