Critique de La maison vide | Une maison vide pleine de fantômes

Laurent Mauvignier nous avait captivés en 2020 avec ses Histoires de la nuit, thriller campagnard à la finale meurtrière. Le voici de retour avec une saga impressionnante, qui nous fait traverser trois générations d’une même famille – la sienne.
Publié le 2 novembre
Au commencement de La maison vide, une vieille commode qui ne l’est pas (vide). Dans un tiroir, l’auteur tombe sur de vieilles photos de famille, où le visage de sa grand-mère Marguerite a été systématiquement découpé ou barbouillé au stylo. Qu’a-t-elle fait pour mériter un tel traitement ? Un tel effacement ?
C’est ce que nous raconte Mauvignier au fil des 740 pages suivantes, en remontant le fil du temps, comme si on ne pouvait expliquer le présent sans parler du passé. On rencontre l’aïeul, Firmin, patron de la ferme, puis sa fille Marie-Ernestine, héritière au destin contrarié, avant d’arriver à Marguerite, morte prématurément à l’âge de 41 ans. Trois générations, donc, où domine clairement le point de vue des femmes, figures centrales de ce récit rural, peuplé d’hommes sans envergure et traversé par deux guerres mondiales.
Oui, 740 pages, c’est beaucoup. C’est une brique. Mais on ne s’ennuie pas dans cette Maison vide pleine de fantômes, où trône un vieux piano à queue, symbole de la malédiction familiale. On aime ce plat froid, servi à la sauce aigre-douce. On est attiré par cette galerie de personnages complexes, écrasés par le poids des traditions et finalement mal compris, mal aimés, malheureux.
On est happé par ce récit ample, qui se déroule avec lenteur, en de longues phrases pleines de descriptions et de circonvolutions, comme si tout se déroulait au ralenti, même les pensées – surtout les pensées –, quand en réalité tout s’accélère et fonce droit dans le mur, inexorablement, parce qu’on sait que ça finira mal, ça ne peut que finir mal – on ne détruit pas des photos sans raison, n’est-ce pas ?
Lancé fin août en France, La maison vide arrive au Québec précédé d’une bonne rumeur. En fait, c’est plus qu’une rumeur, c’est une certitude. La maison vide est un des gros morceaux de cette rentrée 2025, comme en témoignent son prix littéraire Le Monde et sa nomination au Goncourt, qui doit être remis le 4 novembre. Qu’il le remporte ou pas, Mauvignier, 58 ans, démontre une fois de plus qu’il est un orfèvre du récit et un incontournable de sa génération.
La maison vide
Éditions de Minuit
743 pages




