Dossier | STM | Une grève qui pèse lourd (3 articles)

Les personnes les plus vulnérables de la société paient le fort prix de la grève des employés de la Société de transport de Montréal (STM), déplorent des organismes qui les aident. Sur le terrain, on constate d’ores et déjà que « l’impact est énorme ».
Publié à 5 h 00
Mardi midi, Johnny Maxwell faisait la queue pour un dîner à prix réduit à la cafétéria de MultiCaf, dans le quartier Côte-des-Neiges. Par cette journée ensoleillée, mais venteuse, il était venu à vélo de Côte-Saint-Luc, plus à l’ouest.
« Le gouvernement va-t-il intervenir ? », demande l’homme, qui gagne sa vie en faisant des contrats dans le domaine de la construction.
On ne peut pas chercher de travail, on ne peut pas aller au travail. Si je dois faire un contrat qui est en dehors des heures de pointe, je suis foutu
Johnny Maxwell, usager de la cafétéria de MultiCaf
Esther Gluck se déplace avec une canne et déplore devoir attendre des heures que le service reprenne. « Je comprends qu’ils veulent régler un problème, mais ils pénalisent les usagers. C’est la troisième fois », dit-elle, qualifiant la situation de « frustrante ».
« J’ai peur qu’après novembre, ils aillent encore en grève. J’habite seule, je ne veux pas rester à la maison seule », ajoute la femme de 70 ans.
Organismes préoccupés
Le directeur général de l’organisme MultiCaf voit déjà une différence marquée dans la fréquentation de son « épicerie solidaire ». Lundi, Jean-Sébastien Patrice estime qu’au lieu des 500 familles habituelles, tout au plus une cinquantaine se sont présentées.
PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE
Lundi, une cinquantaine de familles se sont présentées au lieu des 500 habituelles, selon Jean-Sébastien Patrice, directeur général de l’organisme MultiCaf.
Ces personnes n’ont pas toutes gagné à la loterie du jour au lendemain. Elles ne viennent pas chercher d’aide.
Jean-Sébastien Patrice, directeur général de l’organisme MultiCaf
« On soutient 11 000 personnes dans le quartier, dont le tiers sont des enfants. Ce n’est pas vrai qu’ils vont venir chercher deux gros sacs d’épicerie par semaine et qu’ils vont se taper 4 kilomètres avec leurs enfants parce qu’ils vivent à l’autre bout de l’arrondissement », dit-il.
La grève est également un coup dur pour les organismes d’aide aux nouveaux arrivants, comme le Mouvement fraternité multi-ethnique. Cette banque alimentaire située dans Saint-Léonard distribue des paniers de nourriture à près de 100 personnes, tous les jeudis à 13 h.
« Il y a des personnes qui appellent pour reporter leur panier ou l’annuler, on n’en a jamais vu autant », relate Zerhouni Fouad, directeur général de l’organisme.
Il estime que 20 % des bénéficiaires ont annulé leur panier cette semaine, dont des aînés qui dépendent des autobus pour se déplacer. « Ce sont les plus vulnérables des vulnérables que ça va affecter », ajoute-t-il.
Dommages collatéraux
Les travailleurs aux horaires atypiques sont aussi pénalisés par le conflit de travail. « Je vis de l’anxiété comme j’en ai rarement vécu en ce moment », admet Denis Bonenfant, musicien pigiste qui a contacté La Presse par courriel.
PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE
MultiCaf commence à « penser à des solutions » au cas où la grève se poursuivrait, indique Jean-Sébastien Patrice.
Comme il se déplace d’une église à une autre pour ses contrats, il a dû se désister de plusieurs engagements, faute de moyen de transport abordable.
Moi, je vis au seuil de la pauvreté. J’ai perdu au moins 150 $, et le mois fait juste commencer.
Denis Bonenfant, musicien pigiste
Le conflit de travail met aussi « des bâtons dans les roues » aux organismes qui œuvrent auprès des sans-abri, observe Julie Grenier, porte-parole du Mouvement pour mettre fin à l’itinérance à Montréal.
Sans transports en commun, les personnes en réinsertion sociale ou en recherche d’emploi peinent à se présenter à leurs rendez-vous, relate-t-elle.
Pour compenser, certains organismes bien établis offrent un service de navette ou des billets de taxi pendant le mois de novembre. Mais ce n’est pas le cas pour les plus petits organismes, dont le budget est restreint. « Ça ajoute des contraintes supplémentaires dans un contexte ou les gens sont déjà très contraints », déplore Julie Grenier.
MultiCaf commence à « penser à des solutions » au cas où la grève se poursuivrait, indique Jean-Sébastien Patrice. Il croit aux revendications des employés de la STM, précise-t-il, mais souhaite que « le cœur du mouvement syndical » trouve « une autre façon de faire valoir ses droits ».
« On ne peut pas laisser ces enfants-là, ces familles-là, sans soutien. Nous, on ne le fera pas », affirme-t-il.
La STM se dit consciente que la grève chamboule le quotidien de la clientèle moins nantie.
« Malheureusement, nous ne décidons pas du niveau de service offert, c’est le Tribunal administratif du travail qui le statue. Et cette grève se fait bien malgré nous, mais il s’agit d’un droit syndical », écrit sa porte-parole, Amélie Régis.
Avec la collaboration de Daphné Cameron, La Presse
Novembre en grève
Le débrayage des employés d’entretien de la STM, qui a débuté le 1er novembre, devrait se poursuivre jusqu’au 28 novembre si aucune entente n’est conclue entre la STM et la partie syndicale. D’ici là, le métro et les autobus ne circulent qu’aux heures de pointe du matin, de l’après-midi et de la soirée. Le métro est ouvert entre 6 h 30 et 9 h 30 le matin, puis de 14 h 45 à 17 h 45, et de 23 h à la fermeture. Quant aux bus, ils sont disponibles de 6 h 15 à 9 h 15, puis de 15 h à 18 h, et de 23 h 15 à 1 h 15.
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