La Cour suprême affiche son scepticisme face aux droits de douane de Trump

La muraille tarifaire érigée par Donald Trump apparaît plus bancale que jamais. La plupart des juges de la Cour suprême ont affiché leur scepticisme mercredi lors de l’audience publique portant sur la légalité de ses droits de douane « réciproques ». Les débats ont permis de mettre en évidence la réticence des juges, y compris d’une partie des conservateurs, à accepter sans rechigner les arguments avancés par le gouvernement qui confèrent au président des pouvoirs illimités en matière commerciale dès lors qu’une urgence nationale est déclarée.
L’interprétation par la Maison-Blanche du statut en question, la loi IEEPA de 1977, revient à avaliser « un mécanisme à sens unique qui ouvre la porte à un accroissement progressif mais continu du pouvoir de l’exécutif, au détriment des représentants élus par le peuple », s’est inquiété le juge Neil Gorsuch. Sa consoeur Amy Coney Barrett, elle aussi nommée par Trump durant son premier mandat, a paru dubitative face à l’ampleur des mesures en question : « L’Espagne ? La France ? Je peux comprendre pour certains pays, mais expliquez-moi pourquoi autant de pays devaient être soumis à ces droits de douane réciproques », a-t-elle pressé l’avocat représentant l’administration Trump, John Sauer.
Les droits de douane, des taxes par inadvertance
Donald Trump n’a finalement pas fait le déplacement à la Cour suprême mercredi pour suivre les débats autour de l’étendue de ses pouvoirs d’urgence. Il aurait probablement été surpris par certains des arguments déployés en son nom durant cette audience de près de 3 heures.
Les droits de douane n’ont absolument pas pour objectif de « générer des ressources », a insisté John Sauer, et ne constituent donc pas une taxe. Ils sont d’autant plus « efficaces si personne n’a à les payer », a-t-il estimé, et s’ils gonflent les caisses de l’Etat, ce n’est qu’une conséquence « incidente » de leur objectif premier de « réguler le commerce ».
L’avocat de la Maison-Blanche a défendu mordicus sa lecture généreuse de la « réglementation des importations » déléguée par le Congrès, allant jusqu’à concéder qu’un futur président démocrate aurait toute latitude pour mettre en place des droits de douane justifiés par l’urgence du changement climatique.
Les plaignants ont quant à eux insisté sur les enjeux de séparation des pouvoirs énumérés par la constitution américaine. La mise en place des droits de douane est expressément réservée au Congrès, ont-ils rappelé, et ne peut pas être abandonnée si facilement au pouvoir exécutif. Les deux avocats des plaintifs, représentant des importateurs et certains Etats démocrates, n’ont pas été épargnés par les juges. Samuel Alito et Thomas Clarence, les deux juges les plus conservateurs de la Cour suprême, ont fait part de leur incrédulité face à l’idée que le Congrès ait pu autoriser le président à mettre en place un embargo avec la loi IEEPA de 1977 mais qu’il lui interdise dans le même temps de mettre en place des droits de douane.
Une question de « VIE OU DE MORT »
Scott Bessent, le secrétaire au Trésor, Howard Lutnick, le ministre du Commerce, et Jamieson Greer, l’envoyé commercial de la Maison-Blanche, étaient en revanche assis au premier rang pour représenter l’administration.
Dans une interview accordée à Fox News, Donald Trump a déclaré qu’on lui avait dit que l’affaire s’était « bien déroulée », mais a averti que « le monde entier serait en dépression » s’il n’avait pas été en mesure de mettre en place les surtaxes sur les marchandises. « Je pense que c’est l’une des affaires les plus importantes, peut-être même la plus importante, de l’histoire de notre pays », a-t-il affirmé. Le président américain a répété que ce serait « dévastateur » pour les Etats-Unis si la Cour suprême invalidait ses tarifs douaniers.
Le barrage de questions auquel a fait face John Sauer, non seulement de la part des trois juges libéraux mais aussi d’une partie des juges conservateurs, n’est toutefois pas bon signe pour les chances de succès de l’administration. Une décision n’est pas attendue avant plusieurs semaines.




