Loi 2 sur les médecins | Duranceau s’avance, puis se rétracte au sujet de primes

(Québec) La présidente du Conseil du trésor, France-Élaine Duranceau, a dû refermer la porte qu’elle avait ouverte, jeudi, à un éventuel changement de position du gouvernement avec les médecins.
Publié à 10 h 20
Mis à jour à 16 h 25
Chargée par le premier ministre François Legault de « trouver une voie de passage » pour dénouer le conflit, elle n’écartait pas, lors d’une mêlée de presse en matinée, que le gouvernement abandonne les sanctions contre les médecins pour privilégier des primes à l’atteinte de cibles de performance.
C’est précisément l’option qui était acceptée par les négociateurs gouvernementaux à la table, à deux reprises au cours des trois derniers mois, avant que le ministre de la Santé, Christian Dubé, ne fasse capoter les discussions, révélait à La Presse le négociateur en chef de la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ), Lucien Bouchard.
Il a rapporté que Québec a même évoqué, en août, la création d’un fonds de 150 millions de dollars, « de l’argent neuf qui sortirait du Trésor » et qui servirait à payer des primes pour les médecins qui atteindraient les cibles. C’est tout le contraire du projet de loi 106 et, aujourd’hui, de la loi 2 qui prévoit plutôt une ponction dans l’enveloppe de rémunération des médecins, somme qui serait versée aux médecins à la condition qu’ils respectent des cibles de performance.
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La version des faits de M. Bouchard n’a pas été contredite par le gouvernement. Les caquistes n’ont pas voulu présenter leur propre version, plaidant que « le dossier est judiciarisé » en raison de la poursuite de la FMSQ.
Questionnée en matinée pour savoir si elle est prête à opter pour des incitatifs financiers au lieu de sanctions, France-Élaine Duranceau a affirmé qu’il s’agit de « bonnes questions » qui doivent être discutées à la table de négociation. « Évidemment, je ne vais pas discuter de ça sur la place publique », a-t-elle dit.
Chose certaine, c’est une option qui alors n’était pas rejetée. « On n’écarte rien pour le moment. Ce qu’on veut, c’est s’asseoir ensemble. Puis on va avoir la discussion avec les personnes concernées, c’est-à-dire les deux fédérations. » Elle a rappelé que son mandat est de « trouver une voie de passage » avec les fédérations médicales. Et ce mandat, comme elle l’a précisé cette semaine, vient du premier ministre.
La sortie de la Mme Duranceau, rapportée aussitôt par La Presse sur son site web, a causé des remous. Et c’est ainsi qu’elle a tenu à envoyer une déclaration écrite en début d’après-midi pour « clarifier » ses propos comme l’a indiqué son cabinet. Des incitatifs financiers ne sont pas prévus, dit-elle maintenant.
« Permettez-moi d’être plus claire : nous ne prévoyons pas d’incitatifs financiers supplémentaires. Notre objectif demeure de lier la rémunération à de meilleurs résultats pour les patients. Nous allons maintenant limiter nos commentaires pour ne pas nuire à la démarche en cours avec les fédérations. »
De son côté, le ministre de la Santé, Christian Dubé, a esquivé les questions sur son rôle et sa responsabilité dans l’échec des pourparlers.
« Je veux juste être très, très clair. La position du gouvernement n’a pas changé, et n’a pas changé aucunement durant l’été, ni dans les dernières semaines », a soutenu M. Dubé.
« La façon dont on travaille avec le Trésor et le ministère, c’est sûr que le mandat vient toujours de la Santé et que c’est au Trésor de négocier […]. J’ai absolument confiance dans la façon dont Mme Duranceau va travailler », a-t-il ajouté. Il s’exprimait alors avant que la présidente du Conseil du trésor ne laisse la porte ouverte à des incitatifs au lieu des sanctions.
De son côté, la prédécesseure de Mme Duranceau au Trésor, Sonia LeBel, s’est contentée d’un commentaire laconique : « L’objectif a toujours été et demeurera l’accès pour les citoyens. […] Je ne suis plus dans le dossier, je ne commenterai pas », a-t-elle précisé. M. Bouchard disait pouvoir « affirmer » que Mme LeBel « cherchait un règlement » avec les médecins et qu’elle ne « voulait pas se compromettre avec une autre loi abusive, autoritaire comme celles que fait toujours adopter M. Dubé ».
PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE
Sonia LeBel
Legault doit « tasser » Dubé
Le Parti libéral du Québec demande au premier ministre de retirer Christian Dubé du dossier pour espérer une sortie de crise. « Je pense que c’est le temps que François Legault agisse comme premier ministre, tasse son mauvais ministre qui a créé cette pagaille dans le réseau », a lancé le porte-parole libéral en matière de santé, Marc Tanguay. Ce dernier ne réclame cependant pas sa démission.
Ce n’est pas sans rappeler lorsque l’ex-premier ministre Philippe Couillard a fait de même avec son ministre de l’époque, Gaétan Barrette, dans la foulée de l’adoption de lois controversées et des négociations houleuses avec les médecins spécialistes, en 2017. « C’était une nouvelle approche […] qui était plus collaborative », a admis M. Tanguay.
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Le porte-parole libéral en matière de santé, Marc Tanguay
De son côté, Québec solidaire estime que de changer d’interlocuteur ne changerait rien. « Christian Dubé, absolument, il nuit, il n’aide pas. Mais Christian Dubé n’est pas en train de faire quelque chose avec lequel François Legault est en désaccord. Ça fait qu’un ou l’autre, c’est la même chose », a lancé la cheffe parlementaire Ruba Ghazal.
Les solidaires réclament le retrait complet de la loi 2 tandis que les libéraux demandent sa suspension pour s’entendre avec les fédérations médicales.
Le Parti québécois veut que M. Dubé soit écarté du dossier. « C’est aussi ce que demandent les députés de la CAQ. […] C’est rare, mais je serais plutôt d’accord avec les députés de la CAQ », a piqué Joël Arseneau, faisant référence à la grogne au sein même du caucus caquiste.




