Pourquoi les protestations contre Shein en France rassemblent la droite et la gauche

France. En France, une mobilisation contre la plateforme chinoise Shein rassemble des activistes, des entreprises et des parlementaires de différents bords.
Depuis quelques années, Shein est devenu le détaillant de vêtements le plus utilisé du pays, on estime qu’il absorbe un tiers des dépenses en vêtements de toute la population française.
Shein parvient à vendre des vêtements neufs à des prix très bas, on parle de quelques euros par article, bien qu’ils soient fabriqués à l’autre bout du monde. Elle peut se le permettre car les produits de moins de 150 euros en provenance de Chine sont exonérés de droits de douane dans l’Union européenne.
Dans la filière de Shein, il y a une exploitation systématique des travailleuses et des travailleurs. Selon ses concurrents, il a été démontré le recours au travail des enfants, à des quarts de travail allant jusqu’à 17 heures et au travail des prisonniers (utilisé d’ailleurs aussi aux États-Unis).
Les procédés industriels sont extrêmement polluants, ce qui s’ajoute à l’impact environnemental du déplacement transcontinental des marchandises.
Le succès de Shein ne découle pas seulement de l’exploitation de la main-d’œuvre et de l’environnement, facteurs très courants également dans les entreprises de vêtements occidentales. Shein a surtout démontré qu’elle savait s’adapter constamment à la mode et aux tendances sur les réseaux sociaux.
Des centaines de nouveaux produits sont chargés sur le site chaque heure, jusqu’à 10 000 nouveaux modèles par jour selon certaines estimations. Des rythmes comme ceux-ci sont possibles grâce à une analyse constante du marché basée sur les algorithmes, au plagiat des produits d’autres entreprises et au travail intensif d’une armée énorme de designers.
Cette semaine à Paris a été inauguré le premier magasin physique de l’entreprise, qui se trouve à l’intérieur du célèbre centre commercial Bhv. Les travailleuses et les travailleurs du secteur ont protesté contre l’ouverture, plusieurs marques ont décidé de quitter le centre commercial. Shein en effet, comme toute l’industrie de la “fast fashion“, est accusée de faire une concurrence déloyale aux producteurs et aux détaillants qui suivent les règles.
Il a été démontré que de nombreux vêtements sont tellement périssables qu’ils sont presque “jetables“. De plus, ils contiennent souvent des substances nocives pour l’environnement et pour la santé de ceux qui les portent, comme le plomb, les Pfas et les phtalates.
Récemment, un scandale a encore compromis l’image de l’entreprise, après que le parquet de Paris a ouvert une enquête pour la vente de poupées sexuelles à forme d’enfant sur le site, mais aussi de machettes, de haches et de coups de poing américains.
Lors de l’inauguration, qui a eu lieu mardi, une protestation s’est tenue devant le magasin : les manifestants ont sifflé les clients, en file pendant des heures pour entrer dans le magasin protégés par la police. La maire de Paris et plusieurs représentants de la politique locale ont également exprimé leur désapprobation.
Quelques heures après l’ouverture, le gouvernement a annoncé une sospensione du site de Shein dans toute la France, qui pourrait durer jusqu’à ce que l’entreprise démontre que ses contenus sont conformes à la loi.
Des groupes d’activistes et des entreprises concurrentes se plaignaient depuis des mois de l’inertie du gouvernement, surtout après qu’en juin a été bloquée au Sénat la première proposition de loi pour réglementer le secteur.
Récemment, cependant, quelque chose semble avoir changé, les protestations ont attiré l’attention des médias et ont contraint les institutions à prendre des mesures. En juillet, Shein a été condamnée à une amende de 40 millions d’euros, après que l’antitrust a démontré que le site augmentait automatiquement les prix juste avant d’appliquer les réductions.
En septembre, une autre amende est arrivée, cette fois de 150 millions d’euros, après que la Cnil (Commission nationale de l’informatique et des libertés) a découvert des systèmes de suivi illégaux qui profilaient les visiteurs du site.
La semaine prochaine, le parlement évaluera s’il faut introduire une taxe de 2 euros par colis; plusieurs parlementaires, tant de droite que de gauche, ont proposé des taxes encore plus élevées dans le but de s’approprier une bataille qui est manifestement en train de devenir très populaire.
La mobilisation bipartite de la politique française est plutôt inédite par rapport aux autres pays européens, où souvent le débat parlementaire sur le thème de la fast fashion est faible ou inexistant.
Jeudi, deux ministres français ont rencontré Henna Virkkunen, vice-présidente de la Commission européenne et commissaire aux technologies numériques, demandant des mesures urgentes au niveau européen.
Toujours jeudi a commencé une énorme inspection des entrepôts de Shein à l’aéroport de Paris. Tous les colis arrivés dans la journée de jeudi seront ouverts et contrôlés, soit entre 100 000 et 200 000 : pour tous les inspecter, il faudra environ un mois.




