Qu’est-ce que Lucien Bouchard fait au service de la FMSQ?

Lucien Bouchard a bien le droit de gagner sa vie, me dira-t-on.
Certes, mais son rôle de négociateur au service de l’ultra-puissante Fédération des médecins spécialistes indispose bien des Québécois. C’est mon cas.
Aura de PM
Mercredi, profitant de son aura d’ancien premier ministre, il s’est fendu d’une sortie dans La Presse visant à miner l’autorité du ministre Christian Dubé.
M. Bouchard, qui participe aux pourparlers, a martelé une version faite à son avantage: Dubé aurait fait capoter à deux reprises les négociations. Autrement dit, le ministre est de mauvaise foi.
Si c’était venu de n’importe quel autre avocat au service de la FMSQ, jamais cette sortie n’aurait eu un tel retentissement. On aurait vite compris qu’il s’agit d’une attaque stratégique classique visant à ébranler la position du vis-à-vis. Et peut-être pour qu’il soit remplacé par une personne plus conciliante.
Mais ici, puisque c’était Lucien Bouchard, il y eut tout un boucan. François Legault fut contraint de réitérer sa confiance en son ministre. (Sans souffler mot du rôle troublant joué par… celui l’a attiré en politique.)
Lobbyisme
Pourquoi troublant? Quand on a occupé cette fonction fortement symbolique de chef de gouvernement, où l’on s’est fait l’avocat du bien commun, de la «volonté générale», peut-on vraiment, sans vergogne, se mettre par la suite au service des plus offrants parmi ceux qui ont maille à partir avec l’État?
Rien ne l’interdit (sauf le Code d’éthique, les deux premières années de l’après-mandat). Il s’agit pourtant d’une situation délicate, sur le plan éthique. M. Bouchard a ici un rôle s’apparentant à celui de lobbyiste. Notre loi (pleine de trous, comme s’en plaint le commissaire JF Routhier) exempte Lucien Bouchard de l’obligation de s’inscrire au Registre.
PM Johnson
Imaginons une situation fictive où M. Bouchard est premier ministre (PM). Et, disons, Pierre-Marc Johnson (ancien PM) jouait le rôle de négociateur lors d’un bras de fer avec le gouvernement. Imaginons que M. Johnson ait tenté, par des déclarations publiques, de déloger un ministre du gouvernement en lui imputant publiquement l’échec de négociations. Imaginons la colère homérique de Bouchard!
Par ailleurs, grâce à l’anniversaire des 30 ans du référendum de 1995, on redécouvre le Bouchard engagé, habile qui a ébranlé l’opinion lorsqu’il fut désigné «négociateur en chef» en cas de victoire du Oui. Souvenons-nous aussi de son appel au PM Johnson, qui avait préféré ne pas se mêler du débat. Selon Bouchard, celui-ci avait un devoir, comme ancien premier ministre: «Ce n’est pas normal et c’est surprenant, [de la part] du successeur de René Lévesque, [qu’il garde le silence]!»
Enfin, au lieu de mettre son aura au service des médecins, M. Bouchard ne devrait-il pas travailler sur les mémoires qu’on attend de lui depuis si longtemps? Il pourrait entre autres expliquer s’il regrette – comme Pauline Marois – d’avoir mis tant de valeureux travailleurs du système de santé à la retraite à la fin des années 1990.



