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« C’est un petit miracle qu’il s’en soit sorti »

Raphaël LeBlanc s’attendait à vivre des émotions fortes en essayant une des tyroliennes du Mont Sutton avec sa famille, en août dernier. Mais personne ne s’attendait à ce que le circuit se rompe ni à ce que l’adolescent fasse une chute de 25 pieds. À Sutton, comme ailleurs au Québec, aucun règlement n’encadre la conception, l’inspection ou le fonctionnement des parcours de tyrolienne, a constaté La Presse.


Publié le 8 novembre

Philippe LeBlanc, le père de Raphaël, l’ignorait lorsqu’il a organisé une sortie familiale à la tyrolienne à virages du Mont Sutton, le 16 août dernier. Construit en 2022, le parcours ondule à travers le sous-bois sur 655 mètres de long, une « première en Amérique du Nord », selon le site de la station.

Un à un, les membres de la famille ont entamé le parcours sans heurts. Raphaël s’est lancé en dernier. Quelques secondes plus tard, l’adolescent de 16 ans se rappelle avoir aperçu un « trou », là où le circuit devait se poursuivre.

« Ensuite, je me souviens juste d’être par terre et d’avoir le souffle coupé, parce que j’étais tombé », raconte-t-il.

Raphaël a fait une chute d’environ 25 pieds, « l’équivalent d’une maison à deux étages », souligne son père.

Après avoir été transporté à l’infirmerie du Mont Sutton, l’adolescent a perdu temporairement la vue. À l’hôpital, on lui a diagnostiqué une commotion cérébrale, une fracture du poignet et quelques foulures. Il souffre aujourd’hui de maux de tête et de douleurs persistants.

Pour moi, c’est un petit miracle qu’il s’en soit sorti. Il aurait pu tomber sur une roche, sur un tronc d’arbre…

Philippe LeBlanc, le père de Raphaël

Le bris de la tyrolienne « est malheureux et n’aurait pas dû survenir », écrit Lydia Lyonnais, coordonnatrice aux communications du Mont Sutton. L’installation faisait l’objet d’un « protocole précis d’inspections quotidiennes, mensuelles et annuelles », ajoute-t-elle.

L’activité a été mise à l’arrêt après l’accident, et une analyse d’expert indépendant mandaté par le Mont Sutton est en cours pour comprendre la cause de la rupture. « Hors de tout doute, nous suivrons les recommandations qui seront émises afin de prévenir tout nouveau problème, de toute origine », écrit Lydia Lyonnais.

Rares, mais graves

D’autres accidents de tyrolienne se sont soldés par des blessures graves, au Québec. En 2016, une femme a subi une commotion cérébrale et une entorse cervicale après avoir été percutée de plein fouet par un autre participant lors d’une activité de tyrolienne à la Station touristique Duchesnay.

Entre 2014 et 2023, l’hôpital Sainte-Justine a vu 41 patients pour des accidents de tyrolienne, et 8 ont été hospitalisés. L’Hôpital de Montréal pour enfants en voit environ cinq par an.

« La plupart du temps, ce ne sont pas des blessures graves, mais c’est un contexte qui peut causer de grandes blessures », explique Liane Fransblow, coordonnatrice de la traumatologie à l’Hôpital de Montréal pour enfants.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

Le circuit de tyrolienne du Mont Sutton s’est rompu en pleine utilisation.

Les blessures traitées à l’Hôpital de Montréal pour enfants sont généralement liées à des erreurs humaines, comme le non-respect des consignes de sécurité, explique Liane Fransblow. Dans des cas plus rares, c’est l’installation elle-même qui fait défaut.

Pas de normes

Aucun règlement ne régit l’installation et la conception de tyroliennes au Québec : ces installations ne sont pas couvertes par le Code du bâtiment. Il est tout de même établi en jurisprudence que le responsable d’une installation sportive a une obligation de sécurité à l’endroit de ses participants.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

L’activité de tyrolienne a été mise à l’arrêt après l’accident, et une analyse d’expert indépendant mandaté par le Mont Sutton est en cours pour comprendre la cause de la rupture.

Quoi qu’il en soit, des installations, notamment les manèges et les remontées mécaniques, sont encadrées et même soumises à des inspections par la Régie du bâtiment du Québec.

Un meilleur encadrement des tyroliennes permettrait d’éviter des blessures, selon Liane Fransblow.

Il devrait y avoir des normes au niveau de la construction et de la formation. C’est quelque chose qui doit se faire.

Liane Fransblow, coordonnatrice de la traumatologie à l’Hôpital de Montréal pour enfants

Les tyroliennes restent, à quelques exceptions près, très sûres, selon Pierre Gaudreault, directeur général d’Aventure écotourisme Québec (AEQ), une association d’entreprises d’écotourisme. La plupart des parcs offrant une tyrolienne font affaire avec des constructeurs « reconnus », explique-t-il.

AEQ offre d’ailleurs une formation obligatoire aux dix parcs de tyrolienne qui sont membres de son association. « Des experts leur montrent comment encadrer la tyrolienne en parc, pour s’assurer que l’activité se déroule bien », explique-t-il. Le Mont Sutton n’est pas membre d’AEQ.

Imposer des normes de sécurité à toutes les entreprises qui exploitent une tyrolienne pourrait aider à prévenir certains accidents, selon Pierre Gaudreault. « Tant que ça ne coûte pas un million de dollars pour faire inspecter une tyrolienne, je pense que ça pourrait aider. Tant que les attentes sont réalistes », affirme-t-il.

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