Trends-CA

Le pont Samuel-De Champlain rouille déjà

Six ans à peine après son ouverture, la rouille s’attaque au pont Samuel-De Champlain, a constaté La Presse. Les entreprises responsables de sa construction ont utilisé un produit inadéquat pour étanchéifier les centaines de joints de l’infrastructure. La solution reste à trouver.


Publié à 5 h 00

De l’extérieur, l’observateur attentif apercevra des cernes et des coulis orangés sur la partie supérieure des piliers qui émergent des flots du fleuve Saint-Laurent et qui soutiennent les tabliers du pont Champlain où 160 000 véhicules vont et viennent quotidiennement.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

Lors de la construction, le scellant appliqué aux centaines de joints des chevêtres qui supportent les tabliers routiers n’est pas étanche. Le produit se fissure et l’eau peut s’infiltrer.

Prématurée, cette rouille « entre dans la catégorie “pas prévu” », concède Martin Chamberland, directeur des opérations de Groupe Signature sur le Saint-Laurent.

Formé des multinationales AtkinsRéalis, ACS et BBGI, le consortium a non seulement conçu et construit le nouveau pont, mais c’est lui qui, selon l’entente avec le gouvernement du Canada, doit en assurer la gestion jusqu’en 2049.

Mais voilà, dès 2020, le consortium a constaté l’apparition d’une corrosion anormale non pas à un ou deux emplacements, mais bien à plusieurs endroits de chacun des immenses chevêtres d’acier en forme de « W ». Ces derniers s’appuient sur les 37 piliers de béton et supportent les voies routières et celle du Réseau express métropolitain qui relient la Rive-Sud de Montréal à L’Île-des-Sœurs.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

La rouille qui se forme sur l’acier non protégé, à l’intérieur des chevêtres, apparaît à plusieurs endroits sous forme de cernes ou de coulis orangés, a constaté La Presse.

Martin Chamberland explique que chaque chevêtre est en fait composé de quatre grandes pièces d’acier initialement indépendantes les unes des autres. Elles ont été assemblées sur place avec des boulons vissés à l’intérieur.

Le problème : le scellant appliqué sur les joints n’est pas étanche. Même si la structure est rigide, précise-t-il, « il y a un micromouvement et ce scellant-là n’est pas assez flexible. Donc, ça craque. »

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

Martin Chamberland est directeur des opérations de Groupe Signature sur le Saint-Laurent, consortium formé des multinationales AtkinsRéalis, ACS et BBGI.

Pour remédier à la situation, des équipes devront retirer le scellant actuel, enlever la rouille qui s’est attaquée à l’acier et remettre un nouveau produit afin d’étanchéifier le tout. On dénombre plus de 330 joints sur les chevêtres du pont.

Martin Chamberland ne minimise ni l’ampleur de la tâche ni le défi que les travaux à venir représentent : « La job comme telle n’est pas compliquée, mais il faut pouvoir se rendre au milieu du fleuve où [les joints] sont beaucoup plus haut. Le problème, c’est de se rendre. »

Et à combien évalue-t-on le chantier ? « Je n’ai aucune idée », répond M. Chamberland. Avant d’estimer la facture à payer, il faut que le consortium trouve le produit en mesure de sceller les joints. Ce qui n’a pas encore été fait.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

« Il n’y a aucun impact sur la fiabilité et la résistance de la structure », indique Martin Chamberland. Lors du passage de La Presse, il a proposé une visite qui démontre la solidité et la sécurité de l’infrastructure.

L’été dernier, deux scellants ont été appliqués à différents endroits. « On attend de voir comment ça va réagir à l’hiver qui peut être violent. À cause de la température, l’acier prend de l’expansion », dit-il. Comme aucune solution n’a été choisie, aucun échéancier n’est actuellement prévu pour les travaux. « Mais les poutres sont intègres, adéquates. Il n’y a aucun impact sur la fiabilité et la résistance de la structure. »

« Un design perfectible »

Le problème des joints n’est pas le seul imprévu auquel fait face le consortium. La Presse a constaté une corrosion très visible sur le petit pont qui relie la piste cyclable qui longe le fleuve Saint-Laurent à celle qui traverse le pont Samuel-De Champlain. La peinture blanche s’écaille et la balustrade s’effrite.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

Corrosion très visible sur le petit pont qui relie la piste cyclable qui longe le fleuve Saint-Laurent à celle qui traverse le pont Samuel-De Champlain

Le directeur des opérations du consortium concède qu’il y a eu, en effet, un problème dans la conception et lors de la construction de ce passage cyclable. Le béton qui a été coulé dans le coffre d’acier qui forme une partie de la structure n’a tout simplement pas adhéré au matériau.

« L’eau entre et ça se ramasse entre le béton et l’acier. Et comme la partie intérieure n’est pas peinturée [donc protégée], bien ça rouille. Et la rouille déborde », résume-t-il, admettant qu’encore là, aucune solution n’a pour le moment été trouvée.

« Disons que c’est un design perfectible », dit-il en souriant, relevant que « ça a l’air fou » de l’extérieur. Même si le petit pont peut ainsi prendre des allures d’un « vieux bateau de l’armée canadienne », il n’y a aucune crainte quant à la sécurité et la solidité de la structure, tient-il à rappeler.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

Tous les joints sont à refaire sur les 37 piliers de béton qui servent de supports aux voies routières qui relient la Rive-Sud de Montréal à L’Île-des-Sœurs.

Martin Chamberland assure que les contribuables n’auront rien à payer pour la mise à niveau du pont Samuel-De Champlain. Le projet de remplacement et l’entretien de la structure s’inscrivent dans un partenariat public-privé entre le gouvernement canadien et les membres du consortium.

Le pont Samuel-De Champlain en quelques dates

  • 2015 : Début de la construction du nouveau pont au coût de 4,2 milliards de dollars
  • 2019 : Ouverture officielle à la circulation et début de la déconstruction de l’ancien pont
  • 2020 : Le consortium décèle de la rouille découlant de la perméabilité des joints des chevêtres
  • 2025 : Des scellants sont testés, mais aucun produit n’a encore prouvé son efficacité

Related Articles

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *

Back to top button