La très grosse semaine de François Gagnon
«Flottement», c’est le mot que le journaliste et chroniqueur de RDS utilise pour décrire les derniers jours passés au prestigieux Panthéon du hockey à Toronto.
Un mélange de retour en arrière, un désir de bien faire et de n’oublier personne, résume Gagnon. «Plus c’est gros, plus c’est étourdissant, plus ça donne le vertige, plus tu te poses des questions, dit-il au surlendemain de la cérémonie. Tu finis par vraiment te demander si tu le mérites pour vrai.»
Le «chambardement d’émotions» des derniers jours a été si fort qu’on a vu le journaliste bien connu a eu la gorge étranglée par les sanglots en remerciant sa famille et ses trois enfants.
En travaillant son discours, François Gagnon appréhendait déjà ce «passage difficile» de son allocution.
«La preuve du chambardement d’émotions que j’ai vécu, c’est que j’ai oublié de remercier ma femme, déplore-t-il en disant se sentir honteux. C’est gênant, parce qu’elle a beaucoup subi les conséquences de ma passion pour le hockey. Ça m’a viré à l’envers après coup.»
Un travaillant
Ce n’est pas faute d’avoir travaillé son texte, lui qui traîne une réputation de travailleur infatigable depuis toujours. Tout cela a commencé à Québec, sa ville natale, où son premier emploi a consisté à faire des travaux de terrassement chez des voisins.
On est à la fin des années 1970, au début des années 1980, alors que les Nordiques viennent de joindre les rangs de la Ligue nationale de hockey. «Il y avait un tas de terre et tu finissais quand il n’y avait plus de tas de terre», image-t-il de son style coloré et direct.
François Gagnon a fait de même chez Déménagement Paradis Ltée, où les journées de travail se terminaient seulement quand les camions remplis de meubles et d’effets personnels avaient été vidés de leur contenu.
Cet «ADN de travail» forgé dans la capitale ne l’a plus jamais quitté par la suite.
Inspiré par le père d’un bon ami, le journaliste sportif du Journal de Québec, Guy Lemieux, François Gagnon est déménagé en Outaouais, où il a d’abord été un employé à la radio de CKCH et à Télémédia, à partir de 1986, avant de faire son entrée au quotidien Le Droit.
À l’école de Régis Bouchard
La nouvelle plume immortelle du Temple de la renommée du hockey, aux côtés de huit autres Québécois francophones, dont Yvon Pedneault (1998), Bertrand Raymond (1990), Claude Larochelle (1989) et Jacques Beauchamp (1984), repense tout de suite à Régis Bouchard, le journaliste affecté aux affaires judiciaires dans l’Outaouais.
«C’est lui qui m’a parrainé quand j’ai commencé à aller au Palais de justice, raconte-t-il. Il m’a enseigné l’importance des faits vérifiés.»
«Ma base journalistique, elle est venue de lui.»
— François Gagnon, le nouvel immortel des journalistes québécois
Ce «premier legs» lui a ensuite permis de tremper sa plume dans le but de noircir les pages sportives du Droit, le média d’Ottawa pour lequel il a commencé à arpenter les amphithéâtres de la Ligue nationale de hockey.
Avant de s’imposer parmi les scribes les plus influents, il lui fallait d’abord «survivre» dans cet univers compétitif!
Au Soleil de Larochelle
Le «petit gars de Québec» a ensuite décroché le poste de correspondant du Soleil à Montréal, un choix de la direction qui n’était pas celui du directeur des sports du plus vieux quotidien de la capitale du temps, Maurice Dumas.
«Je n’aurai jamais assez de bons mots à dire sur Maurice, insiste-t-il. À notre première discussion, il m’a dit candidement, avec son plus bel accent de Beauport: “Frank, tu n’étais pas premier mon choix. Je voulais quelqu’un d’autre, mais bienvenu dans l’équipe!”»
Une marque de respect «appréciée».
«On a formé une équipe extraordinaire, estime le choix de la Professional Hockey Writers Association (PHWA) en 2025. J’ai eu un lien phénoménal avec ce gars-là, il m’a transmis sa passion d’écrire alors qu’il n’écrivait plus. On jasait ensemble tous les matins, on en a brassé des idées!»
Dont la délicate et triste primeur publiée dans l’édition du 6 septembre 2001, la nouvelle du cancer de Saku Koivu, que Dumas lui avait refilée.
«J’ai embarqué sur le téléphone et j’ai obtenu la confirmation, raconte le journaliste. On en a goalé une shot et, ce soir-là, Maurice m’a appelé en me demandant si c’était possible de cosigner le texte. Je lui ai dit: “Non seulement c’est possible, mais c’est déjà fait!”»
Il prend une pause, empreint par ce qu’on comprend être un sursaut d’émotion.
Passé à La Presse, puis au Réseau des Sports (RDS), François Gagnon a repris avec grand bonheur son siège sur la galerie de presse du Centre Bell, mardi soir, lors du duel entre le Canadien et les Kings de Los Angeles.
L’ancien du Droit et du Soleil s’y sent beaucoup plus à l’aise qu’à Toronto, loin de son «monde» et la «maison».
La poussière commence à retomber, mais ça lui prendra toutefois encore du temps avant de s’habituer à voir son portrait accroché à l’entrée du salon Jacques-Beauchamp, où figurent tous les gagnants du prix Elmer-Ferguson à avoir couvert le CH.
Pas si mal pour un gars qui en est à son «premier prix» à vie!
«J’ai toujours été un gars qui travaillait beaucoup, un gars de troisième trio qui faisait la job», résume-t-il avec un mélange de modestie et de fierté dans la voix.
Tout comme lorsqu’il parle de son «héritage de gars de Québec», qu’il tient bien près de son cœur. «Un poteau [prononcé comme ça s’écrit et non pôteau], ça restera toujours un poteau. Ça, ça ne changera pas!» conclut-il d’un bel éclat de rire.




