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Croix gammées à Saint-Barnabé-Sud | Yahia Meddah expulsé vers l’Algérie

Un ressortissant algérien au passé trouble qui avait installé des croix gammées devant son domicile de Saint-Barnabé-Sud pour protester contre la municipalité a été expulsé en Algérie jeudi soir. Considéré comme un fugitif « extrêmement dangereux » par le FBI, il faisait l’objet d’une tentative d’expulsion du Canada depuis 2010, a appris La Presse.


Publié hier à 5 h 00

Yahia Meddah s’est vu refuser mercredi un ultime recours en Cour fédérale pour empêcher son renvoi vers son pays d’origine. Il a été expulsé vers l’Algérie par l’Agence des services frontaliers du Canada, jeudi soir, a confirmé le député fédéral Simon-Pierre Savard-Tremblay.

« Je pense qu’on peut dire que cette situation est le résultat d’un système défaillant », a commenté le député bloquiste de Saint-Hyacinthe–Bagot–Acton, en réaction à la décision de la Cour fédérale. L’élu multiplie depuis plusieurs mois les pressions politiques avec son homologue provinciale, la députée Chantal Soucy, pour que l’homme de 54 ans soit expulsé du sol canadien.

Je vais y croire pour de bon lorsque j’aurai la preuve qu’il a bel et bien posé les deux pieds en Algérie.

Chantal Soucy, députée de Saint-Hyacinthe

Mme Soucy a qualifié cette expulsion d’« immense soulagement pour les citoyens de Saint-Barnabé-Sud ». « Ils ont subi des provocations inacceptables, nourries par des gestes répétés de mépris [de M. Meddah] envers nos institutions », a ajouté la députée.

Une dizaine de policiers et d’agents des services frontaliers se sont présentés à son domicile en après-midi jeudi pour s’assurer qu’il n’échappe pas à l’ordonnance d’expulsion. M. Meddah s’était cependant déjà rendu par lui-même à l’aéroport, selon plusieurs sources.

La Presse avait révélé en janvier dernier que M. Meddah était entré au Canada en 1998 après s’être enfui d’un hôpital psychiatrique de Floride. Arrivé sur le territoire américain avec un faux passeport quelques mois auparavant, il s’était vu refuser l’asile par les autorités américaines. Le FBI considérait qu’il était « affilié » au Groupe islamique armé, une organisation terroriste ayant commis plusieurs prises d’otages et assassinats au tournant des années 2000, selon plusieurs documents judiciaires obtenus par La Presse1.

Le Canada lui a également refusé l’asile ainsi que la résidence permanente, en 2007, en raison de « préoccupations concernant des questions de sécurité », indique son dossier d’immigration.

Il a été officiellement « interdit de territoire » en 2014, après avoir a été reconnu coupable de recel et de voie de fait contre un inspecteur de dépanneur.

Son expulsion n’a cependant jamais eu lieu. « Entre 2010 et 2014, l’Agence des services frontaliers du Canada a tenté de procéder à son renvoi, sans succès faute de documents de voyage », précise la décision de la Cour fédérale.

Selon le député Simon-Pierre Savard-Tremblay, le gouvernement fédéral n’arrivait tout simplement pas à obtenir de l’Algérie les documents nécessaires pour qu’il rentre dans son pays d’origine.

« Vu que ça bloquait avec l’Algérie, on est allé porter un dossier à l’ambassade des États-Unis en leur demandant, puisqu’il arrivait de chez eux, si ça leur tentait de faire quelque chose, confie M. Savard-Tremblay. C’est très récent. Ils n’ont pas eu le temps de me revenir là-dessus. »

Sous le radar

Pendant toutes ces années, Yahia Meddah a réussi à passer sous le radar.

Il a subitement attiré l’attention sur lui en juin 2024 lorsqu’il a installé des pancartes affichant des croix gammées devant son domicile. Son geste visait à dénoncer le « saccage » prétendu de son domicile par des inspecteurs après que l’électricité lui avait été coupée et que sa famille avait utilisé une génératrice et des barbecues pour faire la cuisine à l’intérieur.

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

Résidence de Yahia Meddah, en janvier dernier

M. Meddah a bravé une série d’ordonnances de la Cour supérieure lui ordonnant de retirer ses pancartes, allant jusqu’à être déclaré coupable d’outrage au tribunal avant d’agir2.

La municipalité de Saint-Barnabé-Sud affirme avoir déboursé à ce jour plus de 150 000 $ en frais judiciaires pour interdire à M. Meddah de réinstaller ses pancartes.

Enquête de La Presse et pressions politiques

Ce n’est qu’en février 2025, à la suite de la publication de l’enquête de La Presse révélant son passé migratoire et de pressions politiques exercées par les élus auprès du ministère de l’Immigration, que « l’Agence des services frontaliers a entrepris une série de démarches auprès du consulat algérien pour l’obtention de documents de voyage pour [M. Meddah] », indique le jugement.

M. Savard-Tremblay admet avoir été surpris par la lenteur du processus. « Je me bats parfois pour empêcher l’expulsion de pauvres Mexicains forcés d’abandonner leur famille à cause d’une erreur dans un dossier, et de l’autre côté, il y a cette espèce de pacha, qui est gras dur, qui rit des autorités depuis des années et qui insulte la population de son village. Enfin un peu de bon sens », s’est-il réjoui.

« Je suis satisfaite que la frustration des citoyens ait été entendue et que la pression politique des élus ait fonctionné, a pour sa part réagi la directrice générale de la municipalité de Saint-Barnabé-Sud, Linda Normandeau.

Cet individu a coûté très cher à la société et n’aurait à la base jamais dû se trouver au Canada.

Linda Normandeau, directrice générale de la municipalité de Saint-Barnabé-Sud

Officiellement condamné à l’exil en août dernier, M. Meddah a tenté d’obtenir mercredi un ultime sursis en déposant à la Cour fédérale une note d’un médecin de l’Institut de cardiologie de Montréal indiquant qu’il « ne peut pas prendre l’avion pour raison médicale jusqu’à nouvel ordre ».

La juge Jocelyne Gagné, soulignant qu’il s’agissait d’une « note laconique de dernière minute, signée après une très courte visite médicale », a rejeté sa demande.

Yahia Meddah avait déjà évoqué des problèmes cardiaques similaires en fournissant un « certificat médical nébuleux » au Tribunal administratif du Québec, en 2018, lors d’un procès pour « fausses déclarations » afin d’obtenir illégalement des prestations d’aide sociale. Il a été condamné à rembourser 82 000 $ à l’État pour ces fausses déclarations.

M. Meddah est toujours visé par une accusation criminelle pour vol d’électricité. Le procès est prévu dans les prochains jours. Il doit aussi témoigner dans un procès civil ainsi qu’un procès criminel visant deux de ses fils, accusés de menaces et de voies de fait contre deux résidants de Saint-Barnabé-Sud.

« L’ambassade du Canada en Algérie s’est engagée à accommoder » M. Meddah en lui permettant de témoigner à partir de ses bureaux lors de ces procès, indique le jugement.


1. Lisez « Croix gammées à Saint-Barnabé-Sud : Un sans-statut en colère »


2. Lisez « Croix gammées à Saint-Barnabé-Sud : Yahia Meddah coupable d’outrage au tribunal »

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