Coupe Grey | Les Alouettes déplumés par les Roughriders

(Winnipeg) Davis Alexander n’avait jamais failli à la tâche dans l’uniforme des Alouettes de Montréal, avant dimanche soir. Comme partant, le quart-arrière avait gagné ses 13 premiers matchs dans la Ligue canadienne de football. Sa fiche immaculée et son rendement donnaient l’impression qu’il était invincible. Une flèche a cependant traversé son armure. Et Alexander a dû s’avouer vaincu pour la toute première fois.
Mis à jour à 0 h 48
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Alexander disputait son premier match à la Coupe Grey. Sa première passe de la rencontre, un long relais en direction de Tyson Philpot, a été interceptée par un joueur des Roughriders de la Saskatchewan. Sa dernière passe de la partie, une bombe en désespoir de cause vers Philpot, a touché le sol dans la zone des buts. Entre ces deux jeux, Alexander a été victime de deux autres interceptions. Finalement, les Alouettes ont perdu leur dernier duel de la saison au compte de 25-17.
On entendait les célébrations des vainqueurs sur le terrain du stade Princess Auto depuis le sous-sol de l’édifice. Pendant qu’on imaginait une pluie incessante de confettis verts et blancs tomber du ciel manitobain, Alexander semblait être dans la lune lorsque les membres des médias se sont présentés à son casier, dans le vestiaire de l’équipe. Secoué, comme en état de choc, le joueur de 27 ans a pris l’entière responsabilité de cette défaite sur ses épaules.
Je n’ai pas assez bien joué pour espérer gagner. J’ai commis des revirements que je n’ai jamais commis cette saison. Quand tu te fais battre comme quart-arrière, tu affaiblis ton équipe. J’aurais dû faire mieux pour cette organisation dans le plus gros match de ma carrière.
Davis Alexander
Les mains sur le devant de ses épaulettes, la narine droite en sang et les bras égratignés, Alexander peinait à trouver les mots. Habituellement volubile et éloquent, le quart-arrière réalisait à peine ce qui venait de se passer. « J’ai vraiment tout laissé sur le terrain. Je ne sais pas quoi dire. C’est difficile », a-t-il dit en fixant le vide.
PHOTO DARRYL DYCK, LA PRESSE CANADIENNE
Davis Alexander
Les Alouettes ont baissé pavillon contre la meilleure formation du circuit en saison en ayant été dans le coup de la première à la dernière minute de cette partie.
Les quatre revirements, cependant, ont miné les chances de l’équipe de remporter un deuxième titre en trois ans.
Le cauchemar
Alexander avait été intercepté sept fois en carrière. Dans ce match sans lendemain, il a été victime de trois larcins. Et dans la colonne des revirements, il faut aussi ajouter l’échappé du quart-arrière Shea Patterson. Auteur du premier touché de la rencontre et spécialiste des faufilades du quart de l’équipe, Patterson avait l’occasion de réduire l’écart à deux points en fin de quatrième quart. Les Roughriders menaient par huit points et Alexander avait propulsé l’attaque montréalaise à trois verges de la zone des buts. Une formalité, habituellement, pour Patterson. En voulant se jeter sur la gauche, il a échappé le ballon. Les Roughriders l’ont récupéré dans la zone des buts et ont privé les Alouettes d’une remontée presque certaine.
Dans le vestiaire, le casier de Patterson était juste à côté de celui d’Alexander. Pendant que les membres des médias questionnaient le quart-arrière partant, Patterson pleurait. Sur sa tête, une serviette blanche. Sur ses joues, de gros sanglots. À un moment, il s’est retourné, face à son équipement accroché dans son casier. Un pied sur son banc, il était inconsolable. Replié sur lui-même, Patterson ne pouvait cacher sa peine. De dos, ses épaules tressautaient sans arrêt. Par deux fois, il s’est redressé pour reprendre son souffle probablement pénible à trouver entre les larmes.
Isaac Adeyemi-Berglund, toujours en équipement, a pris son coéquipier dans ses bras en lui murmurant des mots à l’oreille et en lui donnant des tapes sur les épaules. Son noir d’œil a même taché la serviette blanche de Patterson. La discussion a duré presque une minute.
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Isaac Adeyemi-Berglund avec ses coéquipiers
« Ce n’est pas sa faute si nous avons perdu. Il y a 60 minutes dans un match. Nous aurions pu marquer plus de points. Celui qui s’en prend à Shea doit s’en prendre à toute l’équipe. Je l’aime comme un frère », a souligné Adeyemi-Berglund.
Ensuite, Patterson a pris son courage à deux mains pour mettre en mots les émotions qu’il était en train de vivre.
« J’avais la chance de gagner un premier jeu, de marquer un touché et on aurait pu créer l’égalité, mais je me suis fait frapper de côté par un de leurs joueurs », a mâché Patterson.
Cependant, comme l’a rappelé l’entraîneur-chef Jason Maas après la rencontre, le sort de son équipe ne s’est pas joué sur cette seule séquence. Les Alouettes ont converti seulement 50 % de leurs deuxièmes essais et deux de leurs quatre présences dans la zone payante.
« C’est la première fois de la saison que notre équipe commet un revirement dans la zone payante. Je ne l’avais pas vu venir. […] Je sais que Shea se sent mal. Mais il doit relever la tête. Et il y pensera pendant six mois. J’aimerais pouvoir le faire jouer la semaine prochaine pour lui faire oublier, mais on ne peut pas. »
Les détails qui font mal
Les Alouettes savaient exactement à quoi s’attendre contre les Roughriders. À la demie, les Oiseaux s’en tiraient encore à bon compte avec un retard de 15-7.
Puis, au début du troisième quart, le vent des prairies a déferlé sur la défense montréalaise. Un train nommé Ouellette, Austin James de son prénom, a quant à lui roulé sur la ligne défensive des Alouettes. Le porteur de ballon de la Saskatchewan a inscrit un touché pour porter la marque à 22-7. Et un placement pour faire 25-14 a presque mis le match hors de portée des Alouettes. Tout fonctionnait pour l’attaque des Roughriders. Le quart-arrière Trevor Harris a complété 23 de ses 27 passes pour 302 verges. Une performance suffisante pour lui décerner le titre de joueur par excellence de la rencontre. Ouellette, lui, a couru 17 fois pour 83 verges.
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A. J. Ouellette
« On avait le contrôle sur notre propre destin. Tu ne peux pas être impuissant dans ce genre de situation, a avisé Marc-Antoine Dequoy. Nous sommes sur le terrain. On devait répondre. C’est une question d’exécution. Et l’autre équipe a mieux exécuté que nous. Aujourd’hui, ils ont gagné et nous avons perdu. »
Plus d’une heure après la rencontre, les lumières du stade étaient presque toutes éteintes. Les employés s’affairaient à ranger le matériel et à démonter les installations. Sur une largeur de 25 verges, au centre du terrain, il restait un amas de confettis. Ouellette et le centre Logan Ferland sont allés s’asseoir au milieu. Et ils ont parlé. En déchiquetant des confettis comme si c’étaient des brins d’herbe. Et ils se sont couchés, pour tracer des anges, comme s’ils étaient dans la neige. Ils ont ramassé des confettis, les ont gardés dans leurs mains et sont repartis au vestiaire côte à côté.
La bataille fut longue, digne et féroce. Comme Ouellette et Ferland, les joueurs des Alouettes ont laissé une partie d’eux-mêmes sur le terrain du stade Princess Auto, dimanche soir.
« Nous nous sommes battus jusqu’au bout, a rappelé Dequoy. Jusqu’au dernier lancer, l’équipe y a cru. Et ça, ça vaut énormément et ça veut dire beaucoup sur le caractère de nos joueurs. »
Les joueurs des Roughriders sont repartis chez eux avec le trophée, des confettis et l’honneur. Tandis que ceux des Alouettes sont repartis avec une bonne raison de vouloir revenir.




