La vérité sur la fausse avocate | La fausse avocate qui a eu trop d’attention

La fausse avocate Megan Lalonde, celle qui a notamment embobiné le rappeur Yes Mccan, incarne parfaitement notre époque où n’importe quel twit peut devenir une vedette sur TikTok, puis dans la « vraie vie », en créant du drame et de la chicane.
Publié hier à 8 h 15
C’est exactement la trajectoire qu’a empruntée la « célèbre » Megan Lalonde, 25 ans, à qui la plateforme Crave consacre la minisérie documentaire La vérité sur la fausse avocate, dont les trois épisodes de 45 minutes sont présentement en ligne.
Premier constat : c’est (trop) long comme production, un film de 90 minutes aurait amplement suffi pour raconter cette affaire criminelle, assez commune, de fraude en ligne et d’usurpation d’identité. Deuxième truc : c’est énormément d’attention pour cette jeune femme de Drummondville qui court justement après les clics, les vues et les mentions « j’aime » sur les réseaux sociaux.
Ce qui ressort de La vérité sur la fausse avocate, c’est que Megan Lalonde, peu instruite, passait ses journées à s’obstiner sur TikTok avec des inconnus en buvant du Red Bull et en fumant des cigarettes. Voilà l’objet de tant de fascination : une menteuse compulsive qui utilisait des photos retouchées de pin-up pour mousser son inexistante carrière d’avocate.
Le premier épisode de la minisérie de Crave expose en long et en large comment l’étoile de Megan Lalonde a commencé à briller sur TikTok, en février 2024. Virtuellement, elle se pointait dans des évènements en direct, les fameux live sur TikTok, et invectivait d’autres internautes, et tous ces beaux Prix Nobel se traitaient d’« estie de conne » ou de « câlisse de folle ». Édifiant.
Évidemment, ce gros « drama » a gonflé le nombre d’abonnés de Megan Lalonde, qui a cependant croisé, sur la page de l’influenceur controversé Motogod, celle qui la démasquerait : Isabelle Wilmot.
Cette dernière a été embauchée par Motogod – Alexandre Granger de son vrai nom – pour modérer les clavardages et les discussions sous ses publications web. Très vite, Isabelle Wilmot a constaté que Megan Lalonde polluait les conversations et qu’elle cachait sa véritable identité, refusant systématiquement de montrer son visage à la caméra.
PHOTO FOURNIE PAR BELL MÉDIA
Isabelle Wilmot dans une scène tirée de la série
Avec des amis enquêteurs du web, Isabelle Wilmot a formé l’escouade « Team Interpol » afin d’exposer les nombreux mensonges de Megan Lalonde. « On se sentait comme dans un true crime », témoigne Isabelle Wilmot dans la minisérie documentaire de Crave.
Il n’a pas fallu creuser bien profond pour déterrer plusieurs squelettes. Depuis 2021, 21 dossiers de police concernent Megan Lalonde, dont 11 pour fraude et un de harcèlement criminel. Les techniques d’arnaque de la fausse avocate, déployées à Gatineau, Drummondville, Alma et Victoriaville, ne relevaient pas d’Ocean’s Eleven, disons-le.
PHOTO FOURNIE PAR BELL MÉDIA
Dominic, l’une des victimes, qui témoigne dans la série
Sous de faux noms tels Amy-Lee Lavoie ou Megan Lola, elle annonçait sur Kijiji ou Marketplace des chiots à vendre, un gazebo ou des meubles de jardin. Les clients intéressés lui écrivaient, puis lui viraient une somme par Interac. Megan Lalonde encaissait l’argent, ne livrait jamais la marchandise et fermait la page Facebook dont elle se servait. Fin du stratagème.
Encore ici, c’est un groupe de citoyens détectives, les « Mamans hardcore », qui est parti aux trousses de Megan Lalonde, qu’une victime qualifie de « grosse BS fraudeuse ». La minisérie documentaire donne aussi la parole à son ancien copain, Alexandre Cobello, un vendeur de Tupperware qu’elle a fréquenté de 2017 à 2018. Des accusations de voies de fait, d’incitation au suicide et de menaces de mort ont flotté autour de ce couple mal assorti.
Certaines parties du documentaire de Crave deviennent très bizarres. Notamment celle où l’ancienne meilleure amie de Megan raconte qu’un trip à trois (consentant) qu’elles ont fait avec le petit ami en question (Alexandre Cobello) a servi de munition pour déposer une plainte d’agression sexuelle.
Le rappeur Yes Mccan, qui s’appelle en fait Jean-François Ruel, n’accorde pas d’entrevue à la réalisatrice Isabelle Tincler pour la confection de cette série documentaire. En avril 2024, Jean-François Ruel, alias le proxénète Damien dans la télésérie Fugueuse, a révélé avoir entretenu une correspondance pendant un an avec Megan Lalonde, sans jamais la rencontrer physiquement. Elle ne l’a toutefois pas escroqué.
Megan Lalonde, toujours visée par 15 chefs d’accusation (fraude, violation de probation) ne témoigne pas non plus dans la minisérie qui la concerne. Elle exigeait d’avoir le plein contrôle sur le contenu des épisodes de La vérité sur la fausse avocate, ce que la production lui a évidemment refusé.
La fausse juriste de TikTok a finalement été arrêtée le 30 juillet 2024, à Boisbriand, et condamnée à 30 jours de prison. Peu de temps après sa libération de l’établissement de détention Leclerc, à Laval, elle est retournée sur les réseaux sociaux et s’est, bien sûr, servie de son incarcération pour obtenir de l’attention.
Hélas, on dirait que cette saga, à laquelle le Barreau du Québec a été mêlé, ne finira jamais. C’est lassant et redondant. Et, au risque de radoter, c’est trop de temps investi dans l’histoire d’une personne aussi peu intéressante.



