Crise au PLQ | De la fumée et un casse-tête

Voici à quoi ressemble un parti qui implose au ralenti à la télévision.
Publié à 5 h 00
On ne sait pas ce qui se passe exactement sous le capot du Parti libéral du Québec (PLQ). Mais on voit la fumée, et on imagine le pire.
En fait, il y a deux accidents en parallèle. On ne peut pas encore prouver qu’il y a un lien entre les deux, mais ils surviennent en même temps, de façon imprévue.
Commençons avec Marwah Rizqy et sa façon hautement irrégulière lundi soir de congédier sa cheffe de cabinet, Geneviève Hinse, qui était la femme de confiance du chef Pablo Rodriguez.
En droit du travail, il y a habituellement un avertissement et une gradation des sanctions avant de rompre le lien d’emploi. Rien de tel ici. La faute doit donc être grave. C’est ce qu’avance Mme Rizqy. Or, elle refuse encore de dire en quoi consiste la faute. Ce n’est pas normal. En attendant une preuve à la hauteur de l’accusation, sa crédibilité en souffre.
En laissant ainsi planer les pires soupçons, elle décrédibilise le PLQ, et elle doit le savoir. Reste à comprendre pourquoi elle le fait malgré tout.
Que s’est-il passé dans les derniers jours ?
Pour l’instant, des sources parlent d’une utilisation de ressources parlementaires à des fins partisanes. Par exemple, si un député accompagne en région le chef Pablo Rodriguez, la portion de son travail effectuée pour le parti doit être remboursée par le PLQ, et non par l’Assemblée nationale. A-t-on exagéré sur le crayon ? Je ne veux pas banaliser ce cas de figure. Mais on serait tout de même loin du vaste complot de corruption. D’autant que les sommes en jeu sont habituellement modestes.
Sur le plan juridique, Mme Hinse dirigeait le cabinet de la cheffe parlementaire de l’opposition officielle. Sa patronne était donc Mme Rizqy. Pas M. Rodriguez, un non-élu. Reste qu’elle avait été nommée à la demande de M. Rodriguez. Sur le plan politique, il détient l’autorité. C’est d’ailleurs à lui que Mme Rizqy doit son poste.
J’essaie d’être prudent. À cette étape, on ignore ce qu’on ignore. En fait, seules deux personnes devraient avoir toute l’information : Mmes Rizqy et Hinse.
On en sait plus toutefois sur la nature de leur relation.
Mme Rizqy ne faisait pas consensus dans le caucus. Elle laissait peu de places aux initiatives de ses collègues. Elle tolérait aussi mal d’être contredite. M. Rodriguez restait à distance de l’Assemblée. Par négligence, il a laissé les tensions monter. C’est Mme Hinse qui recevait les doléances des députés et qui essayait d’intervenir auprès de la cheffe parlementaire.
Ces tensions n’invalident pas l’hypothèse d’une « faute grave » sur un autre sujet. Les deux problèmes peuvent avoir coexisté. Mais au minimum, cette relation difficile a pu inciter Mme Rizqy à se montrer impitoyable.
En parallèle, il y a les allégations de malversations dans la course à la direction.
Mardi, Le Journal de Montréal a publié un échange de textos où deux personnes disent avoir acheté des votes pour Pablo Rodriguez. Les protagonistes ne sont pas identifiés. L’authenticité des captures d’écran n’a pas été confirmée non plus. L’échange était court, et on risque d’en découvrir d’autres.
Mercredi, le PLQ a dit avoir été au courant depuis avril d’allégations concernant des irrégularités à Laval.
En fait, il y en a deux.
Les premières allégations sont celles rapportées par Québecor. Les libéraux en avaient pris connaissance en avril, mais de façon verbale. Le parti ne les avait alors pas jugées crédibles.
Les autres allégations connues du parti depuis avril viennent de textos sur des manigances en coulisses à Laval. Il est question d’au moins deux personnes – la libérale Sona Lakhoyan Olivier qui voulait repêcher la caquiste Alice Abou-Khalil. Elles n’en sortent pas grandies.
Tout cela laisse dubitatif…
PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE
Le chef du Parti libéral du Québec, Pablo Rodriguez, en point de presse mercredi
Les allégations ont surgi en avril dernier, deux mois avant le vote qui a couronné M. Rodriguez. Si elles étaient solides, pourquoi ses rivaux ne les ont-ils pas relayées alors ? Car la course était serrée.
Québecor disposait de ces informations à l’époque, mais avait choisi de ne pas les publier. Selon le média, le Directeur général des élections a depuis déclenché une enquête. Cela a pu être interprété comme un feu vert pour publier. Mais quand l’enquête a-t-elle commencé, et à la suite d’une plainte de qui ?
Sous pression, le PLQ commande maintenant une enquête externe parallèle. Il aurait mieux paru s’il avait pris les devants au printemps. Surtout avec son passé éthique trouble.
Voici quelques questions pour Mme Rizqy : Connaissait-elle ces allégations en avril ? Si oui, pourquoi a-t-elle choisi malgré tout de donner son appui à M. Rodriguez ?
Et est-ce un hasard si le congédiement de Mme Hinse survient quelques heures avant la publication des textos ? La députée était-elle au courant de ce qui s’en venait ?
Les révélations se font dans le désordre, et on se demande pourquoi. Car si on veut faire la lumière, ce n’est pas ainsi qu’on procède.
Si Mme Rizqy souhaite défendre l’intégrité de son parti, elle doit parler, et vite. Sinon, personne n’en sortira indemne.
On a l’impression que même si cette histoire dure depuis deux jours, elle ne fait que commencer…




