Trends-CA

Vincent Marissal quitte QS | Les identités politiques fluides

Que Vincent Marissal quitte Québec solidaire (QS) ne surprend pas. Dans le parti, son bonheur n’était pas contagieux. Il se plaignait à une fréquence régulière.


Publié à 5 h 00

Ce qui étonne est le choix de sa destination espérée : le Parti québécois, meilleur ennemi de QS. Un parti qui priorise l’indépendance et qui se rapproche du conservatisme identitaire, deux positions que l’on n’associe pas spontanément à M. Marissal. Il a déjà dénoncé l’obsession, selon lui, de Paul St-Pierre Plamondon (PSPP) pour les « wokes ».

Mais il veut continuer de faire de la politique, il constate la dégringolade caquiste et il se méfie des libéraux, pris dans une étrange mutinerie éthique. Cela lui laisse peu de choix.

La suite ne sera toutefois pas simple.

Pour le moment, PSPP ne lui ouvre pas les bras. La question des transfuges est « toujours très délicate », a écrit le chef péquiste sur X.

Avec l’accumulation des désertions et défections cet automne, en effet, chaque nouveau cas soulève le cynisme.

« Je prends bonne note qu’il désire continuer à servir en politique. Le Parti québécois n’a cependant rien à annoncer à ce sujet, à part que nos discussions venaient de débuter », a prudemment ajouté PSPP.

Le député de Rosemont prévoyait démissionner du caucus mercredi. Une fuite s’est rendue aux oreilles du parti, qui l’a expulsé.

Le PQ pourrait imposer à M. Marissal un purgatoire de quelques jours ou de quelques semaines. Mais de toute évidence, il est prêt à sauter la clôture.

Le PQ ne risquerait pas tant à l’accueillir. Pour gagner un référendum, il aura besoin de tous les indépendantistes, y compris les mous, les inclusifs et ceux de gauche. Une telle coalition sera difficile à gérer, mais elle reste préférable à la défaite. Et elle répond à ceux qui, à mots à peine couverts, dépeignent PSPP en xénophobe⁠1.

Au début novembre, PSPP promettait de ne pas accueillir les « transferts caquistes ». Avec le recul, il pesait ses mots en liant ce refus aux caquistes. À l’époque, il discutait avec M. Marissal, son voisin de bureau au troisième étage de l’Assemblée nationale et un ancien collègue de Bazzo.tv.

Pour recruter un député adverse, des chefs offrent parfois une récompense, ce qui fait des jaloux. Ce sera différent avec le PQ. Sa toute petite équipe a un urgent besoin de renfort.

N’empêche que le sujet reste délicat. Après la raclée de 2022, le PQ agonisait. Les survivants voyaient d’anciens collègues bondir vers la CAQ pour trouver un emploi. Ceux qui ont rebâti le parti se méfient aujourd’hui des revenants ou des conversions tardives et opportunistes.

Le PQ n’est pas pressé avec M. Marissal. Chaque jour fait oublier, un tout petit peu, son passé solidaire. Il pourrait finir son mandat comme indépendant, avant de faire le saut avec le PQ pour la prochaine campagne.

En 2018, M. Marissal avait commencé sa carrière politique avec un mea culpa. « Je n’ai pas dit la vérité », avouait-il. L’année précédente, il avait discuté à plus d’une reprise avec les libéraux fédéraux pour se présenter à la partielle dans Outremont. Après avoir nié, il a dû reconnaître les faits.

Cette fois, il devra se montrer transparent. Il devra aussi expliquer son parcours idéologique sinueux. Son identité politique est fluide – il préférera le terme « pragmatique ». Certes, de nombreux citoyens se trouvent comme lui quelque part entre les cases partisanes, mais ils n’ont pas un contrat moral avec leurs électeurs.

Après son flirt avec les libéraux fédéraux, le député envisageait de faire le saut au municipal. « Montréal ne va pas super bien, et je suis montréalais d’abord et avant tout », déclarait-il.

Il aurait aimé que Projet Montréal le recrute pour succéder à Valérie Plante. Il a ensuite songé à lancer son propre parti, avant de renoncer face à l’ampleur du travail.

Au début de son mandat, M. Marissal trouvait que Gabriel Nadeau-Dubois et sa garde rapprochée prenaient trop de place. Ironiquement, il reproche à QS d’être devenu ingouvernable alors qu’il était le seul député à appuyer Émilise Lessard-Therrien, qui promeut un populisme de gauche et un retour à une approche contestataire.

À QS, il s’éloignait de plus en plus de sa zone de confort. L’affaire Bouazzi a aggravé ce malaise – en pleine course au co-porte-parolat féminin, ce bouillant député avait braqué les projecteurs sur lui pour accuser certains de ses collègues de faire preuve de racisme chaque jour. M. Marissal aurait voulu l’expulser du caucus, mais les militants solidaires l’en ont empêché.

Il donnait l’impression de lever le nez sur les questions identitaires.

Il a aussi été choqué de voir son parti se ranger par réflexe derrière les syndicats de la STM, au lieu de chercher une façon de défendre en même temps les usagers vulnérables.

M. Marissal quitte la chaloupe alors qu’elle prend l’eau. QS criera à la trahison, et cela se comprend. Les portes du parti lui avaient été grandes ouvertes en 2018, avec une circonscription de choix qui l’attendait.

Mais il verra les choses autrement. Il n’est pas seul à s’inquiéter de ce que devient QS. Gabriel Nadeau-Dubois s’est épuisé à en faire un parti capable de gouverner.

L’opposition, pragmatique ou poétique, a ses limites. Pour changer la société, mieux vaut avoir le pouvoir. M. Marissal juge que le PQ est actuellement le meilleur véhicule pour agir.

Reste que si sa conversion se confirme, il devra ajuster son enthousiasme quand le PQ parlera du projet de pays, et y croire.


1. Lisez la réaction de PSPP à une attaque de QS à son endroit

Related Articles

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *

Back to top button