«Inoffensifs, mes implants?»: faire la lumière sur les prothèses mammaires

Après s’être fait retirer ses prothèses de sein en 2023, en raison de risques accrus de cancer, la médecin de famille Isabelle Gaston plaide pour un registre national des implants mammaires, qui permettrait d’aviser rapidement les femmes en cas de problème.
Dans son nouveau documentaire intitulé Inoffensifs, mes implants ?, la Dre Gaston raconte d’abord sa propre expérience. En 2008, elle s’est fait poser des implants mammaires macrotexturés de la compagnie Allergan. « Mais quelques années plus tard, j’ai appris que mes implants mammaires pouvaient me rendre malade. Non seulement ils pouvaient me rendre malade, mais ils pouvaient me donner le cancer », relate-t-elle à l’écran.
Ces prothèses d’Allergan ont effectivement été retirées du marché en 2019 en raison de risques accrus de cancer du système immunitaire. Or, elle affirme ne jamais avoir été contactée par un médecin à ce sujet et avoir découvert cette information par hasard quelques années plus tard.
« J’ai vraiment un sentiment d’injustice de ne pas avoir été mise au courant, de me dire que je ne vaux même pas un téléphone », soutient-elle.
Pour la Dre Isabelle Gaston, il n’était « pas question » de rester exposée à un danger potentiel. « Longtemps, j’ai voulu mourir », dit-elle, en référence au drame de 2009 où son ex-conjoint, Guy Turcotte, a tué leurs deux enfants. Aujourd’hui, elle est toutefois mère d’un petit garçon nommé Xavier et sa vision de la vie a « complètement changé ». « Ce n’est pas vrai qu’une fois que j’ai retrouvé du bonheur avec Xavier, que là je vais perdre ma santé », confie-t-elle, la voix nouée par l’émotion.
En faveur d’un registre
En 2023, la médecin de famille a donc décidé de se faire retirer ses implants mammaires. Elle a cependant continué de s’intéresser à la question après l’intervention. « Mon but, c’est pas d’énerver les gens. Mon but, c’est de faire un consentement éclairé pour que les gens soient libres quand ils prennent leurs décisions », affirme-t-elle.
Au Québec, entre 8000 et 8500 femmes se font poser des implants mammaires chaque année, « que ce soit à des fins reconstructives, esthétiques ou pour remplacer des prothèses existantes », souligne-t-on dans le documentaire.
À ce jour, il n’existe toutefois aucun registre canadien permettant de suivre les femmes porteuses d’implants et les informer en cas de problèmes liés aux prothèses. Pourtant, cette mesure serait bénéfique pour les patientes, « tant pour leur santé que pour la recherche et le suivi », estime le Dr George Emmanuel Salib, président de l’Association des spécialistes en chirurgie plastique et esthétique du Québec, dans le documentaire.
Interviewé à l’écran, le rhumatologue albertain Jan Willem Cohen Tervaert est du même avis. « C’est étrange que lorsque votre voiture ne fonctionne pas bien, il y a un rappel immédiat grâce à l’existence d’un bon registre, mais que si vos implants mammaires posent un problème, il n’y a aucune possibilité de rappel qui soit fiable. »
Dans le documentaire, Santé Canada affirme avoir mis sur pied un comité chargé d’évaluer la possibilité de créer un registre.
Reconnaissance officielle ?
Dans sa quête, la Dre Gaston a rencontré plusieurs femmes qui, sans en avoir la certitude, croient que leurs implants leur causent des problèmes de santé. « Elles ont choisi comme moi de prendre une chance et de se faire retirer leurs implants. »
Avant de subir sa chirurgie, la médecin de famille relate qu’elle ressentait elle-même au quotidien divers symptômes, comme des doigts enflés, des frissons et une faiblesse dans les jambes. « Je me suis vraiment améliorée [après la chirurgie] », témoigne-t-elle.
Sur son site, Santé Canada explique que le terme « maladie des implants mammaires » est utilisé pour décrire divers symptômes ou maladies chez des personnes ayant des prothèses de sein. Les symptômes signalés sont entre autres de la fatigue, de la douleur ou une raideur articulaire, ou encore des problèmes de mémoire ou de concentration. Des maladies auto-immunes, qui surviennent lorsque le corps s’attaque par erreur à des cellules, des tissus ou des organes sains, ont aussi été rapportées.
À l’heure actuelle, Santé Canada ne reconnaît toutefois pas la « maladie des implants mammaires » comme un diagnostic médical. Il explique qu’après l’analyse des rapports reçus, il n’a pas été possible de déterminer si les implants étaient la cause des symptômes ou des maladies rapportés.
Pourtant, selon le Dr Jan Willem Cohen Tervaert, ce n’est qu’une question de temps. « Dans 50 ans, tout le monde reconnaîtra qu’il existe un lien entre les implants mammaires et les maladies liées aux implants mammaires. J’en suis convaincu. »



