« Tout notre malheur vient de là »

Revenir sur les ambitions affichées par le candidat Macron, alors qu’il est aujourd’hui au sommet de l’État depuis plus de huit ans, est un exercice qui ne manque pas de sel. Extrait de son livre manifeste Révolution.
Un désir profond de politique et d’engagement citoyen anime depuis longtemps notre pays. Pourtant, une fatigue démocratique s’est installée, qui ne supporte plus ce qu’il est convenu d’appeler le « système », l’inefficacité de l’action publique, la prise en otage de notre destinée par quelques-uns. Cela n’est pas propre à la France. Nombre de démocraties, en particulier occidentales, vivent cela. La peur du déclassement, l’effroi devant un monde qui s’effondre, la fascination pour les extrêmes ou les démagogues, se nourrissent de ce ressentiment.
Dans ce contexte on m’opposera deux arguments : vous êtes du système, quelle leçon allez-vous nous donner ? Pourquoi réussiriez-vous à agir et à transformer le pays là où tant d’autres ont échoué ?
J’aurai deux réponses tout aussi directes : je suis le produit du système méritocratique français, j’y ai réussi, mais je n’ai jamais adhéré au système politique traditionnel. Si je pense réussir, c’est justement parce que je ne vais pas chercher à tout faire, je veux clairement exposer un dessein, vous en convaincre. Ce que je ferai, je le ferai avec vous.
Ce qui alimente la colère ou le rejet de nos concitoyens, c’est la certitude que le pouvoir est aux mains de dirigeants qui ne leur ressemblent plus, ne les comprennent plus, ne s’occupent plus d’eux. Tout notre malheur vient de là.
De ce fait, nombre de personnalités politiques se persuadent qu’il nous faut de nouvelles règles, de nouvelles lois, et pour certains, une nouvelle Constitution. Pourtant notre pays a pu avancer, il y a longtemps, avec cette même Constitution, et sans que la colère gronde.
L’essentiel est, avant tout, le bois dont les hommes sont faits. Lorsque les responsables politiques et les hauts fonctionnaires de ce pays avaient pris le maquis pendant la Seconde Guerre mondiale, ou passé plusieurs mois à la tête d’unités de blindés, ils ne se comportaient pas de la même manière. Mais il est évident que la morale publique, le sens de l’Histoire, la qualité humaine des dirigeants ne sont plus les mêmes qu’autrefois, et nos concitoyens le ressentent.
Dans sa conférence de presse du 31 janvier 1964, le général de Gaulle disait, dans une formule restée célèbre, qu’une Constitution, « c’est un esprit, des institutions, une pratique ». L’esprit des institutions de la Ve République, ajoutait-il, procédait de la nécessité « d’assurer aux pouvoirs publics l’efficacité, la stabilité et la responsabilité ». Ce sont des objectifs que je souhaite reprendre à mon compte et qui sont aujourd’hui admis comme des atouts historiques pour notre pays.
« Si je pense réussir, c’est justement parce que je ne vais pas chercher à tout faire »
Ma conviction est que les Français sont lassés des promesses qu’on leur fait régulièrement de réviser les institutions, soit pour « les ajuster », soit pour « les adapter aux nécessités du temps », soit encore pour constituer une « VIe République ». Je ne crois pas que les Français fassent de cette réécriture une priorité. Ce n’est pas cela qui apportera des réponses concrètes à leurs problèmes. Je ne nie pas que, sur certains sujets – comme la durée du mandat présidentiel, la réduction du nombre de parlementaires ou la réforme de telle ou telle assemblée –, une révision de nos institutions puisse s’avérer utile, mais je pense d’une façon générale qu’on ne doit réformer le cœur de nos institutions ou s’approcher de la loi fondamentale que la main tremblante. Nous le ferons en temps voulu.
C’est dans la pratique, à mon avis, que réside l’essentiel des changements à opérer. Modifier les conditions de la représentativité, faire évoluer les modes de scrutin lorsque c’est souhaitable, prendre des dispositions permettant de lutter efficacement contre le bavardage législatif et l’instabilité des règles, voilà le type de mesures qui permettra à la politique de se décentrer d’elle-même, et de servir un peu plus, un peu mieux, la France et les Français. (…)
L’ultime responsabilité, enfin, est politique. Elle exige une révolution de pratiques devenues inadaptées. Nul ne quitte, par exemple, le champ politique, même après les défaites ou après les sanctions démocratiques. La responsabilité politique, c’est aussi accepter de jouer les règles du jeu et avoir la dignité d’en tirer les conséquences quand on s’est égaré. Peut-on imaginer sérieusement présider aux destinées du pays, ou même simplement se présenter aux suffrages des Français, alors que sa probité personnelle a été mise en cause ? Je ne le pense pas. Mais sur cette question, il faut être précis. Nous pouvons tous commettre des erreurs dans la vie. C’est humain. Nous avons tous le droit de nous racheter des fautes que nous avons pu commettre dans le passé. C’est justice. Mais lorsqu’on est responsable politique, qu’on se propose d’accéder aux plus hautes fonctions électives et de représenter le pays, je crois que toutes les fautes ne se valent pas. Il en est certaines qui vous disqualifient radicalement lorsqu’il s’agit, par exemple, d’« atteintes à l’administration publique », « d’atteintes à l’autorité de l’État » ou de financement politique. Dans de tels cas, il faut avoir la décence de s’effacer. C’est en tout cas ma conception de l’engagement et de la responsabilité politique. Car avant de demander qu’on vous confie des responsabilités, il faut d’abord savoir prendre les siennes.
Extrait de Révolution, XO Éditions, 2016
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