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La bonne blague des peines bonbons

Je n’en reviendrai jamais de la complaisance du système de justice envers les criminels violents. La semaine passée, je vous parlais des récidivistes de la violence conjugale qui frappent et qui frappent, qui sont libérés jusqu’à ce qu’ils tuent.


Publié à 5 h 00

Rachel Renaud, courageuse sœur de Gabie, victime du 14e féminicide présumé de l’année au Québec (son chum, Johnathan Blanchet, est accusé de l’avoir tuée), a organisé une marche dimanche dernier à Saint-Jérôme pour les victimes de violence conjugale.

Dans la foule, des proches de femmes tuées, des femmes violentées. Des anecdotes de laxisme du système à la tonne : des peines bonbons à répétition, les coups qui continuent, la liberté de fesser érigée en noble principe par le système. R’commencez pus, Monsieur !

Pensez que Blanchet collectionne depuis 20 ans les accusations de violence conjugale et qu’il a pu violer ses conditions de remise en liberté à répétition.

Cette semaine, hors du registre des violences conjugales, une autre histoire de fous furieux à glacer le sang. Suivez le guide…

Jérôme* était à sa pause dîner en mai 2023 derrière un centre commercial de Saint-Hubert. Arrivent deux vidanges, l’une d’elles sort un couteau, l’autre exige le téléphone de Jérôme…

Jérôme, terrorisé, s’exécute. Abdella Mounkaila consulte l’application bancaire de sa victime : il voit que Jérôme a 7000 $ dans son compte.

Les deux crapules kidnappent Jérôme et l’entraînent dans une cabane abandonnée dans un champ où on le force à augmenter ses marges de crédit.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, ARCHIVES LA PRESSE

La cabane où a été torturé Jérôme*

Joshua Pascal est chargé de le garder pendant que Mounkaila et sa complice Megan Maher-Guillemette vont détrousser les comptes de Jérôme.

Joshua Pascal, un fou furieux, décide de torturer Jérôme. Pascal le brûle et – je n’invente pas ça – grave son nom sur le torse de sa victime avec un couteau.

Combien d’années de prison ont été infligées à ce trio de dégénérés, vous pensez ?

Pour le leader Abdella Mounkaila : cinq ans.

Joshua Pascal : six ans et trois mois.

Megan Maher-Guillemette : trois ans et trois mois.

Je suis dégoûté, révolté. Mettez-vous à la place de Jérôme. Votre vie a basculé, vous êtes physiquement marqué à vie avec le nom de votre agresseur, votre psyché est un tsunami et ces fous-là s’en tirent avec des peines clémentes.

On ne parle pas d’une bagarre de gars saouls où chacun a sa part de responsabilité dans une issue tragique. On parle d’un citoyen à son affaire qui n’avait rien demandé à personne et qui a été kidnappé, torturé et volé. C’est un crime pensé, planifié et cruellement exécuté par trois personnes amputées de toute morale.

J’ai demandé à Yves Thériault, auteur de Tout le monde dehors !, un livre-enquête sur les libérations conditionnelles, ce qui attend Joshua Pascal.

Réponse : « Il est admissible pour demander une libération au tiers de sa peine, soit en novembre 2026. Il ne l’aura probablement pas, mais aux deux tiers de sa sentence, c’est la libération d’office : ça nous amène en mars 2028. »

Ça veut dire que Joshua Pascal, pour avoir kidnappé, séquestré, menacé de tuer et martyrisé un pur inconnu afin de le détrousser parce qu’il n’avait pas le cœur de faire ce que Jérôme faisait (travailler), en a encore pour deux ans et huit mois à porter un pyjama rayé.

C’est honteux, c’est une blague sinistre que ce système de justice.

Après ma chronique sur Rachel Renaud, un procureur de la Couronne m’a écrit. Il m’a demandé de ne pas le nommer, pour ne pas nuire à sa carrière et à ses relations avec les juges.

Je le cite : « Je souhaite qu’on redonne, collectivement, un sens à la dissuasion morale, pas seulement statistique. Les études qui démontrent que la sévérité d’une peine ne dissuade pas reposent souvent sur la lecture purement statistique du crime : combien de crimes en moins pour chaque année ajoutée à la peine… C’est une mauvaise approche, car on oublie l’essentiel : la dissuasion morale, normative. Hausser les peines pour des crimes violents, ça doit aussi renforcer la morale collective, un genre de déclaration de la société : “Ce que tu as fait est grave et ta peine le reflète.” »

Ce procureur déplore qu’au moment de la sentence, les juges ne s’appuient pas sur la gravité objective des faits, mais sur la jurisprudence – les décisions passées dans des causes similaires… Décisions qui ne brillent pas toutes par leur jugement.

Ça donne une jurisprudence semblable à une chambre d’écho refermée sur elle-même : chaque juge cite l’autre pour se rassurer que sa clémence est équilibrée.

Procureur de la Couronne ayant requis l’anonymat

Le procureur me cite, à titre de décision douteuse, le cas d’un pédophile de Longueuil qui a vu sa peine de 36 mois réduite à 30 mois parce qu’il a été tabassé par un inconnu à sa sortie du palais de justice.

Vous avez bien lu ! Les mots du juge Sacha Blais : « N’eût été les lésions subies par l’accusé lors de son agression à la sortie du palais de justice, le Tribunal lui aurait imposé une peine de 36 mois… »

Tsé, tu abuses d’une fillette de 6 ans, tu ramasses 36 mois de prison, ce qui est déjà une aubaine sachant que tu vas sortir après deux ans…

Et le juge réduit ta peine parce qu’un inconnu t’a tabassé, ce qui n’a aucun rapport avec la cause !

La fillette de 6 ans qui a été agressée, elle ?

On s’en fout.

Jérôme, qui a eu la peur de sa vie, désormais coincé dans la prison de ses douleurs, marqué à jamais par les trois lascars qui vont sortir bientôt, qui seront libérés de prison bien avant que Jérôme ne sorte de la sienne ?

On s’en fout.

On, les juges, je veux dire.

Ah, j’oubliais : ce bon Abdella Mounkaila ? Il a piégé quatre autres hommes en Estrie, pour les détrousser. Ça n’a bien sûr pas été pris en compte dans sa peine pour l’agression de Jérôme, car ce crime a été commis après l’agression de Jérôme et n’a pas été considéré comme un antécédent judiciaire. Il connaîtra sa peine dans cet autre dossier à la fin du mois. On juge le crime, pas l’homme…

Je repense à ce type qui a tabassé le pédophile à la sortie d’un palais de justice…

Ce qui est étonnant, devant le laxisme des juges, c’est que ça n’arrive pas plus souvent.

* Prénom fictif


1. Lisez « Cinq ans de prison pour avoir kidnappé un jeune homme en plein jour à Longueuil »


2. Lisez « Peine plus clémente pour un pédophile parce qu’il a été battu à la sortie du palais de justice »

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