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États-Unis: les tarifs passent sous la loupe de la Cour suprême

Neal Katyal, l’avocat représentant les entreprises contestant les droits de douane de M. Trump, a déclaré lors de l’audience que le président avait «anéanti tout le système douanier».

Donald Trump a utilisé la loi de 1977 sur les pouvoirs économiques d’urgence contre les menaces étrangères (IEEPA) pour ses droits de douane dits du «Jour de la Libération» et les taxes liées au fentanyl imposées au Canada, au Mexique et à la Chine.

Au cours d’une séance de près de trois heures mercredi, les juges de la Cour suprême ont analysé en détail le texte de l’IEEPA – notamment la formulation relative au «pouvoir du président de réglementer les importations» – afin de déterminer si elle autorise l’imposition de droits de douane.

La Constitution américaine réserve au Congrès le pouvoir de légiférer en matière de fiscalité et de droits de douane.

Le principal conseiller juridique de Donald Trump auprès de la Cour suprême, le procureur général D. John Sauer, a été interrogé de manière insistante par les juges sur le fait que le texte de l’IEEPA ne mentionne pas les droits de douane.

Les juges ont demandé à M. Sauer comment le président pouvait utiliser cette loi pour taxer les citoyens américains. Le procureur général a répondu que les droits de douane imposés par M. Trump sont de nature réglementaire et que leur objectif principal n’est pas de générer des recettes fiscales – malgré les affirmations répétées du président selon lesquelles ces droits rendraient les États-Unis à nouveau prospères.

«Vous voulez dire que les droits de douane ne sont pas des impôts, mais ils en sont», a fait valoir la juge Sonia Sotomayor, nommée sous l’administration Obama.

Les juges nommés par les républicains ont également exprimé leur scepticisme quant à l’affirmation de l’administration Trump selon laquelle l’IEEPA autorise le président à imposer des droits de douane.

Le juge en chef John Roberts a fait remarquer que l’IEEPA «n’a jamais été utilisée auparavant pour justifier des droits de douane». Les présidents ont souvent eu recours à cette loi pour des mesures telles que les sanctions, mais Donald Trump est le premier à l’utiliser pour des droits de douane.

Les juges examinent également la doctrine des questions majeures – un principe juridique exigeant une autorisation claire du Congrès sur les questions économiquement ou politiquement importantes – et la doctrine de non-délégation, un principe qui interdit au Congrès de céder son pouvoir législatif à d’autres branches du gouvernement.

Le président américain a imposé des droits de douane dits «réciproques» à la plupart des pays du monde après avoir déclaré l’état d’urgence en raison des déficits commerciaux. Des experts et des économistes ont contesté cette mesure, affirmant que les déficits commerciaux ne constituent pas une situation d’urgence.

En mars, M. Trump a imposé au Canada des droits de douane de 25 % sur l’ensemble de ses produits en déclarant l’état d’urgence à la frontière nord en raison du flux de fentanyl, une drogue mortelle. Ces droits de douane ne s’appliquent pas aux marchandises conformes à l’Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM).

Les données du gouvernement américain montrent qu’une quantité infime de fentanyl est saisie à la frontière nord, comparativement aux volumes saisis à la frontière américano-mexicaine.

Malgré les mesures de sécurité frontalières mises en place par Ottawa pour répondre aux préoccupations du chef de l’État américain concernant le fentanyl, le président a relevé les droits de douane à 35 % en août, alors que les négociations commerciales entre les deux pays se détérioraient.

Le premier ministre canadien, Mark Carney, semblait apaiser les relations bilatérales lors d’une visite à la Maison-Blanche le mois dernier, mais M. Trump a de nouveau suspendu les pourparlers après la diffusion par l’Ontario d’une publicité télévisée citant l’ancien président Ronald Reagan critiquant les droits de douane. L’actuel président a menacé d’imposer un droit de douane supplémentaire de 10 % et a accusé le Canada de tenter d’influencer la Cour suprême avant l’audience de mercredi.

La juge Sotomayor a évoqué les menaces de droits de douane liées à la publicité ontarienne lors de l’audience de mercredi.

«Une loi qui confère, sans restriction, au président le pouvoir d’imposer ce type de taxe, exige-t-elle plus que le simple mot ‘réglementer’?», a-t-elle questionné.

La Cour suprême des États-Unis a jusqu’en juin pour rendre sa décision, mais on s’attend à ce qu’elle intervienne bien plus tôt.

Alors que Donald Trump avait laissé entendre qu’il pourrait assister à l’audience, il s’est rendu en Floride mercredi. Le secrétaire au Trésor, Scott Bessent, le secrétaire au Commerce, Howard Lutnick, et le représentant au Commerce, Jamieson Greer, étaient présents.

Clark Packard, chercheur en politique commerciale à l’Institut Cato de Washington, a déclaré que l’audience était un véritable «Super Bowl» pour les juristes spécialisés en droit commercial.

L’Institut Cato a déposé un mémoire d’amicus curiae – une contribution juridique émanant d’un groupe extérieur à la procédure – auprès de la Cour suprême, s’opposant aux droits de douane.

La question fondamentale soumise à la Cour, a expliqué M. Packard, est la suivante: «Le président peut-il, à lui seul, réécrire le code douanier américain sous prétexte d’urgence et priver ainsi le Congrès de ce pouvoir?»

Il est indéniable que cette affaire engendre des préjudices économiques, a ajouté le chercheur en politique commerciale, mais la stratégie tarifaire de Donald Trump pourrait également «usurper les pouvoirs clairement confiés au Congrès par la Constitution».

M. Packard a indiqué que certains juges nommés par les républicains étaient sceptiques quant aux «affirmations expansives» de l’administration Trump, mais qu’ils se sont finalement montrés intransigeants envers les deux parties – y compris les avocats opposés aux droits de douane.

La menace tarifaire, toujours changeante, qui pèse sur le Canada, s’atténuerait si la Cour se prononçait contre l’utilisation par M. Trump de l’IEEPA, mais Karoline Leavitt a prévenu que «la Maison-Blanche se prépare toujours à un plan B». 

Donald Trump dispose d’autres outils qu’il pourrait déployer dans sa quête pour réaligner le commerce mondial, mais ils exigeraient davantage de retenue.

La décision n’aura pas d’incidence sur le recours accru de M. Trump aux droits de douane en vertu de l’article 232 de la loi de 1962 sur l’expansion du commerce (Trade Expansion Act) – des droits de douane qui pénalisent déjà fortement les industries canadiennes de l’acier, de l’aluminium, de l’automobile, du bois et du cuivre.

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