Le grand combat de Rodger Brulotte

Rodger Brulotte raconte l’anecdote d’un air amusé. Chaque fois qu’il croisait Serge Savard ces dernières années, le «Sénateur» lui conseillait de suivre une diète. Comme le grand Serge avait décidé de le faire lui-même à un moment de sa vie où il avait jugé que c’était nécessaire pour son bien-être. Depuis, Savard continue de maintenir un poids santé.
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Ces six dernières semaines, Rodger a perdu 24 livres. Mais pour des raisons indépendantes de sa volonté.
Tout a commencé lorsqu’il a été saisi soudainement de douleurs persistantes au dos. Plus l’été avançait, plus c’était souffrant. Tellement qu’il s’est résigné à ranger son sac de golf qu’il n’arrivait plus à soulever.
Le 11 septembre, son médecin de famille, le docteur Luc Lasalle, lui a recommandé de passer une scanographie au CHUM. Le docteur Lasalle a aussi prévenu Rodger qu’il lui faudrait probablement être hospitalisé et qu’il devrait amener un pyjama.
Réaction de Rodger: «Es-tu malade? J’ai juste mal au dos.»
Mais c’est le docteur Lasalle qui avait raison. Ses appréhensions se sont révélées justes. Le scan a décelé ce que des radiographies n’avaient pu montrer. Une tumeur cancéreuse au niveau de la sixième vertèbre dorsale.
Sauvé de la paralysie
Le lendemain de son hospitalisation, Rodger subissait une première embolisation de la tumeur. Deux jours plus tard, des chirurgiens procédaient à l’ablation de la masse.
L’opération a duré cinq heures et demandait des mains expertes et minutieuses, car il y avait risque de paralysie.
Rodger est resté cinq heures dans la salle de réveil.
«C’est là qu’on voit comment la vie peut changer rapidement, dit-il, assis dans le fauteuil de sa chambre d’hôpital, le dos soutenu par un corset.
«Un jour, tu te portes à merveille, et le lendemain, c’est tout le contraire. Ironie du sort, la maladie m’a frappé pendant la période de l’année que je préfère au baseball.»
La course aux séries battait son plein dans la Ligue majeure de baseball. Les Blue Jays de Toronto bataillaient pour protéger leur emprise sur le premier rang de la division Est, de la Ligue américaine.
Rodger voyait tout ça dans son rôle d’analyste à TVA Sports, mais il n’en pouvait plus physiquement. Un soir, il a demandé à Karl Gélinas s’il pouvait le remplacer aux côtés de Denis Casavant pour le deuxième match d’un programme double diffusé sur TVA Sports.
Il fallait qu’il soit à bout de force.
Les aléas de la vie
En racontant son histoire, Rodger se remémore une scène du film La ligue en jupon.
«L’entraîneur Jimmy Dugan, dont le rôle est interprété par Tom Hanks, dit à un arbitre qu’il n’y a pas de pleurnichage au baseball.»
Pour l’histoire, Dugan venait de passer un savon à son voltigeur de droite Bitty Schram, qui avait la fâcheuse habitude de ne pas relayer la balle à l’intercepteur lorsqu’il y avait coup sûr de l’adversaire.
«Ce n’est pas le baseball qui m’a fait pleurer, c’est la vie», dit Rodger.
Le 11 septembre lui a rappelé que c’est à cette même date qu’il avait conduit sa défunte mère à l’hôpital, ravagée qu’elle était par la foutue maladie d’Alzheimer.
«Là, je me suis dit: lâchez-moi!»
Mais il n’y avait pas que le cancer qui le tenaillait. Les risques qu’il sorte de la salle d’opération sans qu’il ne puisse plus se servir de ses membres et de son corps le terrorisaient.
«C’est la première question que j’ai posée à mon réveil, se souvient-il.
«Je voulais entendre le médecin me dire de bouger les pieds. Il m’a dit que tout était correct. Ça a été un grand soulagement.»
Infection
Après son séjour à l’hôpital, il a été transporté dans un centre de réadaptation de l’Assomption. Les premiers jours, il lui a été pénible de faire les exercices auxquels il était soumis. Il lui a fallu subir aussi quatre séances de radiothérapie au CHUM pendant cette période.
Rodger a pu finalement rentrer chez lui après six semaines de traitements et de soins. Mais il n’était pas au bout de ses peines.
En fin de semaine dernière, il a été pris d’une forte fièvre, de sorte qu’il a dû être hospitalisé à nouveau pour une infection.
Ça arrive dans ce genre de cas.
Pas de pitié, svp
Le Rodger Brulotte dynamique que tout le monde connaît ne cache pas avoir vécu des moments sombres.
«Je ne pensais pas que ça m’aurait autant affecté moralement, confie-t-il.
«Quand tu n’as jamais pleuré de ta vie et que tu pleures…», laisse-t-il tomber d’une voix étouffée.
On sait bien, tous les Jimmy Dugan de la terre ne versent jamais de larmes. Mais Rodger ne veut pas être pris en pitié non plus.
«Il y a des gens qui sont en pire condition que moi», réalise-t-il.
On le voit juste à entrer au CHUM.
C’est déchirant!
Le sourire de Pascale
Rodger a découvert, par ailleurs, un côté qu’il ignorait de sa conjointe Pascale avec qui il est marié depuis une quinzaine d’années.
«Pascale a surpassé tout ce que je savais d’elle, l’encense-t-il.
«Elle est aux petits soins avec moi. Pendant cette épreuve de la vie que l’on vit ensemble, elle est devenue cheffe de projet où elle travaille [Bombardier]. Mais elle est toujours là pour moi. Il y a d’autres femmes qui font comme elle et il faut le mentionner.
«Encore aujourd’hui, Pascale a un moral à toute épreuve. Elle arrive à l’hôpital avec le sourire, elle est là pour m’encourager.»
Ça aide à traverser bien des choses.




