La Banque du Canada devrait abaisser son taux directeur mercredi

(Ottawa) La plupart des économistes s’attendent à ce que la Banque du Canada ignore les données solides sur l’emploi et les signes d’obstination sur le front de l’inflation pour procéder à une deuxième baisse consécutive des taux d’intérêt cette semaine.
Publié hier à 12 h 56
L’économiste en chef de la Banque de Montréal, Doug Porter, s’attend à une deuxième baisse consécutive mercredi, mais il admet que les données économiques récentes ne corroborent pas parfaitement cette hypothèse.
« Les deux principaux rapports économiques que nous avons reçus depuis la dernière décision de la Banque du Canada concernant les taux d’intérêt étaient un rapport sur l’emploi solide et un rapport sur l’inflation légèrement supérieur aux prévisions », souligne-t-il en entrevue.
« Pris isolément, on pourrait penser qu’il n’y a aucune raison pour que la banque réduise ses taux d’intérêt. »
La Banque du Canada a abaissé son taux directeur d’un quart de point à 2,5 % fin septembre, mettant fin à une série de trois maintiens consécutifs des taux depuis mars.
Vendredi, LSEG Data & Analytics estimait à plus de 80 % les chances que la banque centrale décide mercredi d’une deuxième baisse d’un quart de point de pourcentage.
Plus tôt ce mois-ci, Statistique Canada a fait état d’une hausse-surprise d’environ 60 000 emplois en septembre. Les données sur l’inflation pour ce mois ont également accéléré pour atteindre 2,4 %, en hausse d’un demi-point de pourcentage par rapport à août, la mesure privilégiée de l’inflation sous-jacente par la Banque du Canada se maintenant au-dessus de 3 %.
La banque centrale utilise diverses définitions de l’inflation sous-jacente pour éliminer les influences volatiles sur l’indice des prix à la consommation et mieux cerner l’orientation de l’inflation.
Selon M. Porter, le rapport sur l’inflation de septembre « a rendu la baisse des taux un peu plus difficile ».
Il ajoute que la Banque du Canada peut encore créer la surprise en maintenant ses taux cette semaine, mais il s’appuie davantage sur le contexte économique général pour éclairer la décision de la BMO de baisser ses taux.
Malgré la hausse-surprise de l’emploi en septembre, le marché du travail n’a pratiquement pas progressé depuis janvier, l’incertitude commerciale américaine freinant l’embauche des entreprises.
M. Porter soutient que le marché du travail canadien a besoin d’un soulagement grâce à la baisse des taux, le taux de chômage restant élevé à 7,1 %.
Plutôt une inflation de 2,5 %
La Banque du Canada a également mis en doute la fiabilité de ses propres indicateurs d’inflation sous-jacente, affirmant plutôt aux Canadiens que les responsables de la politique monétaire anticipent une inflation d’environ 2,5 % actuellement. M. Porter indique que d’autres mesures de l’inflation sous-jacente de septembre concordent avec cette estimation.
« Nous pensons qu’ils devraient procéder avec prudence, mais qu’en fin de compte, ils devraient procéder à une baisse des taux », soutient-il.
Les économistes de la Banque Royale estiment également que la Banque du Canada a une décision difficile à prendre cette semaine.
Les économistes Nathan Janzen et Claire Fan écrivent dans une note à leurs clients que les signes de faiblesse du marché du travail et la baisse des attentes d’inflation dans l’enquête de la banque centrale sur les perspectives des entreprises publiée la semaine dernière devraient conforter les responsables de la politique monétaire dans l’espoir que l’inflation continuera de ralentir.
« Cela signifie essentiellement plus de marge de manœuvre et de flexibilité pour que la banque centrale puisse adopter une politique monétaire plus souple », précisent-ils.
Mais pour que de nouvelles réductions soient observées au-delà de ce niveau, il faudrait que l’économie se détériore plus fortement que ce que la Banque Royale prévoit actuellement. Mme Fan et M. Janzen soutiennent que la politique budgétaire du gouvernement fédéral est la mieux adaptée pour répondre aux difficultés sectorielles persistantes causées par les droits de douane américains.
Avant le budget fédéral
La Banque du Canada devra prendre sa décision sur les taux avant d’avoir une idée des plans de dépenses du gouvernement fédéral, qui seront présentés dans le budget d’automne du 4 novembre.
BMO prévoit que la Banque du Canada continuera de réduire ses taux d’intérêt à un minimum de 2 % avant la fin du cycle d’assouplissement actuel – parmi les taux finaux les plus bas actuellement prévus par les principaux prévisionnistes.
Au-delà des chiffres concrets, M. Porter souligne que les récentes annonces des constructeurs automobiles Stellantis et GM, selon lesquelles ils suspendraient une partie de leur production canadienne ou la délocaliseraient au sud de la frontière, montrent à quel point la période est « exceptionnellement difficile » pour l’économie.
Bien qu’il s’attende également à ce que le budget fédéral du mois prochain instaure des dépenses publiques stimulantes, il ajoute que le Canada est confronté à une « incertitude exceptionnelle sur le plan commercial », justifiant une réponse ferme des politiques monétaire et budgétaire.
La Banque du Canada ne sait pas encore où aboutiront les plans de dépenses publiques ni dans quelle mesure le budget pourrait alimenter l’inflation, mais, selon M. Porter, il est néanmoins approprié que les politiques monétaire et budgétaire aillent dans la même direction.
« On ne souhaite généralement pas que ces deux politiques s’opposent. Et je pense que c’est le cas ici », explique-t-il.
« Un peu de soutien de la part du levier budgétaire et un peu de soutien de la part des taux d’intérêt plus bas, le levier monétaire. »
La Banque du Canada a également indiqué qu’elle reviendrait à la publication d’une prévision économique unique et centrale, dans un rapport de politique monétaire mis à jour accompagnant la décision sur les taux mercredi. La banque centrale avait publié des scénarios illustratifs pour les deux derniers trimestres, fondés sur l’évolution potentielle de la politique tarifaire américaine.




