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Redéfinir la valeur des aliments

Nourrir une famille québécoise ne devrait jamais relever de la prouesse. Quand l’épicerie coûte près de 350$ par semaine, le panier d’achats devient le symbole d’une tension sociale croissante: celle entre le coût de vivre et le droit de bien se nourrir. Derrière chaque facture trop salée se cache une contradiction plus vaste: pendant que des familles s’inquiètent de leurs repas, des tonnes d’aliments encore impeccables quittent chaque jour les tablettes pour des raisons purement logistiques.

Cette situation appelle un sursaut collectif. Si l’on veut freiner l’insécurité alimentaire, il faut d’abord apprendre à mieux faire circuler ce que nous possédons déjà. Entre les surplus et les besoins, il existe un espace à combler: celui de l’efficacité et du bon sens. Redonner vie à des produits écartés, prolonger la chaîne de leur utilité, c’est refuser qu’un système d’abondance produise du manque.

Les plus récentes données le confirment: plus de 872 000 personnes au Québec dépendent aujourd’hui de l’aide alimentaire, une hausse de 30% en un an et de 73 % depuis 2019. Le nombre de paniers distribués a doublé en quatre ans. Ces chiffres traduisent une précarité devenue structurelle, qui touche désormais des familles jadis à l’abri.

Changement culturel

Parmi les réponses concrètes à cette crise, plusieurs initiatives locales s’emploient à relier, en temps réel, des foyers à des produits de qualité vendus à prix réduit, en privilégiant les dates courtes, les surplus et les emballages erronés. C’est l’approche que nous avons développée chez FoodHero: un modèle de proximité fondé sur des partenariats avec des détaillants d’ici et une transparence complète sur l’offre hebdomadaire. Ce système valorise ce qui existe déjà, plutôt que de dépendre d’une chaîne d’approvisionnement saturée.

Les effets sont tangibles: un gain de pouvoir d’achat, une réduction du gaspillage et une empreinte écologique allégée. Mais au-delà des résultats, il s’agit d’un changement culturel. Redéfinir la valeur des aliments, ce n’est pas seulement économiser: c’est restaurer la dignité dans l’acte de consommer.

L’urgence, désormais, n’est pas que budgétaire: elle est morale. Nous appelons les épiceries indépendantes, les institutions et les décideurs à unir leurs forces pour soutenir les solutions déjà éprouvées sur le terrain. Le Québec possède les talents, la créativité et l’infrastructure pour agir. Ce qu’il faut, maintenant, c’est la coordination. Lorsque chaque fin de mois devient un défi, la meilleure politique publique est celle qui permet de bien manger ce qui existe déjà, à prix juste, près de chez soi.

Renaud LeBlanc, vice-président, stratégie et développement de FoodHero

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