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Quelques photos d’elle enceinte et l’affaire serait terminée” : au procès du cyberharcèlement de Brigitte Macron, les prévenus défendent leur “droit à poser des questions

Huit hommes et deux femmes sont jugés à Paris, depuis lundi, pour avoir relayé sur les réseaux sociaux la rumeur selon laquelle l’épouse du président de la République était une femme transgenre et une pédocriminelle.

Ils se tiennent droits face à la barre et se réfèrent attentivement aux notes qu’ils ont préparées. Au premier jour de leur procès pour cyberharcèlement, lundi 27 octobre, quatre des dix prévenus accusés d’avoir propagé une fausse information sur la prétendue transidentité de Brigitte Macron ont pris la parole au tribunal correctionnel de Paris, en l’absence de cette dernière, mais face à une salle comble. Lors de cette première journée d’audience, et à l’exception de la “médium” Delphine J., alias “Amandine Roy”, qui a largement fait usage de son droit au silence, les intéressés ont insisté sur leur surprise de se retrouver à la barre.

“J’ai été étonné d’être recensé parmi les cyberharceleurs”, lâche ainsi Jean-Christophe D., professeur d’EPS de 54 ans, à qui il est reproché six tweets entre 2021 et 2024, dans lesquels il estime notamment que l’épouse du président de la République est “transsexuelle”. Accompagné de son fils et de sa compagne, et visiblement embarrassé de se retrouver devant la justice, il pensait que ses messages postés depuis un “petit compte Twitter de 90 abonnés” passeraient inaperçus. “J’ai un petit compte”, plaide aussi Jérôme A., informaticien de 49 ans à qui il est reproché une série de messages, parfois vulgaires. “Quand j’ai dix likes sur un tweet, c’est déjà énorme. Là, je dois avoir plus de vues sur ces messages par les enquêteurs que par des gens lambdas !”

“J’ai fait 36 000 tweets depuis 2022, ça fait une moyenne de 30 par jour. (…) On parle de cyberharcèlement pour neuf tweets en quatre mois !”

Jérôme A., informaticien

devant la 10e chambre correctionnelle de Paris

Pour se défendre, les prévenus avancent d’abord “l’humour”, se réclamant à plusieurs reprises de “l’esprit Charlie”. “C’est un peu des billets d’humeur, c’est léger, c’est des réactions spontanées”, détaille ainsi Jean-Christophe D., soulignant que son compte était ouvertement “parodique”. “Pour moi, c’est de l’humour, je ne vois pas en quoi ça choquerait”, fait aussi valoir Jérôme A. “Est-ce qu’il faut avoir un diplôme ou un permis pour faire de l’humour en France ?” s’interroge à son tour Jérôme C., un intermédiaire en opérations bancaires de 55 ans. Ce quinquagénaire est l’auteur de quatre tweets et de plusieurs dizaines de retweets sur la rumeur de transidentité de l’épouse d’Emmanuel Macron, qu’il a aussi accusée d’être “pédophile”.

Tous justifient par ailleurs leurs écrits par le droit à la “liberté d’expression”, estimant partager des “opinions” voire des “informations”, sur un sujet jugé important pour les citoyens. “C’est quand même la Première dame, la femme du président, il y a beaucoup de gens qui se posent des questions autour d’elle”, avance Jérôme A. “On recherche l’information, on essaie de se positionner par rapport à l’actualité”, explique aussi Jean-Christophe D. “Mes tweets, je veux bien les assumer, c’est pour informer ceux qui veulent nous lire”, déclare quant à lui Jérôme C.

“J’ai le droit de me poser des questions. Je trouve quelque chose de bizarre, je partage une information. Ou alors, on arrête Twitter, on arrête TikTok, on arrête tout.”

Jérôme C., intermédiaire en opérations bancaires

devant la 10e chambre correctionnelle de Paris

Au cœur de l’enquête qu’ils assurent mener en ligne : le genre de naissance de la Première dame. “J’ai un doute sur l’identité genrée de Madame Macron”, avait reconnu Jean-Christophe D. lors de son audition par les policiers. “Si [la rumeur] est avérée, il y aurait des risques pour le pays”, avait aussi estimé Delphine J. La “médium” de 51 ans, à l’origine d’une vidéo virale affirmant que Brigitte Macron n’aurait jamais existé et que son frère Jean-Michel Trogneux aurait pris son identité, s’était par ailleurs présentée comme “harcelée depuis des années en tant que femme ‘anatomique'” – par opposition aux femmes trans.

Face au tribunal, plusieurs prévenus demandent de nouveau la publication de “photos” prouvant que Brigitte Macron est née femme, afin de mettre un terme à la rumeur. “Quelques photos d’elle enceinte, quelques photos d’enfance et l’affaire serait terminée, lâche Jérôme A. A un moment, on se demande vraiment pourquoi ils [Brigitte et Emmanuel Macron] n’ont pas tué la rumeur dans l’œuf.” Ayant longtemps refusé de s’exprimer sur le sujet, le couple présidentiel a affiché son intention d’apporter des preuves photographiques et scientifiques à la procédure intentée en juillet contre l’influenceuse trumpiste Candace Owens, qui a contribué à ce que la fausse information devienne virale aux Etats-Unis.

Près d’un an après les derniers messages compilés dans la procédure, seul un des prévenus entendus lundi dit les regretter. “Si j’ai pu causer du tort [à Brigitte Macron], bien entendu, je le regrette”, assure Jean-Christophe D., déclarant ne plus utiliser le réseau social X depuis sa convocation devant la justice. Comme le reste des prévenus, il a néanmoins du mal à reconnaître que la Première dame est la victime de cette affaire. “Elle n’a pas de compte Twitter, donc elle n’a pas lu mes tweets”, imagine le professeur d’EPS.

“Monsieur et Madame Macron, ils savent qu’il y a des millions de tweets journaliers qui les critiquent, ils ne peuvent pas être choqués par ça.”

Jérôme A., informaticien

devant la 10e chambre correctionnelle de Paris

“Chacun a le droit à sa vie privée. Mais on ne peut pas faire comme si on n’avait pas devant nous une justiciable qui avait utilisé à outrance les médias, en leur vendant l’intimité de son couple afin d’en obtenir un avantage politique”, plaide aussi Luc Brossollet, l’avocat d’un prévenu qui sera entendu mardi.

Ceux qui défilent à la barre estiment à l’inverse que ce sont eux les victimes et dénoncent une justice qui serait devenue excessive en raison de la célébrité de la plaignante. “Il y a une disproportion entre ce qu’il s’est passé et ce que j’ai vécu”, soutient Jean-Christophe D., la voix tremblante. “C’est une expérience que je ne souhaite à personne.” De son côté, Delphine J., évoque sa situation professionnelle compliquée depuis le début de ses ennuis judiciaires. Brigitte Macron, qui ne devrait pas être présente non plus mardi, ne pourra pas témoigner du préjudice qu’elle affirme avoir subi. Le témoignage de sa fille, Tiphaine Auzière, est néanmoins attendu pour cette seconde et dernière journée.

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