Médecin spécialiste, la fille du ministre Carmant songe à quitter le Québec

La médecin Laurence Carmant, surspécialiste dans son domaine et fille du ministre Lionel Carmant, songe à quitter le Québec en raison de la loi spéciale sur les médecins.
« Si le gouvernement ne me permet pas de pratiquer librement, je n’aurai malheureusement d’autre choix que de quitter [le Québec] pour une autre province, et plusieurs collègues, tout aussi attachés au Québec mais attirés par de meilleures conditions, en sont au même point », écrit-elle dans une lettre qu’elle a transmise au Devoir.
Dans celle-ci, la Dre Carmant écrit que le ministre de la Santé, Christian Dubé, « semble blâmer les médecins pour le manque de productivité observé au Québec ». Or, « pour la majorité, l’écart avec l’Ontario ne relève ni d’un manque de volonté ni de la paresse : c’est le symptôme d’un système profondément brisé », se désole-t-elle.
La Dre Carmant est surspécialiste en médecine fœto-maternelle. Son expertise touche la thérapie fœtale, « c’est-à-dire soigner in utero les bébés malades », décrit-elle dans sa lettre.
Après 13 années d’études, dont trois passées à Toronto, elle a choisi de rentrer au Québec, « réticente vu le climat actuel, mais par amour de ma profession et de la population ». Mais voilà que la Dre Carmant se heurte aux écueils du réseau québécois. Elle écrit que dans la capitale ontarienne, elle pouvait voir 8 à 12 patientes en un avant-midi. « Au Québec, on m’indique que je ne peux en voir que trois dans le même laps de temps », souligne-t-elle.
« Même médecin, même motivation, mêmes compétences : ma productivité chute de 75 %. Une journée de clinique de grossesses à risque : 60 à 70 patientes à Toronto ; ici, au maximum 35, une baisse de 50 % », détaille la Dre Carmant.
À son avis, les pénalités de productivité « ne sont probablement pas la bonne solution » dans un système « brisé ».
Dubé n’a « pas la bonne solution »
Au ministre Dubé, elle demande « sincèrement de vous asseoir, d’examiner notre système à tous les niveaux et de l’optimiser avant de pénaliser celles et ceux qui veulent simplement travailler ».
En mêlée de presse mardi, le ministre responsable des Services sociaux, Lionel Carmant, avait déclaré que sa fille et sa femme — elle aussi médecin — étaient « fâchées » en raison de la loi spéciale. « Ce n’est pas facile à la maison », avait reconnu l’élu, en disant vouloir contribuer à un rapprochement entre les parties.
Mercredi, avant que Le Devoir n’avise le ministre Carmant de l’existence de la lettre, celui-ci a affirmé dans un bref échange avec la presse parlementaire que « sa famille reste au Québec ». Ensuite sollicité pour une réaction au sujet de la lettre, l’élu a choisi de réserver ses commentaires.
Lionel Carmant est neurologue pédiatre, spécialisé en épilepsie. Sa femme et lui ont quitté Boston et l’Université Harvard en 1994 parce qu’ils souhaitaient que leur vie de famille se passe au Québec. Voilà maintenant que sa fille se retrouve dans une situation semblable.
Outre la Dre Carmant, d’autres médecins songent à quitter le Québec ou ont déjà entrepris des démarches pour le faire. « Moi, je m’en vais parce que, sinon, je fais faillite », a notamment dit au Devoir Alexandre Prud’homme-Delage, un omnipraticien basé à Saint-Jean-sur-Richelieu. Un autre médecin de famille, chef d’un groupe de médecine de famille à Saint-Hyacinthe, a quant à lui affirmé au Devoir qu’il entendait cesser complètement ses activités au Québec en avril.




