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Essai Corps gras | Guylaine Guay démystifie le lipœdème

Ça pourrait être vous, votre mère, votre amie ou votre tante. Dans son dernier livre, l’écrivaine, chroniqueuse et humoriste Guylaine Guay met en lumière le lipœdème. Une condition méconnue au Canada qui touche environ une femme sur dix, et dont elle est atteinte.


Publié le 6 novembre

Le lipo quoi ? Le lipœdème est une condition médicale chronique, associée à l’obésité – mais pas seulement. La graisse s’accumule dans les jambes, les cuisses, les hanches, les fesses. Parfois les bras. Rien de nouveau sous le soleil, vous dites-vous peut-être.

Mais – coup de théâtre – cette graisse ne disparaît pas en faisant du sport ou en changeant son alimentation. Elle est héréditaire et liée aux hormones. Elle apparaît dans des périodes cruciales de la vie de certaines femmes comme la puberté, les grossesses ou la ménopause. Et elle est là pour de bon, déformant petit à petit le corps, provoquant une douleur lancinante.


Consultez le rapport de l’INESSS sur le lipœdème, publié en septembre 2025  

Au-delà du côté esthétique, la condition peut aussi entraîner une perte de mobilité, des problèmes de santé mentale, des troubles alimentaires, etc. Environ une femme sur dix serait atteinte.

« ​C’est un ​sujet délicat, parce qu’il touche les femmes, les hormones et la graisse, observe Guylaine Guay en entrevue dans un café montréalais. J’espère juste que ce livre-là, sans prétention, sera l’amorce de quelque chose et libérera une certaine forme de paroles chez des femmes. »

Dans son dernier ouvrage, Corps gras, l’écrivaine de 56 ans détaille de façon intimiste son parcours pour comprendre cette maladie encore peu connue et traitée au pays. Elle raconte sa première rencontre – drôle et émouvante – avec des vêtements de compression. Elle donne la parole à plusieurs femmes atteintes, mais aussi à une chirurgienne, une nutritionniste, un massothérapeute et un médecin, notamment.

« Pour moi, ce livre-là, c’est un acte de militance, confie-t-elle. Je vais au crachoir pour vous, les filles, parce que moi, je sais ce que je vais recevoir comme commentaires. »

D’une femme atteinte à une autre

La bougie d’allumage de cette quête est survenue par courriel. Johanne, une femme qui avait visionné l’émission Toutoune journée, a écrit à Guylaine Guay pour la mettre sur la piste.

Puis, en janvier dernier, après avoir reçu un diagnostic, Guylaine Guay a publié un article dans le magazine Véro. Elle y dévoilait ses jambes, sans retouche. La chronique a été lue plus de 1 million de fois. « J’ai compris que beaucoup de femmes se reconnaissaient », estime-t-elle. L’idée d’un livre a germé.


Lisez la chronique de Guylaine Guay dans le magazine Véro

Pourquoi un livre, plutôt qu’un documentaire, par exemple ? « J’ai une tête de cochon et je n’avais pas envie d’attendre après quelqu’un ou de demander la permission pour en parler », explique Guylaine Guay.

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Guylaine Guay

« J’avais envie d’utiliser mes outils à moi, mes mots, ma sincérité, ma joie de vivre aussi, qui m’ont beaucoup aidée dans le processus. Et je voulais le faire, moi, parce que c’est un enjeu de femme. Je ne souhaitais pas que plein d’hommes s’en mêlent ! »

Invisible au Canada, traitée ailleurs

Corps gras porte de nombreux passages émouvants. Des femmes y racontent leurs souffrances, les préjugés, leur soulagement à la découverte d’une condition qui – enfin – explique leur corps. « C’est douloureux de ne pas être reconnue, de ne pas être crue », souligne Mme Guay. Coup de cœur pour la discussion entre l’écrivaine et sa propre mère, fort probablement atteinte du même mal.

Mais le fil conducteur est plutôt la colère. Pourquoi ? Parce que dans d’autres parties du monde, comme l’Europe, le lipœdème est reconnu et traité depuis des décennies.

Certains pays vont même jusqu’à financer l’intervention chirurgicale (une liposuccion spécifique) qui permet d’endiguer la maladie.

Ici, les femmes doivent s’endetter de plusieurs dizaines de milliers de dollars – et voyager à l’étranger – pour obtenir le même traitement. Recevoir un diagnostic relève aussi du privé. Et les traitements conservateurs coûtent cher.

« Les femmes se sentent abandonnées, affirme Guylaine Guay. Elles disent : ‟Moi, j’ai une vie, j’ai des enfants, j’ai une job, je paie des impôts. Comment se fait-il que je ne puisse pas être reconnue, traitée et crue dans ma propre province ? Dans mon pays ?” »

Les douleurs des femmes sont considérées comme beaucoup trop « normales », renchérit l’autrice.

« J’utilise cette tribune-là pour mettre en lumière la souffrance des femmes, et le fait qu’on les aime bien silencieuses, nos femmes. Puis ça, ça m’agace beaucoup. »

Corps gras

Québec Amérique

200 pages

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