À l’approche de la période des Fêtes, la grève à la STM met les commerces à rude épreuve

La grève dans les transports en commun de Montréal commence à peser lourd sur le chiffre d’affaires de nombreux commerçants. Ils implorent les parties de s’entendre au plus vite, craignant que le conflit ne vienne plomber la période des Fêtes, qui est la plus lucrative de l’année.
« Nous avons remarqué une baisse claire de l’achalandage depuis le début de la grève. Pour un petit commerce de quartier, chaque jour compte et une grève prolongée risque de faire des ravages », s’inquiète François Albert, copropriétaire de la boutique de cadeaux et de décoration Chez Farfelu, située sur l’avenue du Mont-Royal.
Depuis la semaine dernière, le personnel d’entretien de la Société de transport de Montréal (STM) est en grève, imposant la fermeture du réseau en dehors des heures de pointe. Une situation qui complique grandement les déplacements des Montréalais.
Au magasin Chez Farfelu, les clients se font ainsi plus rares ces derniers jours. Les ventes ont déjà chuté de 15 % à 20 % par rapport à la même période l’an passé. À l’approche du Vendredi fou et de la période des Fêtes, les propriétaires redoutent un impact encore plus sévère. « Novembre et décembre, ce sont les mois les plus importants de l’année, c’est là qu’on fait le plus gros de nos ventes. Si la grève continue, ça va nous faire très mal », appréhende François Albert.
Lorsque Le Devoir l’a contacté mardi, il cherchait justement un moyen de faire entendre sa voix. « On ne sait même plus à quelle porte frapper, à qui se plaindre. La STM, la Ville, le ministère des Transports, le Protecteur du citoyen ? Je ne me sens pas soutenu », confie-t-il, regrettant d’être pris à partie dans un conflit qui ne le concerne pas directement.
L’inquiétude était tout aussi palpable dans la voix de Marie-Claude Pelletier, présidente de l’agence de stylisme Les Effrontés, qui représente des designers québécois. Sa boutique, La Vitrine québécoise par Les Effrontés, est située en plein cœur de Place Ville Marie et souffre aussi d’une baisse d’achalandage depuis le déclenchement de la grève.
« Notre clientèle, c’est majoritairement des employés de Place Ville Marie qui viennent pendant l’heure du lunch ou après le travail. Mais avec la réduction du service de transport, beaucoup restent en télétravail », souligne Mme Pelletier, dont les ventes ont baissé d’environ 20 %. « On se sent complètement désemparés, on ne peut rien faire à part espérer que le conflit se réglera vite », ajoute-t-elle.
Casse-tête logistique
D’autres détaillants, dont la maison de thé Camellia Sinensis de la rue Saint-Denis ou la boutique Fleuriste Centre-Ville, ont aussi exprimé au Devoir leur inquiétude face à la baisse de l’achalandage. Mais au-delà de leur chiffre d’affaires en perte de vitesse, c’est surtout la gestion du transport des employés qui donne le plus de fil à retordre aux commerçants interrogés.
La boutique Noël éternel, spécialisée dans les décorations et articles de Noël, qui prolonge habituellement ses heures d’ouverture à partir de novembre, a dû faire l’inverse cette année. « Nous sommes obligés de fermer plus tôt pour ne pas pénaliser nos employés, qui devraient sinon prendre un taxi ou flâner dehors jusqu’au prochain métro de 23 h pour rentrer chez eux. Ça n’a aucun sens », explique Caroline Doucet, directrice de l’entreprise.
Du côté de Chez Farfelu, on a aussi décidé de remanier les heures d’ouverture pour s’arrimer aux passages du métro. « Le problème, c’est que ça réduit les heures de travail de nos employés et donc leurs salaires, regrette François Albert. Ça crée inutilement du stress et une pression supplémentaire sur toute l’équipe. » En vue de l’arrêt complet du transport en commun les 15 et 16 novembre, il envisage même de « jouer les taxis » pour emmener au travail et ramener chez eux ses propres employés.
Certains commerces, comme les restaurants et les bars, n’ont toutefois pas le luxe d’adapter leurs horaires. « Avec le changement de quart de travail entre 19 h et 21 h le soir, les gens de l’industrie ont beaucoup de mal à revenir chez eux. Certains n’ont d’autre choix que de dépenser une partie de leur paie dans des taxis ou des Uber », déplore Raphaël Léger, propriétaire du bar Chez Baptiste sur l’avenue du Mont-Royal.
Service essentiel
« On veut être empathiques avec les travailleurs de la STM, mais ça devient difficile. Pas juste pour nous et nos employés, mais pour l’ensemble des Montréalais », fait remarquer M. Albert, qui estime que le transport en commun devrait être un service essentiel.
De son côté, Damien Silès, président-directeur général du Conseil québécois du commerce de détail, exhorte les parties en conflit à trouver rapidement une solution. « Les détaillants québécois n’ont jamais de répit. Depuis la pandémie, ils vivent constamment avec une épée de Damoclès au-dessus de leurs têtes », dit-il, rappelant que la guerre commerciale avec les États-Unis et la grève des employés de Postes Canada les ont grandement fragilisés au cours de la dernière année.
Si la grève se poursuit, il craint que les consommateurs se tournent encore plus vers les géants du commerce en ligne, comme Amazon, Shein ou Temu, au détriment des commerces locaux.
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