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Autoritaire et liberticide

C’est le truc des vieux chanteurs qui font un retour sur scène. On fait un spectacle avec toutes les chansons qui ont déjà marché et que le public aime réentendre.


Publié à
6 h 00

C’est l’essence du projet de loi 9 sur « le renforcement de la laïcité au Québec ». Le gouvernement prend les aspects les plus populaires de la Loi sur la laïcité de l’État et donne un autre quart de tour à chacun des boulons.

Ce gouvernement a de l’expérience dans ce genre d’opération. Ses lois linguistiques ont, pour l’essentiel, été élaborées exactement comme ça : on n’a rien inventé ni même adapté, on a tout simplement un peu resserré chacun des articles de la loi 101.

Sur le plan législatif, ce n’est pas utile. Mais politiquement, cela sert à rappeler aux électeurs que ce gouvernement a déjà fait adopter des lois populaires. Peu probable qu’on fasse remonter la popularité du gouvernement, mais, habituons-nous, les élus de la CAQ vont tout essayer en cette dernière année de mandat.

Y compris faire fi de certaines libertés fondamentales reconnues dans la Charte des droits et libertés de la personne du Québec et la Charte canadienne des droits et libertés.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Le ministre responsable de la Laïcité, Jean-François Roberge, déposant le projet de loi 9 au Salon rouge, jeudi matin

Le projet de loi 9 interdit donc les lieux de prière dans les établissements d’enseignement. « Parce qu’au Québec, c’est comme ça qu’on vit », a dit le ministre Jean-François Roberge. Ça ne semble pourtant pas être comme ça qu’on vit dans nos universités, en tout cas.

Des lieux de prière, il y en a dans presque toutes les grandes universités québécoises : Montréal, McGill, Concordia, Laval, Sherbrooke, Bishop’s. Des lieux de prière de confession catholique, protestante, juive, musulmane ou multiconfessionnels. Parfois, comme à l’UQAM, on utilise une salle de réunion.

Avec la loi déposée par Jean-François Roberge, on va fermer tout ça et tant pis pour les étudiants qui les fréquentaient, même si ce sont des adultes qui vont là de leur plein gré, exerçant ainsi un droit constitutionnel.

En lieu et place, on va imposer la laïcité à la sauce caquiste. Parce que c’est populaire et qu’on est dans une année électorale.

Le plus grave, c’est que le gouvernement n’essaie même pas – même si c’est son devoir – de concilier les droits contenus dans les chartes avec ses objectifs comme législateur. La liberté de conscience et la liberté de religion sont inscrites dans les chartes canadienne et québécoise, mais on voudrait qu’une simple loi – dont le caractère électoraliste est plutôt difficile à cacher – ait le dernier mot sur la question.

En toute logique, on ne peut pas, simultanément, avoir une charte québécoise qui place la liberté religieuse dans la catégorie des droits fondamentaux et agir comme si toute manifestation religieuse qui ne serait pas derrière des portes closes était un comportement répréhensible.

Ce n’est qu’accessoirement une question de religion. Ce qui est en cause est le pouvoir de l’État d’imposer ce qui fait son affaire à moins d’un an des élections, sans qu’on puisse le contester devant les tribunaux, puisqu’on utilise encore une fois la clause de dérogation de façon préventive.

Mais ce n’est malheureusement pas le seul élément liberticide dont on discute à Québec.

Le projet de Constitution québécoise, au lieu de devenir la « loi des lois » rassembleuse qu’il aurait dû être, est devenu une arme pour empêcher toute contestation de certaines décisions du gouvernement.

Le gouvernement veut interdire à quiconque a accès aux fonds publics de contester devant les tribunaux la constitutionnalité d’une loi. Cela touche les municipalités, les centres de services scolaires et à peu près tous les organismes publics.

Selon le Barreau du Québec, c’est une « dérive autoritaire » qui aura pour effet de neutraliser les contre-pouvoirs1. Le gouvernement veut avoir, dans les faits, le premier et le dernier mot.

À peu près tout ce que le Québec compte de constitutionnalistes a aussi émis ces derniers jours de sévères mises en garde sur l’érosion de l’état de droit au Québec2. Sans que cela inquiète de quelque façon le gouvernement.

Cette dérive se manifeste aussi dans le projet de loi sur la transparence des organisations syndicales qui établit, entre autres, des cotisations facultatives.

C’est une façon de s’assurer que les syndicats ne pourront contester une loi ou une décision gouvernementale devant les tribunaux, faire une campagne de publicité ou, de façon générale, soutenir un mouvement social, à moins que les fonds proviennent exclusivement de ces cotisations facultatives.

C’est obliger les syndicats à ne s’occuper d’emblée que des négociations de conventions collectives, alors que dans toutes les démocraties, le mouvement syndical est partie prenante des grands débats sociaux.

Il est évident, dans les faits, qu’on essaie de mettre au pas les syndicats, ce qui sera populaire dans certains milieux. Mais surtout, c’est une façon transparente de limiter leur droit de contester une décision du gouvernement.

C’est une dérive autoritaire et liberticide d’un gouvernement qui n’a rien trouvé de mieux à faire que de museler tous ceux qui voudraient s’opposer à lui.


1. Lisez la déclaration du Barreau du Québec


2. Lisez notre chronique « Des brèches dans notre état de droit »


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