Établie, accomplie, autonome et bientôt maman: le Québec lève le nez sur cette immigrante

Une Française qui a déménagé au Québec il y a quatre ans et qui sera maman dans quelques mois dénonce l’injustice qu’elle subit avec l’immigration, alors que le programme fédéral qui lui a permis de venir pratiquer sa profession ici s’applique difficilement aux exigences d’immigration du Québec.
Clémence Zanelli est arrivée au Québec en tant que travailleuse qualifiée en coiffure, métier qui entre dans la catégorie Formation, Études, Expérience et Responsabilités (FÉER) dans les procédures d’immigration du gouvernement fédéral.
Pour éventuellement obtenir sa résidence permanente, Mme Zanelli devait être admise au Programme de l’expérience québécoise (PEQ), sur lequel elle a appliqué avant qu’il soit aboli.
«Les conditions étaient claires: travailler deux ans à temps plein dans une catégorie FÉER qualifiée», explique-t-elle.
Depuis son arrivée au Québec, elle a cumulé deux années en tant que salariée dans un salon de coiffure. Une première année au salon MCoupe Beauté et une seconde au salon Chez Marcus. Toutefois, le modèle d’affaire de l’industrie de la coiffure change et il devient de plus en plus rare de trouver des salons qui emploient des salariés.
C’est dans ce contexte que le propriétaire du Salon Chez Marcus a choisi de mettre fin aux contrats salariés, incitant ainsi l’ensemble de ses employés à adopter le statut de travailleurs autonomes pour pouvoir continuer à exercer dans son établissement.
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Et c’est là que le processus d’immigration de Mme Zanelli se complique. Son statut de travailleuse autonome lui donne une emprise juridique sur son travail, ce qui la rend automatiquement inadmissible au PEQ.
«Je pensais simplement qu’il fallait faire deux ans en tant que salariée, laisse-t-elle tomber. Je ne pensais pas que le fait de devenir [travailleuse] autonome puisse me bloquer».
Un bébé en route
Son permis de travail se terminera à la fin avril. Bébé est prévu pour le début du mois de mars. Elle et son conjoint, qui est également Français, sont déjà bien installés, et la dernière chose qu’ils souhaitent, c’est de partir.
«Nous nous sentons aujourd’hui plus imprégnés de votre culture que de celle de notre pays d’origine», fait valoir Clémence Zanelli.
Clémence Zanelli est l’une des nombreuses personnes immigrantes qui se butent aux politiques rigides en matière d’immigration, et un changement dans sa situation professionnelle la prive d’être éligible à la résidence permanente. Elle est à mi-parcours de sa grossesse et panique à l’idée d’être séparée du père de l’enfant, à Québec, le jeudi 27 novembre 2025. Clémence et son conjoint, Theo Maudet.
STEVENS LEBLANC
JOURNAL DE QUEBEC/AGENCE QMI)
Stevens LeBlanc/JOURNAL DE QUEBEC
Ils ont également travaillé fort depuis leur arrivée pour faire leurs preuves. De son côté, elle s’est monté une clientèle fidèle, et lui, gravit les échelons dans l’entreprise pour laquelle il travaille. La situation n’a aucune logique à leurs yeux, alors qu’ils sont des immigrants «proactifs».
«On lui demande depuis le début d’être un facteur de l’économie, d’être un intermédiaire pour les taxes, de verser des impôts et d’avoir fait ses deux ans comme salariée», se désole son conjoint, Théo Maudet.
«C’est comme si tout était coché, mais j’ai été forcée de passer au statut de [travailleuse] autonome, poursuit Mme Zanelli. Nous voulions simplement trouver notre place ailleurs. Et maintenant que notre vie est enfin rebâtie, le gouvernement la détruit».
Le couple n’a pas d’autre option, outre le visa de visiteur, ce que Clémence Zanelli refuse, car elle veut travailler.
Une zone grise «qui ne fait pas de sens»
Le propriétaire du salon de coiffure Chez Marcus déplore la zone grise dans laquelle se retrouve la profession de coiffeur en matière d’immigration, un flou qui peut nuire grandement aux travailleurs étrangers œuvrant dans cette industrie et qui souhaitent s’établir ici.
Il est de plus en plus rare de trouver des salons de coiffure qui embauchent des salariés au Québec. La nature de la profession et la gestion financière qui s’y rattache concordent davantage avec le statut de travailleur autonome, indique Marc-André Villeneuve, propriétaire du Salon Chez Marcus.
Toutefois, bien que ce métier soit admissible pour un visa de travailleur étranger au fédéral, la transformation de son modèle d’affaires devient incompatible avec les exigences du Programme de sélection des travailleurs qualifiés (PSTQ) qui remplace le Programme de l’expérience québécoise (PEQ) au provincial.
«C’est plate, car on met tous les travailleurs autonomes dans le même bassin», laisse tomber M. Villeneuve.
Main-d’œuvre
Comme plusieurs industries au Québec, celui de la coiffure bénéficie grandement de la venue de travailleurs étrangers, indique M. Villeneuve, qui s’inquiète de plus en plus de la disponibilité de la main-d’œuvre. Celle-ci est importante pour louer les chaises qui font vivre son entreprise.
«Les enseignants en coiffure me disent qu’ils commencent l’année avec une trentaine d’étudiants, et ils finissent avec environ neuf à douze coiffeurs», explique-t-il.
L’entrepreneur espère que cette incohérence sera prise en considération par le ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration du Québec pour éviter que les professionnels de la coiffure, comme Clémence Zanelli, soient punis pour leur statut de travailleur autonome.
«L’horaire de Clémence est complet jusqu’en février, fait-il valoir. Ça ne fait pas de sens qu’elle soit peut-être obligée de quitter son emploi, qu’elle fait magistralement bien, et que la vie et la carrière qu’elle se construit soient démolies par cette faille qui ne fait pas de sens», ajoute M. Villeneuve.




