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Une grève pourrait s’avérer fatale pour Air Transat

C’est ce que croit John Gradek, ancien cadre chez Air Canada et coordonnateur du programme de gestion de l’aviation à l’Université McGill.

«Je pense qu’on va avoir une entente d’ici le 10 décembre. Le coût d’une grève versus le coût d’une entente avec les pilotes est beaucoup plus grand», indique-t-il.

Les pilotes ont voté à 99 % en faveur d’un mandat de grève mercredi matin. Avant de passer à l’action, le syndicat devra toutefois transmettre un préavis de 72 heures.

«Air Transat n’est pas prête à subir une grève, qu’elle soit d’un jour, d’une semaine ou d’un mois. Ça va causer de problèmes majeurs qui pourraient mettre la survie du transporteur en jeu», ajoute-t-il.

La compagnie aérienne a assuré que «les négociations se poursuivent et [qu’elle met] tous les efforts pour trouver une entente rapidement et d’ainsi éviter tout impact sur les plans de voyage de [sa] clientèle».

Une situation financière mise à l’épreuve

Air Transat n’a pas les reins assez solides pour traverser une grève, affirme M. Gradek.

«Concernant les répercussions d’une éventuelle grève, notre priorité est de l’éviter. Ce n’est pas un scénario souhaitable», répond la porte-parole de Transat, Alex-Anne Carrier, aux questions du Soleil.

L’entreprise à l’étoile bleue connait des difficultés financières. Elle a affiché une perte nette de 114 millions de dollars dans ses résultats financiers pour 2024.

Pierre Karl Péladeau, qui détient 9,5 % d’Air Transat par l’intermédiaire de sa société La Financière Outremont, a d’ailleurs appelé lundi à un remaniement du conseil d’administration pour procéder à une restructuration majeure.

«Sous la direction du conseil d’administration actuel, Transat a affiché des performances opérationnelles et financières constamment inférieures aux attentes, entraînant une destruction de valeur pour les actionnaires », a déclaré M. Péladeau, le deuxième plus important actionnaire du transporteur aérien, après le Fonds de solidarité FTQ.

Depuis l’automne 2024, l’homme d’affaires a tenté à au moins cinq reprises de racheter Transat.

La grève, une stratégie routinière

Les pilotes d’Air Transat sont représentés par l’Association des pilotes de ligne (ALPA), un syndicat américain qui agit également au nom des pilotes de WestJet et d’Air Canada.

«L’ALPA est le chef d’orchestre de ce mandat de grève. Elle applique toujours la même stratégie, avec les mêmes méthodes. On suit en ce moment les étapes presque incontournables d’une négociation», lance John Gradek.

«C’est d’ailleurs ce que j’enseigne à McGill: la grève, comme option nucléaire, est un moyen de pression classique. On l’utilise lorsqu’on est convaincu qu’une entente peut être conclue avant d’y arriver», renchérit-il.

La direction d’Air Transat reconnaît également qu’il s’agit d’une «étape courante du processus de négociation collective».

À noter que les pilotes de Transat n’ont jamais été en grève.

«Si jamais cela se produisait, ce serait un chaos total. Les avions sont pleins et des milliers de Québécois ont déjà leur billet», fait savoir M. Gradek.

Un écart salarial pas «si grand»

Récemment, les pilotes de WestJet et d’Air Canada ont renouvelé leur convention collective, ce qui a entraîné des changements importants dans leurs conditions et leurs heures de travail. Des hausses salariales ont également été accordées.

Plusieurs pilotes dénonçaient l’écart grandissant entre la rémunération au Canada et celle offerte aux États-Unis, au point où certains avaient choisi d’aller mettre leur expertise au service de transporteurs américains.

«WestJet a été le premier au “batte” et a accordé une augmentation de 35 %. Air Canada a ensuite suivi avec une hausse d’environ 40 %. Il faut dire qu’Air Canada n’avait pas renouvelé sa convention collective depuis dix ans. L’écart salarial était devenu important, ce qui explique pourquoi sa hausse a été plus généreuse», avance John Gradek.

La situation est toutefois différente chez Air Transat. La dernière renégociation complète de la convention collective remonte à 2015, mais des ajustements salariaux ont été apportés entre-temps, précise M. Gradek.

Depuis 2020, les pilotes de Transat ont eu des augmentations salariales totalisant 19 %. Près de la moitié d’entre eux gagner plus de 200 000 $ par année.

«L’écart salarial est inférieur à 35 % ou 40 %. Selon moi, il devrait plutôt se situer autour de 20 %. C’est surtout dans les conditions de travail que l’écart est plus marqué, particulièrement dans la façon dont les horaires sont établis et dans le calcul des heures supplémentaires», explique le coordonnateur du programme de gestion de l’aviation à l’Université McGill.

Depuis quatre ans, 200 pilotes ont quitté Air Transat pour diverses raisons.

«L’objectif demeure de négocier une convention collective à la satisfaction des deux parties, qui prendra en compte les réalités du marché et celles de l’entreprise et qui reconnaîtra la contributions de nos pilotes», mentionne Alex-Anne Carrier.

Advenant un préavis de grève

Si le syndicat des pilotes devait déposer un préavis de grève dès dimanche, Transat assure qu’elle mettra tout en œuvre pour aider sa clientèle à regagner sa destination initiale.

«Ceci inclurait notamment l’offre d’un nouveau billet sur un prochain vol disponible si une telle option existe dans les 48 heures de l’heure de départ initiale ou le remboursement de toute portion inutilisée du voyage», indique le transporteur.

«Les clients souhaitant annuler ou modifier leurs réservations peuvent le faire selon les termes et conditions de leur classe tarifaire», poursuit-il.

Malgré tout, le mal est fait pour Air Transat, dit John Gradek.

À quelques semaines de la période la plus achalandée dans les aéroports, les voyageurs de dernière minute privilégient Sunwing ou Air Canada pour éviter que leur vol ne soit annulé en raison d’une grève.

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