Mise en garde sur le cododo après la mort d’un bébé

Mi-janvier 2025. Une mère de la Mauricie donne un biberon à son fils en pleine nuit, entre 2 h et 2 h 30.
«Après le boire, elle décide de le coucher auprès d’elle, relate le coroner Daniel Riverin dans son rapport d’investigation, qui vient d’être rendu public. Elle installe des oreillers dans le lit afin de le protéger. À ce moment, l’enfant est calme et dort paisiblement.»
La mère du poupon s’endort à ses côtés. Ce n’est qu’aux environs de 9 h qu’elle se réveille. Son bébé est toujours dans le lit, mais elle réalise rapidement «qu’il est froid et qu’il ne respire plus».
Le 911 est composé. Au bout du fil, on guide la mère pour entamer des manœuvres de réanimation. Les ambulanciers arrivent peu de temps après et constatent que le bébé garçon est inconscient. Il a le teint bleu. Son petit cœur ne bat plus.
Le poupon est transporté au Centre hospitalier affilié universitaire régional de Trois-Rivières, où d’autres manœuvres de réanimation sont tentées. En vain.
L’autopsie faite sur le petit corps n’a permis de détecter aucun problème de santé. Mais «des modifications de la substance blanche au cerveau» ont suggéré un manque d’oxygène avant le décès.
Suivi postnatal
Le rapport du coroner souligne que la mère et son poupon ont obtenu le suivi postnatal prévu de la part du Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux (CIUSSS) de la Mauricie-et-du-Centre-du-Québec, soit un appel peu de temps après le retour à la maison, puis une visite à domicile deux jours plus tard.
L’infirmière ayant fait la visite a noté que le bébé vivait «dans un milieu sécuritaire, propre et adéquat» et que sa mère répondait «bien» à ses besoins.
«Selon la grille de suivi portant sur les enseignements à faire auprès de la mère, le volet sur le sommeil sécuritaire aurait été abordé, écrit le coroner Riverin. Toutefois, la mère [du bébé] ne se souvient pas en avoir entendu parler. En revanche, elle reconnaît avoir reçu un dépliant sur ce thème, mais elle n’aurait pas eu le temps de le lire.»
La nuit fatidique
La mère a expliqué que peu de temps avant cette nuit tragique, son bébé pleurait «un peu plus». «Comme elle se sent très fatiguée, elle prend la décision de le coucher auprès d’elle pour le réconforter», relate le rapport du coroner.
«Elle se souvient l’avoir déposé au creux de son bras gauche. Elle s’allonge sur le côté gauche en tenant pour acquis qu’elle ne bougera pas. Elle s’endort profondément. À son réveil vers 9 h, elle s’aperçoit que l’enfant est maintenant à sa droite. La mère s’est déplacée d’un côté à l’autre du bébé pendant son sommeil.»
— Extrait du rapport du coroner
Le coroner souligne que «beaucoup de questions sont actuellement soulevées» parmi les intervenants du milieu au sujet du cododo. «Ces questionnements prennent place en raison notamment des recommandations diverses entre la promotion de l’allaitement qui peut être facilité par le cododo et de cette pratique de sommeil dénoncée comme étant risquée pour la sécurité de l’enfant», expose M. Riverin.
Une pratique assez fréquente
Le rapport d’investigation note que lors d’une enquête canadienne faite en 2015 et 2016, le tiers des mères interrogées ont affirmé que leur bébé avait «fréquemment» été couché en cododo. Dans 27 % des cas, cette pratique était occasionnelle, tandis que 40 % des mères ont répondu qu’il n’y avait jamais de cododo sous leur toit.
Le coroner Riverin écrit que certains parents «cachent leurs habitudes de sommeil» parce qu’ils sont incertains du soutien qu’ils obtiendront de la part des intervenants impliqués dans le suivi postnatal. «Cette crainte du jugement les prive de conseils pour vivre le cododo de façon sécuritaire», estime M. Riverin.
Formation
Dans ce contexte, le coroner estime qu’il est primordial que tous les nouveaux parents puissent connaître les recommandations en matière de cododo. La formation des professionnels œuvrant auprès des parents est donc cruciale à cet égard, écrit-il.
Depuis 2011, l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) propose un «Portail d’information périnatale» pour les professionnels de la santé. «Il semble cependant que [ce portail] demeure, à ce jour, peu loquace en matière de sommeil sécuritaire du nourrisson», soulève le coroner. Les professionnels se retrouvent ainsi «avec peu d’informations à transmettre sur le sujet et du contenu quelques fois non validé par la science».
Des expertes consultées par le coroner ont par ailleurs insisté sur la nécessité de sensibiliser la population aux consignes visant à assurer un sommeil sécuritaire aux bébés.
«Il serait urgent de diffuser d’une part, les bonnes pratiques en matière de cododo et d’autre part, de faire connaître à la population les pratiques à éviter», écrit le coroner Riverin.
Décès accidentel
Le coroner conclut à une «asphyxie par probable obstruction des voies respiratoires externes dans un contexte de cododo», un décès considéré comme étant «accidentel».
Il formule trois recommandations au ministère de la Santé. La première vise à ce que l’INSPQ développe, pour son portail d’information, une fiche thématique sur le sommeil sécuritaire et «les enjeux entourant la pratique du cododo». Le coroner recommande aussi à Québec d’assurer le financement pour la création de cette fiche et sa diffusion auprès des intervenants. Sa dernière recommandation vise à ce que le ministère revoie les informations qui sont diffusées sur le sujet «afin de sensibiliser les parents».
Le ministère de la Santé confirme avoir pris connaissance du rapport du coroner. Il ne souhaite toutefois pas faire de commentaires «pour l’instant», puisqu’il dispose de 45 jours pour informer le Bureau du coroner «des mesures qu’il entend prendre» à la suite des recommandations.
«Nos pensées vont d’abord à la famille touchée, a tenu à préciser le ministère de la Santé. Le décès d’un nourrisson est toujours un triste événement, et encore plus lorsqu’il survient dans ces circonstances. Nous sommes très sensibles au deuil de la famille et des proches qui traversent cette épreuve.»
Ce que disent les autorités
La plus récente édition du guide Mieux vivre avec notre enfant de la grossesse à deux ans, diffusé par l’INSPQ, explique que les bébés naissants devraient toujours dormir sur le dos, sur un matelas ferme, dans un lit, un berceau ou un moïse respectant les normes canadiennes.
Le guide note que «chaque année, on constate quelques décès de bébés qui ont partagé la même surface de sommeil que leurs parents». Il est donc précisé que «pour éviter un accident» le cododo ne doit jamais survenir sur un divan ou une chaise rembourrée, lorsqu’un parent a consommé de l’alcool, des drogues ou des médicaments qui endorment, ou lorsqu’un parent est extrêmement fatigué.




