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Crise au PLQ | L’homme d’affaires Emanuel Cabral met Pablo Rodriguez dans l’embarras

(Québec) C’est le producteur et importateur de portos et de vins Emanuel Cabral qui a versé 500 $ à certains de ses employés pour rembourser leur don fait à Pablo Rodriguez pour sa campagne à la direction du Parti libéral du Québec (PLQ), a appris La Presse.

Mis à jour hier à
17 h 26

Il s’agit d’une pratique illégale qui intéresse l’Unité permanente anticorruption (UPAC).

Les faits se sont produits le 12 avril à la résidence de M. Cabral, où il tenait une soirée de financement pour M. Rodriguez.

Alors aspirant chef libéral, Pablo Rodriguez était présent et a prononcé un discours. La chanteuse Patsy Gallant a offert une performance lors de cette soirée. Une publication sur Facebook le prouve.

PHOTO TIRÉE DE FACEBOOK

La conjointe de Pablo Rodriguez, Roxane Hardy, avec l’homme d’affaires Emanuel Cabral et deux autres personnes.

Le Journal de Montréal a publié mardi matin un reportage concernant « une vingtaine de donateurs à la campagne de Pablo Rodriguez [qui] ont reçu des enveloppes de 500 $ comptant pour rembourser leur contribution, lors d’une soirée de financement tenue en avril dernier ». Il mettait en cause l’organisateur de l’évènement, « un homme d’affaires fortuné », mais le média lui a accordé l’anonymat.

« Ce n’est pas Pablo qui m’a demandé ça. Ce n’est pas lui. Lui, il ne m’a jamais rien demandé. C’est moi qui ai voulu faire ça, personnellement. Je suis chez nous, j’ai le droit de faire ce que je veux », a déclaré l’homme d’affaires au Journal.

La Presse s’est rendue à la résidence d’Emanuel Cabral pour s’entretenir avec lui, après avoir pu établir qu’il était bien l’homme d’affaires cité dans l’article. Il a toutefois refusé de commenter et a donné le numéro de son avocat. « Lui il va pouvoir vous dire… Moi je sais rien », a seulement déclaré l’homme d’affaires, président et fondateur de l’agence Réseau International Global Vins et Spiritueux.

PHOTOS HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

La Presse s’est rendue au domicile d’Emanuel Cabral dans le quartier Cartierville, dans l’ouest de Montréal, mais il a refusé de commenter.

La Presse avait déjà joint son avocat, Me Mario Proulx, qui n’avait donné aucune précision. Le Journal de Montréal a publié des déclarations de l’avocat de M. Cabral sans le nommer.

« Si vous les avez lues, vous avez exactement ce que j’ai dit et il n’y a pas d’autre chose qui va se dire », a affirmé à La Presse Me Proulx.

La Loi électorale interdit le recours à des prête-noms et prévoit que « toute contribution doit être versée volontairement, sans compensation ni contrepartie, et qu’elle ne peut faire l’objet d’un quelconque remboursement ».

Malgré les nouvelles révélations, Pablo Rodriguez s’accroche, plaidant qu’il n’était pas au courant et qu’il n’a rien à se reprocher. Il a décidé de porter plainte à l’UPAC et au Directeur général des élections du Québec (DGEQ) « concernant cette personne et les gestes qu’elle a posés, afin qu’ils fassent l’objet des enquêtes et des suites appropriées ». Il ne nomme pas Emanuel Cabral dans son communiqué de presse diffusé sur l’heure du dîner mardi.

Pablo Rodriguez déclare que même s’il était présent à la soirée de financement, « ni lui ni son équipe de campagne n’avaient la moindre connaissance de remboursements effectués à des participants ou à des donateurs ».

« Ce n’est qu’à la suite d’indices transmis par une journaliste et à partir de l’agenda de M. Rodriguez que nous avons pu identifier la personne concernée. Lorsqu’elle a été confrontée, celle-ci a reconnu avoir remboursé, de sa propre initiative, certains de ses propres employés qui n’avaient pas les moyens financiers de participer à l’évènement », explique le communiqué.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Pablo Rodriguez (au micro)

« Ce geste est inacceptable, contraire à l’éthique, aux règles en vigueur, et n’a jamais fait partie des pratiques de la campagne. Il a été posé sans autorisation, sans directive et à l’insu complet de Pablo Rodriguez et de son équipe. »

Emanuel Cabral a versé 500 $ à la caisse de M. Rodriguez, tout comme Patsy Gallant – de son vrai nom Patricia Gallant, – selon le registre du DGEQ. Rien ne démontre que Mme Gallant a été remboursée.

Selon son rapport remis au DGE, Pablo Rodriguez a récolté 10 750 $ lors de la soirée de financement du 12 avril.

M. Cabral a déjà travaillé dans le monde politique : il a été conseiller du ministre libéral John Ciaccia à Québec dans les années 90, avant de se lancer en affaires. Il n’a pas versé de dons au PLQ dans les dernières années, toujours selon le registre du DGEQ. Mais il est un contributeur à la caisse du Parti libéral du Canada, dont M. Rodriguez a porté les couleurs avant de traverser la rivière des Outaouais.

Il a versé des dons dans le passé à l’association libérale fédérale d’Honoré-Mercier, circonscription que représentait M. Rodriguez. Selon les registres d’Élections Canada, il a participé à des activités de financement de la ministre Mélanie Joly dans Ahunstic-Cartierville en 2018, 2019 et 2022, par exemple.

Le PLQ et son président, Rafaël Primeau-Ferraro, n’ont pas encore réagi, tout comme les principaux adversaires de M. Rodriguez dans la campagne à la direction, Charles Milliard et Karl Blackburn.

La pression s’accentue

La pression s’accentue de jour en jour sur le chef libéral qui s’accroche aux commandes. Lundi, l’aile jeunesse du PLQ a refusé de signer une lettre en appui au chef Pablo Rodriguez. La décision a été prise en fin de semaine lors d’une réunion de son comité exécutif.

Le clan Rodriguez a commencé à faire circuler cette lettre jeudi dernier pour riposter aux appels à la démission. Une quarantaine de présidents d’association de circonscription sur 125 l’avaient signée, disait-on dans l’entourage du chef vendredi.

Même si certains de ses proches font circuler la lettre et comptabilisent les signatures, comme son organisatrice Marie-Laurence Lapointe, Pablo Rodriguez présentait le tout vendredi comme « une initiative militante ». « Ça circule, tant mieux. Je l’ai lue ce matin, en passant, je la trouve très bonne. Je suis d’accord avec la lettre. » En coulisses, on déplore des pressions exercées sur des présidents d’association pour y apposer leur signature.

La semaine dernière, Karl Blackburn a demandé au chef de réfléchir à son avenir politique.

PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, COLLABORATION SPÉCIALE

Karl Blackburn

« C’est clair que la situation dans laquelle le parti se retrouve aujourd’hui est extrêmement préoccupante. Je pense que M. Rodriguez, dans ce contexte, doit certainement se poser les bonnes questions. […] Il doit certainement réfléchir à tout le moins à quel sera l’avenir de Pablo en tant que chef du parti, mais aussi qu’est-ce que sera l’avenir pour le Parti libéral du Québec », avait affirmé l’ancien directeur général et député du PLQ sur les ondes du RDI.

L’ancien président et ministre du PLQ Jean D’Amour a également affirmé la semaine dernière que la présente situation était intenable. « Si on tient compte du fait qu’il reste à peu près 10 mois avant les élections et qu’on a un programme à terminer et à présenter aux Québécois, des candidats à trouver, un moment donné, il faut qu’on soit crédible dans la démarche. Il ne faut pas prolonger cette agonie-là, il faut que les choses se règlent », avait-il dit.

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