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Plaidoyer de Fatima Aboubakr pour une laïcisation complète au Québec

Le premier ministre François Legault se dit « très fier » d’avoir fait le nécessaire pour « protéger » la laïcité au Québec. Il n’entend pas, par exemple, légiférer afin d’interdire le visage couvert dans l’espace public d’ici les prochaines élections générales, ce que Fatima Aboubakr, du Mouvement laïque québécois (MLQ), regrette.

« Pour l’instant, ce qu’on voulait faire sur la laïcité, on l’a fait », a déclaré M. Legault après l’ajournement des travaux de l’Assemblée nationale, vendredi. Une interdiction des signes religieux qui couvrent le visage dans l’espace public « n’est pas dans les cartons » du gouvernement, a-t-il spécifié.

Fatima Aboubakr s’est établie au Québec il y a 20 ans, juste avant l’éclatement de la crise des accommodements raisonnables. « À l’époque, je pouvais tout imaginer, sauf qu’un jour j’allais lutter au Québec pour la laïcité », raconte la femme originaire du Maroc, où, dit-elle, les 35 premières années de sa vie ont été « gâchées » par une religion « oppressive ». « Je suis venue ici pour la laïcité, pour l’égalité homme-femme, pour la liberté de conscience, pour la neutralité de l’État », ajoute-t-elle.

Fatima Aboubakr estime que l’Assemblée nationale a fait de grands pas pour renforcer la laïcité de l’État depuis qu’elle a adopté le Québec : « loi 21 » sur la laïcité de l’État (adoptée, 2019), « loi 94 » sur la laïcité dans le réseau de l’éducation (adoptée, 2025), projet de loi 1 visant à inscrire le caractère laïque de la société québécoise dans la Constitution canadienne (déposé, 2025), projet de loi 9 renforçant la laïcité (déposé, 2025)… Malgré cela, la « laïcité est menacée », soutient-elle.

De confession musulmane, Fatima Aboubakr a grossi les rangs du MLQ — un regroupement de citoyens qui a lutté tantôt pour la déconfessionnalisation du système scolaire, tantôt pour l’abolition de la prière dans les assemblées municipales — après la mise au jour d’un groupe d’enseignants dictant leur loi et leur foi pendant des années, au mépris des règles pédagogiques, à l’intérieur des murs de l’école Bedford.

« Les dommages que font les religions », notamment envers les femmes, « ne sont pas moindres que la pauvreté ou la guerre » contre lesquelles plusieurs personnes protestent sans se poser trop de questions, dit-elle pour expliquer pourquoi elle s’implique bénévolement dans le mouvement pro-laïcité québécois.

Élargir encore l’interdiction des signes religieux

Fatima Aboubakr s’explique mal pourquoi l’interdiction de porter des signes religieux prévue dans le projet de loi 9 s’appliquera aux centres de la petite enfance et aux garderies privées subventionnées, mais pas aux garderies privées non subventionnées — y compris celle qu’elle dirige à Laval. « Nos institutions au Québec sont universalistes, sont égalitaires, sont mixtes. Et les religions ne sont ni universalistes ni égalitaires, et quelques-unes d’entre elles ne sont pas mixtes. Donc, il est juste cohérent que la laïcité commence dès la petite enfance [et s’étende] jusqu’à l’université », explique-t-elle.

Elle déplore au passage la contestation de la constitutionnalité de mesures favorisant la laïcité, adoptées par le gouvernement québécois, telle l’interdiction du port de signes religieux pour certains employés de l’État, par une organisation de défense des droits comme le Conseil national des musulmans canadiensau nom des 500 000 personnes de confession musulmane qu’il dit représenter. « Même en islam, il y a plusieurs lectures et interprétations qui permettent [aux femmes] d’enlever le voile si elles sont obligées de le faire », souligne-t-elle.

Fatima Aboubakr trouve également que le gouvernement Legault a manqué une belle occasion de légiférer afin d’interdire le visage couvert dans l’espace public, après que les membres de la CAQ lui eurent demandé de le faire en septembre dernier. « Le visage découvert, c’est vraiment un enjeu de sécurité », fait-elle valoir.

François Legault n’est pas à l’abri des critiques de Fatima Aboubakr. En accusant les « islamistes radicaux » de perpétrer des attaques contre « certaines de nos valeurs communes » comme l’égalité entre les femmes et les hommes sans donner plus de détails, le chef du gouvernement a semé, selon elle, de la « confusion ». « Un jour, une madame m’a [écrit :] “La personne qui a fait ma livraison de Maxi, elle est voilée. Je vais appeler Maxi pour leur dire de ne jamais m’envoyer cette personne.” Donc, dans sa tête, c’est une islamiste radicale. Je lui ai expliqué que ce n’est pas parce qu’elle porte un voile qu’elle est islamiste ou dans une idéologie. Tu peux juste prendre ta livraison et lui dire merci », relate la membre du conseil d’administration du MLQ.

Vendredi dernier, François Legault a promis de « continuer à protéger la laïcité » et de poser de nouvelles actions si le besoin s’en fait sentir.

Fatima Aboubakr « souhaite » que, durant la prochaine campagne électorale, « on ne parle plus des Québécois issus des communautés musulmanes ou de communautés juives ou… mais qu’on parle des Québécois tout court ».

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