Raccordement au réseau d’Hydro-Québec | « C’est un grand jour » pour Kitcisakik

(Kitcisakik) Allumer les lumières d’un sapin de Noël, dormir toute la nuit sans le vacarme d’une génératrice au diesel, réchauffer son café au micro-ondes. À Kitcisakik, en Abitibi, les membres de la communauté anicinape pourront dorénavant faire les mêmes gestes au quotidien que la grande majorité des Québécois.
Publié hier à
5 h 00
C’était jour de fête, jeudi, à Kitcisakik, communauté de 250 habitants située à une centaine de kilomètres au sud de Val-d’Or. On y célébrait le raccordement du village au réseau d’Hydro-Québec, un évènement attendu depuis au moins 40 ans.
« C’est un grand jour pour Kitcisakik », lance Edouard Brazeau, chef du Conseil des Anicinapek de Kitcisakik, quelques minutes avant de prendre la parole devant les invités du jour.
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Edouard Brazeau, chef du Conseil des Anicinapek de Kitcisakik
Parmi ceux-ci, on retrouvait notamment Ian Lafrenière, ministre de la Sécurité publique, également responsable des Relations avec les Premières Nations et les Inuit, Claudine Bouchard, PDG d’Hydro-Québec, et Francis Verreault-Paul, chef de l’Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador.
La majorité des quelque 90 maisons et bâtiments de Kitcisakik sont raccordés depuis quelques jours au réseau d’Hydro-Québec. Ceux qui ne sont pas déjà branchés le seront dans les prochains jours, a souligné Claudine Bouchard, grande patronne de la société d’État.
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Une équipe d’Hydro-Québec travaillant à raccorder une maison au réseau électrique, à Kitcisakik
Pour les plus anciens membres de la communauté, comme la vice-cheffe Adrienne Anichinapéo, le moment est historique. Elle rappelle d’ailleurs dans son allocution qu’il n’y a pas d’équivalent dans sa langue natale pour le mot électricité.
Catherine Anichinapéo, 77 ans, a livré de son côté un témoignage émouvant où elle a raconté ses deux premières journées depuis que sa maison est branchée au réseau électrique.
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Catherine Anichinapéo
Là, c’est mon cœur que j’entends battre, ce n’est plus ma génératrice.
Catherine Anichinapéo
Dans l’attente d’un éventuel raccordement au réseau d’Hydro-Québec, les habitants de Kitcisakik se chauffaient au bois et comptaient sur de bruyantes génératrices alimentées à l’essence pour s’éclairer et faire fonctionner leurs appareils électriques.
Une facture mensuelle qui pouvait s’élever à plusieurs centaines de dollars pour une seule maison.
Économies substantielles
Mickizie Papatie a souligné à La Presse qu’il déboursait environ 20 $ par jour en essence pour faire fonctionner sa génératrice. En plus de réaliser des économies substantielles, il apprécie particulièrement le silence nouveau qui règne dans sa communauté. « Avant, avec le bruit des génératrices, je n’entendais même pas ma voisine… »
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Mickizie Papatie travaille au dépanneur du village.
Le jeune homme travaille au dépanneur du village, qui devrait pouvoir élargir la gamme de produits offerts à ses habitants, croit-il.
Les frigos du petit commerce n’arrivaient pas toujours à maintenir une température constante avec une génératrice. « Ils devenaient chauds parfois. Maintenant qu’on a l’électricité, j’ai suggéré à ma boss d’ajouter des congélateurs. On pourrait offrir plus de produits », dit-il.
« C’est un grand changement pour ces gens-là, reconnaît le ministre responsable des Relations avec les Premières Nations et les Inuit, Ian Lafrenière. Les gens m’ont dit qu’ils dormaient mieux parce qu’ils étaient assurés d’avoir de la chaleur le matin, au réveil. Ils n’ont plus de bruit de génératrice. »
« C’était un peu comme un camping »
Le projet dans son ensemble a coûté 35 millions de dollars à Hydro-Québec, ce qui comprend la mise à niveau des maisons qui n’étaient pas équipées pour être alimentées par le réseau de la société d’État, a précisé M. Lafrenière.
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Des poteaux électriques jalonnent les rues du village.
« Il n’y a pas d’eau courante, il n’y avait pas d’électricité. On fonctionne avec des blocs sanitaires. C’était un peu comme un camping, mais à vie », a-t-il résumé, se disant persuadé que les Québécois comprenaient la nécessité de faire ces investissements, au sein d’une communauté vulnérable et isolée.
Pour Jennifer Papatie, l’arrivée de l’électricité sans génératrice se traduit par un geste tout simple : réchauffer un plat au micro-ondes. « Je viens tout juste de l’utiliser ! », lance-t-elle fièrement.
« Ça fait plusieurs chefs que j’ai vus travailler sur ce dossier, pour l’électricité, raconte le chef Edouard Brazeau, qui s’est dit particulièrement fier pour sa communauté. Avec le coût de l’essence qui ne cessait d’augmenter, « ça devenait très cher pour la communauté de faire fonctionner les génératrices ».
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L’arrivée de l’électricité chez la famille Papatie a facilité la préparation des repas.
M. Brazeau indique qu’il dépensait 800 $ par mois seulement en essence pour faire fonctionner la génératrice de sa résidence. « Les familles vont économiser entre 300 $ et 800 $ par mois à partir de maintenant », insiste-t-il.
Exode
Au-delà des considérations au quotidien, le raccordement de son village au réseau électrique pourrait également encourager les plus jeunes à demeurer à Kitcisakik.
« Je pense que beaucoup de nos membres sont partis vers d’autres communautés, vers la ville, à cause de ça [l’absence de réseau électrique]. Je ne dis pas que c’est la seule raison, mais il y en a beaucoup qui sont partis parce qu’il n’y avait pas l’électricité chez eux. Ça pourrait faire une différence dans l’avenir… »
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Les enfants de Kitcisakik ont pu profiter d’un sapin de Noël illuminé près de leur école à temps pour les Fêtes.
La journée s’est justement terminée à Kitcisakik alors qu’un groupe d’enfants, accompagné du chef Brazeau, a pu allumer les lumières du sapin situé juste à côté de l’école du village…
Lisez la chronique de Philippe Mercure « Kitcisakik : quand l’électricité arrive… en 2025 »




