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Astérix en Lusitanie | Odyssée au Portugal

Astérix repart à l’aventure ! Après le succès de L’iris blanc, le scénariste Fabcaro et le dessinateur Didier Conrad transportent le rusé Gaulois dans un pays où il n’avait jamais mis les pieds : la Lusitanie, c’est-à-dire le Portugal actuel. Au menu ? De la morue, bien entendu, mais aussi une sauce au poisson dont raffole César… qu’un comploteur empoisonne avec l’espoir de régner un jour sur Rome.


Publié à 5 h 00

Après l’album « village », voici l’album « voyage ». Astérix, qui a dû combattre les vertus néfastes de la pensée positive dans L’iris blanc, reprend ses habits de justicier international. Sollicités par un émissaire lusitanien transporté jusqu’en Armorique sur un navire phénicien, le petit Gaulois et son inséparable ami juste un peu enveloppé s’embarquent pour Olisipo (Lisbonne). Leur mission ? Disculper un fabricant de garum, une spécialité locale prisée par César, accusé à tort d’avoir voulu empoisonner le maître de Rome.

Arrivé à bon port, le tandem doit démêler les fils d’un complot mené par Pirespès, issu d’une famille où on est traître de père en fils, mais ourdi par un homme bien plus puissant que lui. Astérix, Obélix et, oui, Idéfix devront user d’astuces et même modifier leur apparence pour arriver à leurs fins. Ils devront aussi survivre à la mélancolie ambiante capable de déprimer les légionnaires et aux spécialités culinaires locales… dont plusieurs laissent Obélix sur sa faim.

PHOTO IAN LANGSDON, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Le scénariste Fabcaro

Fabcaro dit avoir choisi la destination des deux Gaulois les plus célèbres du monde en procédant « bêtement par élimination ». « Je me suis aperçu qu’ils n’étaient jamais allés au Portugal, explique le scénariste en entrevue. Ils sont allés dans des endroits beaucoup plus reculés, alors qu’ils avaient la Lusitanie juste à côté. »

Sa proposition n’était évidemment pas que « bête ». Fabcaro, seul auteur à avoir complètement absorbé la manière de Goscinny depuis… Goscinny, connaissait un peu ce pays et sa culture. Il savait qu’il aurait de quoi s’amuser.

Il se moque ainsi gentiment de la cuisine portugaise et de son aliment fondamental, la morue, mais célèbre aussi son merveilleux vin de Porto. Il s’amuse aussi de la saudade, cette mélancolie mêlée de rêverie, de gratitude et de fatalisme caractéristique de la musique emblématique du Portugal, le fado. Obélix s’en sert même avec génie, dans un moment critique, pour déprimer des légionnaires romains…

Rire sans trop se moquer

La série Astérix, née dans les années 1960, a toujours joué avec les stéréotypes physiques et culturels. En 2025, une partie du lectorat est potentiellement plus sensible à l’appropriation culturelle et aux emprunts typiques de cet univers. Est-ce un défi pour un auteur et un dessinateur de notre époque ? Non, répondent en substance Conrad et Fabcaro.

Pour faire un album « voyage » d’Astérix, c’est-à-dire concevoir une aventure où les héros quittent leur village pour aller à la rencontre d’autres peuples, il faut pouvoir jouer avec les stéréotypes culturels, disent-ils. « On ne pourrait pas faire d’album voyage si on se l’interdisait, mais il faut que ça reste bienveillant, que le regard porté sur l’autre ne soit pas moqueur, insiste le scénariste. On ne rit pas contre, on rit ensemble. »

PHOTO IAN LANGSDON, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Le dessinateur Didier Conrad

Conrad assure que, même sur le plan visuel, il n’y a pas de gros risque à dessiner des Portugais au faciès typé. L’univers d’Astérix est bien codifié, il a une histoire. Uderzo lui-même avait déjà dessiné un Lusitanien dans Le domaine des dieux, une caricature très poussée de l’écrivain Fernando Pessoa, emblème de la littérature portugaise. « Il n’y a pas un personnage que j’ai fait qui est aussi excessif que ça », estime Conrad.

Cet Astérix fait néanmoins un clin d’œil à l’air du temps : le parler de la vigie africaine qui scrute l’horizon au mat du bateau des pirates n’est plus parodié, il prononce désormais pleinement les « r ». Fabcaro explique qu’il voulait réintégrer ce personnage qui avait été mis de côté à cause de l’apparence et de l’accent caricatural dont il avait été affublé.

« Si l’époque évolue, évoluons avec elle », dit Fabcaro, qui aurait trouvé dommage de devoir se priver d’un personnage qu’il a toujours trouvé « génial ».

Cette aventure en Lusitanie compte bien sûr son lot de références au monde contemporain (il est discrètement question de la réforme des retraites en France) et de clins d’œil. Une séquence de cet album évoque la maison des fous des 12 travaux d’Astérix, un personnage est inspiré de Silvio Berlusconi, ancien premier ministre italien, un autre d’Amália Rodrigues, icône du fado, et une scène délicieuse s’inspire d’une des plus célèbres répliques de la princesse Leia dans la saga Star Wars.

Ce souci de créer une œuvre dotée de multiples niveaux de lecture constitue l’héritage le plus précieux du créateur d’Astérix, René Goscinny, selon Fabcaro.

« Goscinny ne disait pas qu’il faisait un album pour les enfants, souligne-t-il. Si l’enfant ne comprend pas, il comprendra [en relisant] plus tard. Moi, c’est une partie de l’héritage que j’adore. Aujourd’hui, on a tendance à abaisser le niveau. L’idée de Goscinny était plutôt de tirer le lecteur vers le haut. »

En librairie

Astérix en Lusitanie

Albert René

48 pages

8/10

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