«L’affaire du juge Delisle»: Un meurtre qui a ébranlé le système

Un juge à la retraite, le cadavre d’une épouse diminuée par un AVC foudroyant et une arme à feu. Meurtre ou suicide? En suivant le fil des événements, la journaliste Kathryne Lamontagne et son équipe nous entraînent, durant trois épisodes riches en rebondissements légaux, dans une affaire unique des annales du monde judiciaire canadien.
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Certains crimes marquent la mémoire collective plus profondément que d’autres, que ce soit par la nature sordide des gestes qui ont été commis ou par l’ampleur des répercussions sur l’entourage des victimes et le milieu dans lequel ils se sont produits. À quelques occasions, ces crimes nous hantent parce qu’ils ont été commis par des individus qu’on aurait pu croire au-dessus de tout soupçon. C’est le cas de l’affaire du juge Jacques Delisle, qui a certainement fait jaser durant les mois et les années suivant la découverte du corps de Nicole Rainville, l’épouse à demi paralysée du magistrat, dans un condo luxueux du quartier Sillery de Québec, le 12 novembre 2009.
Comme on nous le rappelle au début de ce documentaire, toute l’affaire débute avec un appel au 911 du juge à la retraite, qui avait œuvré à la Cour supérieure et à la Cour d’appel du Québec. Alors qu’il discute avec la répartitrice, l’homme affirme qu’il s’est brièvement absenté pour aller faire des courses lorsque sa femme de 71 ans s’est enlevé la vie en se logeant une balle dans la tête à l’aide d’un pistolet de calibre .22. Une arme pourtant prohibée…
Un comportement suspect
Lorsque les policiers arrivent sur les lieux, il est clair que quelque chose ne tourne pas rond. De la musique classique remplit les lieux et l’ex-juge est d’un calme inhabituel pour une personne confrontée à une telle situation. «Sur la table, à côté de Mme Rainville, il y avait une lettre, se souvient Richard Lord, patrouilleur du Service de police de la Ville de Québec. Il y avait également, au sol, l’arme à feu. Le chargeur avait été enlevé, mais il y avait encore une balle. À ce moment-là, je n’ai pas noté d’odeur particulière. Normalement, lorsqu’on tire avec une arme à feu à l’intérieur d’une maison, il va y avoir une odeur de poudre brûlée, mais je n’ai pas perçu ça du tout.»
Malgré sa fonction d’ancien juge et sa réputation d’homme rigoureux (et un peu hautain), l’homme de loi éveille rapidement la suspicion des représentants de l’ordre avec son comportement suspect. Le mystère s’épaissit lorsqu’on découvre une étrange tache de fumée noire dans la paume gauche de la victime. Des rumeurs de divorce viendront plus tard ajouter un mobile solide pour épauler la théorie de l’assassinat. «Lorsque le corps de madame sort avec les ambulanciers, M. Delisle les interpelle et leur dit que sa femme ne voulait pas être réanimée, raconte à son tour l’ex-enquêteur Guy Carrier. Donc, de ne pas continuer les manœuvres. Les ambulanciers vont alors mentionner que ce sont des manœuvres qui sont usuelles dans tous les cas où il y a un suicide. Ils se doivent de préserver la vie jusqu’au moment où un médecin décide de déclarer la personne décédée.»
Questions sans réponses
Suicide ou crime camouflé? À l’époque, l’ancien juge affirme que sa femme a voulu s’enlever la vie parce qu’elle ne pouvait plus vivre une existence hypothéquée par un AVC, qui a grandement diminué ses capacités en 2007. S’agit-il d’une excuse un peu trop parfaite pour expliquer un geste aussi draconien? «J’avais vu des suicides par arme à feu, mais c’étaient toujours des hommes, ajoute l’agent Lord. C’était la première fois que je voyais une femme et ça m’a beaucoup touché.»
L’enquête révélera une saga remplie de rebondissements. Au cours des trois chapitres du documentaire L’affaire du juge Delisle, les principaux acteurs de ce drame légal apportent en effet de nouveaux morceaux au monumental casse-tête que cette affaire a représenté pour notre système judiciaire. Après tout, jamais un juge canadien n’avait été accusé d’un pareil crime auparavant. En 2012, le juge Delisle est ainsi condamné pour meurtre au premier degré, mais en avril 2021, le ministre fédéral de la Justice ordonne la tenue d’un nouveau procès en raison d’une possible erreur judiciaire. En mars 2024, Jacques Delisle plaide finalement coupable à un chef d’homicide involontaire, mais son décès inattendu, cinq mois plus tard, laisse de nombreuses questions en suspens concernant les événements qui ont fait basculer sa vie. «Qu’est-ce qui a pu pousser un homme si droit, si intègre, un représentant de la loi, à assassiner sa femme?», se demande la journaliste Kathryne Lamontagne. Après 15 années d’une quête de vérité stérile, la question restera sans doute entière…




