Trends-CA

L’argent et le bonheur | Pourquoi je prie pour un krach boursier

Dans L’argent et le bonheur, notre journaliste Nicolas Bérubé offre chaque dimanche ses réflexions sur l’enrichissement. Ses textes sont envoyés en infolettre le lendemain.


Publié à 8 h 00

Bonjour, je m’appelle Nicolas, et j’aimerais vivre un krach boursier.

Quel type de krach ? Une chute de 25 % ? Un effondrement de 40 % ?

Oui. Tant qu’on a de gros chiffres en rouge et des photos de courtiers inquiets, ça ferait mon bonheur.

Pourquoi moi, un simple journaliste, une espèce de version Temu de Pierre-Yves McSween avec ma calculatrice macOS et mes règles de trois, j’essaie de provoquer la colère des dieux de la Bourse ?

C’est parce qu’investir est tellement plus agréable quand les marchés sont déprimés.

Il y a plusieurs saisons en investissement. Mais cette année, mis à part une brève période en avril, on a vécu une seule saison : l’été.

Résultat : on se retrouve avec des actifs qui ont pris pas mal de valeur ces derniers mois.

Un portefeuille « équilibré » comme le populaire FNB tout-en-un XBAL de la firme iShares est en hausse de 14 % depuis le 1er janvier. Pour un portefeuille « croissance » comme le fonds XGRO, on parle d’une progression de 17 %.

Je sais, c’est déprimant. Ça veut dire que chaque fois qu’on fait des placements, nos dollars peuvent acheter moins d’actifs qu’en janvier.

Moins de rendement, plus d’argent

Je le sens dans les courriels que vous m’envoyez : vous êtes nerveux. Les rendements boursiers cette année semblent trop beaux pour être vrais. Ça ne peut pas être si simple, vous dites-vous. Ça va nous péter au visage.

Comme tout le monde qui travaille de près ou de loin avec les marchés, j’aimerais vous dire quand aura lieu la prochaine baisse. Or, contrairement à bien des professionnels de la finance, je sais qu’on ne peut pas.

Brûler de connaître la suite n’est pas nouveau. Il y a un siècle, les riches investisseurs de Wall Street consultaient une clairvoyante nommée Evangeline Adams pour tenter de prédire la direction des marchés. Chaque séance avec elle coûtait 50 $ (900 $ en dollars d’aujourd’hui). Finalement, il s’est avéré qu’Adams était incapable de prédire quoi que ce soit, et elle a personnellement perdu de l’argent dans ses placements spéculatifs.

Si les chutes m’attirent – et qu’elles devraient vous attirer également –, c’est qu’elles ont le potentiel d’être plus généreuses pour nous que les périodes haussières comme celles qu’on vit actuellement.

Il y a quelques années, l’auteur financier canadien Andrew Hallam a créé un test pour les investisseurs. Il leur a demandé d’imaginer un investisseur ou un couple avec 10 000 $ à investir, et qui ajouterait 1000 $ par mois à ses placements pendant 20 ans.

Dans le scénario 1, le marché commence par chuter brutalement de -10,57 %, -10,97 % et -20,96 % pendant 3 ans, pour finalement obtenir un rendement composé annualisé de 6,3 % sur 20 ans.

Dans le scénario 2, le marché connaît des hausses de 35,79 %, 20,96 % et 30,99 % durant les trois premières années. Et il obtient un rendement composé annualisé de 9,41 % sur 20 ans.

Si vous aviez à choisir entre les deux scénarios, lequel vous retiendriez ?

Si vous avez choisi le scénario 2, vous avez laissé 83 403 $ sur la table.

Le solde des placements dans le scénario 1 est de 737 362 $ au bout de 20 ans. Dans le scénario 2, il est de 653 959 $.

Le punch ? Le scénario 1 correspond tout simplement au rendement du S&P 500 de 2000 à 2020. Et les rendements du scénario 2 correspondent à ceux de 1995 à 2015.

L’an 2000 et les années qui ont suivi étaient des années affreuses dans les marchés. Très peu de gens avaient envie d’investir à ce moment. À l’opposé, 1995 était un moment très excitant pour commencer à investir. Les années de hausses se succédaient sans relâche.

La morale de l’histoire est que les périodes déprimantes dans les marchés font souvent des investisseurs mieux nantis à long terme.

OK, OK, vous me direz. Les chutes sont bonnes quand on épargne. Mais quand on est à la retraite ? Une chute est dévastatrice pour notre pouvoir d’achat, non ?

En fait, les chutes sont courantes en investissement et sont intégrées aux règles de décaissement. Si bien qu’elles n’ont pas l’effet corrosif qu’on imagine.

Règle du 4 %

Une règle générale pour le décaissement des actifs est la règle du 4 %. C’est-à-dire que l’on peut décaisser 4 % de la taille d’un portefeuille équilibré à 60 % d’actions, 40 % d’obligations chaque année, avec des risques très faibles de manquer d’argent pendant 25 ans.

Pour prendre un exemple concret :

Imaginez un couple qui aurait pris sa retraite à l’automne 2015 avec un portefeuille d’une valeur de 750 000 $ répartis à 60 % en actions canadiennes, américaines et internationales, et à 40 % en obligations à courte échéance du gouvernement canadien.

Chaque année, ce couple décaisse 4 % des placements pour en vivre. Au bout de 10 ans, où en est le couple ?

Après une décennie, 224 481 $ au total auraient été décaissés.

Et à combien s’élèverait la valeur du portefeuille ? Elle serait de 1 088 952 $.

Vous avez bien lu : malgré une décennie de décaissements et tout ce que l’actualité nous a fait vivre (krach de la COVID-19, invasion russe de l’Ukraine, guerre commerciale de Trump, etc.), le couple est plus riche aujourd’hui qu’au moment où il a cessé de travailler.

S’attendre à ce que les marchés soient en hausse année après année n’est pas réaliste. Si les marchés ont offert de généreux rendements historiquement, c’est justement parce qu’ils sont risqués. Certaines années, ce risque se manifeste. Certaines années, non.

Un jour ou l’autre, les chutes seront de retour. Ce n’est pas une catastrophe. Juste le jour où vous me verrez sourire.

Related Articles

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *

Back to top button