Deux fraudeurs avouent avoir utilisé la fuite de données chez Desjardins pour voler neuf millions

Deux hommes ont avoué avoir fraudé des clients de Desjardins pour près de 9 millions de dollars en s’appropriant les sommes détenues dans leurs comptes. Ils ont ainsi monétisé la plus grande fuite de données personnelles de l’histoire du Québec.
L’« appât du gain » a motivé leurs actions, a déclaré la procureure de la Couronne responsable du dossier, Me Caroline Gagné. Et cela, notamment pour s’acheter des montres Rolex et des bijoux de marque, s’offrant ainsi « un mode de vie de luxe sur le dos des victimes fraudées ».
Ayoub Kourdal, 37 ans, et Imad Jbara, 34 ans, ont enregistré leurs réponses à l’accusation mercredi au palais de justice de Joliette. Ils n’auront ainsi pas à subir de procès. Un troisième individu impliqué dans ce stratagème frauduleux, Nassim Alikacem, est toujours en cavale.
L’arrestation en 2024 des deux hommes a été le point culminant d’une enquête de longue haleine du Service de police de Laval amorcée en décembre 2018. Cette opération, baptisée Glaive, a été le point de départ d’une enquête d’envergure de la Sûreté du Québec (SQ), baptisée Portier, sur le vol et la revente de renseignements personnels de 9,7 millions de membres du Mouvement Desjardins, a expliqué Me Gagné à l’extérieur de la salle d’audience.
L’exposé des faits déposé devant la justice révèle un stratagème frauduleux fort sophistiqué utilisant des listes de données de 1,7 million de personnes qui sont ou ont été clientes de Desjardins. « Un volume de renseignements personnels et confidentiels sans précédent », a souligné Me Gagné dans la salle de cour, qui inclut les numéros d’assurance sociale et d’assurance maladie de clients Desjardins, leur adresse, leur date de naissance, leur profil bancaire complet et même le nom de famille de leur mère.
Vol d’identité et de comptes
En gros, Ayoub Kourdal prétendait être un réel client de Desjardins et téléphonait au service à la clientèle des caisses populaires — souvent en imitant la voix de personnes âgées — en disant avoir perdu accès à ses comptes. À l’aide des renseignements identificateurs qu’il détenait illégalement, il parvenait généralement à déjouer les mesures de sécurité et à obtenir un identifiant et un mot de passe temporaire lui permettant d’accéder à ces comptes.
Il effectuait alors une série d’opérations pour diriger l’argent vers des compagnies coquilles, des bénéficiaires au Canada et à l’international, ou même des bijouteries aux États-Unis.
Parfois, lors d’une « phase préparatoire », les fraudeurs ont même détourné la ligne téléphonique ou l’adresse courriel de victimes. Ils interceptaient ainsi les procédés de validation d’identité de Desjardins. « Cette opération démontre non seulement la sophistication et la planification du stratagème criminel, mais aussi l’existence de conséquences supplémentaires dans la vie des victimes qui, en plus d’être spoliées, perdaient parfois durant plusieurs jours le contrôle de leur ligne téléphonique et/ou de leur boîte courriel », est-il écrit dans l’exposé des faits.
Entre septembre 2018 et janvier 2019, une somme de 8 908 145 $ a ainsi été détournée dans 31 opérations de fraude visant 41 personnes, dont 5 étaient des avocats et des notaires : leurs comptes en fidéicommis — contenant des sommes appartenant à leurs clients — ont été compromis.
Desjardins a entièrement indemnisé ses clients, a déclaré Me Gagné, subissant une perte nette de plus de 3 millions de dollars.
Une suggestion commune de peine a été présentée au juge Claude Lachapelle : six ans de pénitencier pour Ayoub Kourdal ; quatre ans pour Imad Jbara. Kourdal, un récidiviste en matière de fraude, a effectué les appels, alors que Jbara, qui est sans antécédents judiciaires, « avait un rôle un peu plus reculé », consistant entre autres à conserver les données, a expliqué la procureure de la Couronne pour expliquer ce traitement différencié.
Le juge n’est pas tenu de les accepter et peut décider d’imposer une peine d’incarcération plus longue.
Les deux hommes doivent aussi rembourser des sommes importantes, sans quoi ils rajouteront de nombreux mois à leur séjour au pénitencier.



