Louis Plamondon sur le point de passer à l’histoire

S’il détenait déjà le record pour le plus grand nombre d’élections et pour le plus grand nombre de jours à siéger sans interruption, il lui restait à éclipser la marque de 41 ans, 2 mois et 20 jours détenue par Laurier pour l’ensemble de sa carrière.
C’est dimanche que Louis Plamondon rejoindra celui dont le visage apparaît sur les billets de cinq dollars, alors que 15 056 jours se seront écoulés depuis son élection, le 4 septembre 1984.
Un hommage lui sera d’ailleurs rendu mercredi après-midi, après la fin de la période de questions à la Chambre des communes. Des députés de chacun des partis doivent prononcer un discours, dont le conservateur Jacques Gourde qui, pour sa part, est en poste depuis bientôt 20 ans.
Louis Plamondon, qui est le doyen de la Chambre des communes depuis 2008, sera également invité à prononcer une allocution de deux à trois minutes. Il faudra voir si, dans l’humour qu’on lui connaît, il réussira à dérider l’assemblée comme il l’avait fait lors de la reprise des travaux il y a quelques années.
«Je ne le réalise pas»
«On ne fait pas de la politique pour les records, mais on dirait que je ne le réalise pas, parce que ça a tellement passé vite. C’est tellement un travail emballant qui demande énormément de temps et de présence, mais qui me comble grâce à tous les contacts que j’ai avec les gens et tout ce que j’apprends à les rencontrer», a-t-il admis lorsque joint par Le Nouvelliste, à quelques jours de la date fatidique, alors qu’il avait encore une fin de semaine d’activités chargée devant lui.
«Je fais toujours au moins 7 à 10 événements par semaine», indique celui qui n’a pas ralenti la cadence malgré ses 82 ans. «Même que j’ai augmenté mes présences avec le temps, parce qu’on vient qu’on sait par cœur les événements et quand je n’ai pas reçu d’invitation, j’appelle et j’y vais. Les salons de Noël, par exemple, j’en ai 15 de cédulés.»
Parmi les souvenirs qu’il garde encore frais à la mémoire, il y a le soir de sa première élection dans un comté qui était jusqu’alors considéré comme un château fort libéral, notamment dans le coin de Sorel.
«La forteresse libérale de Sorel s’est écroulée», avait d’ailleurs titré le journaliste du Nouvelliste, Roger Levasseur. Il faut dire que Plamondon était alors le premier «bleu» à l’emporter en 93 ans dans Richelieu, soit depuis Hector Louis Langevin en 1891.
Il avait récolté une majorité de plus de 11 500 voix, et ce, malgré ce qu’il avait qualifié quelques jours plus tôt «d’orgie de subventions provenant du fonds LaPrade» que les libéraux avaient octroyées dans son comté.
«L’un de mes organisateurs m’avait pris à part et il m’avait dit: “fais ça comme il faut et tu vas être là au moins dix ans!”. Je lui avais répondu: “es-tu fou, dix ans, c’est long en maudit en politique ça”, mais là, je ne trouve plus ça long», en rit-il encore aujourd’hui.
Le comté, qui avait été emporté ce soir-là par une vague pour le parti progressiste-conservateur, est ensuite resté fidèle à Louis Plamondon, et ce, même après qu’il ait quitté son siège suite à l’échec de l’accord du lac Meech avant de participer à la fondation du Bloc québécois, à l’été 1990.
Son comté est aussi demeuré «bleu» pendant plusieurs années, alors que les électeurs de son comté avaient voté majoritairement pour le OUI lors du référendum de 1995 en plus d’élire plusieurs députés péquistes par la suite.
Une seule fois Louis Plamondon a failli ne pas être élu, soit le soir de la vague orange de Jack Layton, en 2011. Il avait même lancé la serviette au cours de la soirée avant que les dernières boîtes viennent finalement le sauver in extremis.
Malgré les différentes tendances politiques, il a été réélu à quatre reprises depuis, et toujours par une forte majorité. Au point où l’on se demande parfois en coulisse si les électeurs du comté sont des «bloquistes» ou des «plamondistes».
«C’était complètement un autre monde»
S’il admet que la vie communautaire est une grande partie de son action politique, le député Louis Plamondon souligne à quel point les choses ont changé à Ottawa avec le temps.
«Quand j’ai été élu, il n’y avait pas de cellulaire, pas d’informatique et pas de fax. C’était complètement un autre monde. Aujourd’hui, tu es toujours au bout du fil. Dans le temps, quand on finissait de voter, on n’avait plus aucune communication. Il y avait beaucoup de fraternité entre les députés [de tous les partis]», souligne Louis Plamondon.
«Aujourd’hui, il n’y a plus rien. Tu t’en vas à ton hôtel ou à ton appartement et ça continue à sonner, poursuit-il. Il y a moins de chaleur entre les élus des différents partis. Il n’y a pratiquement plus de contacts et c’est quasiment mal vu que tu sois assis au restaurant avec quelqu’un d’un autre parti.»
«Ce qui me fait le plus peur pour l’avenir, c’est l’intelligence artificielle qui peut servir de salissage ou pour donner de bons conseils. Mais si ce sont des machines qui répondent à notre place, à quoi servons-nous? J’ai beaucoup d’interrogations par rapport à ça», songe-t-il.
Mark Carney et la souveraineté
Celui qui a vu passer Brian Mulroney, Kim Campbell, Jean Chrétien, Paul Martin, Stephen Harper et Justin Trudeau comme premier ministre se dit peu impressionné par le mandat de Mark Carney jusqu’à maintenant.
«Pour le moment, il se promène beaucoup à travers le monde, mais il revient toujours avec un petit panier vide. Sa philosophie par rapport au déficit, ça nous porte à nous interroger beaucoup», mentionne-t-il. «Son étoile pâlie. Il devait tout régler avec Trump et là, ils ne se parlent même plus, alors ça va mal.»
Le député estime d’ailleurs que l’option souverainiste, qui est revenue à l’avant-plan plus que jamais au cours des derniers mois, commence à être crainte à Ottawa, où un député libéral fédéral a même avancé un scénario d’envahissement par l’armée américaine.
«Il fabule, mais tu sais, ça n’a jamais été serein le débat avec les partis fédéralistes, lorsque le Parti québécois a pris le pouvoir et lorsqu’il y a eu des référendums», rappelle Louis Plamondon.
«Le langage de la peur, c’est déjà parti. Tout le charriage qui se fait à Ottawa sur le dos du Québec quand on ose prononcer le mot “souveraineté”, c’est incroyable. Ça n’a pas changé, sauf qu’on va surveiller davantage pour les scandales, comme la dernière fois. On va être de bons chiens de garde», promet le député du Bloc québécois.




