Réforme Boulet | Les syndicats brandissent la menace d’une grève sociale

Mis à jour hier à
22 h 51
(Québec) Les centrales syndicales préviennent le gouvernement Legault : s’il ne retire pas son projet de loi qui réforme le régime syndical et qui introduit des cotisations facultatives, le Québec se dirige vers une importante grève sociale le printemps prochain.
Dans un climat explosif en commission parlementaire, où le ministre du Travail, Jean Boulet, a été la cible d’insultes répétées, la présidente de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ), Magali Picard, l’a accusé de vouloir museler les syndicats. Dans un geste rarissime, elle a même refusé de lui serrer la main en début de séance.
« On voit tout de suite la mauvaise foi du ministre. […] C’est soit qu’il est innocent ou qu’il fait l’innocent », a-t-elle dit.
Avec le projet de loi 3, que les syndicats décrivent comme une dérive autoritaire, M. Boulet arrive avec une nouvelle notion, celle des cotisations facultatives, qui s’ajoutent aux cotisations obligatoires. Elles serviraient à financer à l’avenir d’autres activités que la défense des travailleurs, comme l’organisation de manifestations ou la contestation judiciaire de lois, par exemple.
La pièce législative prévoit aussi que les syndicats tiennent un vote sur une période de 24 heures quand vient le temps d’autoriser une grève ou de signer une convention collective, qu’ils soient obligés de produire des états financiers (ce qu’ils font déjà) et que ceux-ci soient vérifiés à l’externe chaque année.
Mme Picard, qui était visée par le ministre lors de la présentation du projet de loi, plus tôt cet automne, a choisi de lui répondre en l’attaquant à son tour personnellement, ce qui a fait bondir les députés à plus d’une reprise du côté du gouvernement. À un moment, les caquistes invectivaient même leurs vis-à-vis de l’opposition devant le président de la commission, qui peinait à reprendre le contrôle de la salle.
« C’est très difficile de me contenir. C’est une campagne de salissage de la part du gouvernement de venir laisser entendre que les syndicats [ne parlent pas à leurs membres] », a renchéri Magali Picard.
« Je n’ai pas besoin de qualifier la manière dont la présentation a été faite. […] Sur la civilité et le respect, j’essaie de faire du mieux que je peux et je souhaite que tout le monde fasse de la même manière », a répondu le ministre.
Un mouvement intersyndical s’organise
En entrevue après son passage en commission, Magali Picard a affirmé que le gouvernement caquiste était tombé dans le populisme et que la grève sociale pourrait devenir la solution ultime des syndicats pour tenir tête à ce qui devient « quasiment de la dictature », ni plus ni moins.
« Ce gouvernement essaie de nous museler et n’aime pas les contre-pouvoirs. […] Ils sont arrogants, ils sont plus qu’arrogants, ils sont déjà dans la vengeance. Ils voient qu’ils ont perdu le respect des Québécois, les gens ne sont plus capables de les voir avec leur mauvaise gouvernance », a-t-elle dit, appelant les citoyens à se mobiliser dans le cadre d’une manifestation intersyndicale le 29 novembre.
En plus de Mme Picard, la présidente de la Confédération des syndicats nationaux (CSN), Caroline Senneville, et le président de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ), Éric Gingras, ont témoigné contre le projet de loi 3 en commission parlementaire.
PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE
Caroline Senneville, présidente de la Confédération des syndicats nationaux (CSN)
La dernière fois qu’on a vu un tel florilège de projets de loi antisyndicaux, c’était lors du règne de [Maurice] Duplessis.
Caroline Senneville, présidente de la CSN
Pour la CSN, le climat social se détériore au Québec et le ministre Boulet fait partie du problème. « S’il y a une guerre, c’est eux qui l’ont déclarée, pas nous », a-t-elle ajouté.
Boulet se défend
Dans ses remarques préliminaires, le ministre du Travail s’est vivement défendu d’attaquer les syndicats avec sa réforme. Selon lui, son projet de loi est beaucoup plus simple et démocratique que ce que les centrales syndicales laissent entendre.
C’est un projet de loi qui n’interdit pas aux syndicats d’agir. […] L’objectif n’est pas de museler comme souvent on m’accusait de vouloir le faire, c’est de donner la capacité aux travailleurs qui doivent payer une cotisation syndicale d’influencer et de s’exprimer.
Jean Boulet, ministre du Travail
Or, lors de l’ouverture des auditions en commission parlementaire, mardi, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ) a exprimé ses craintes face au projet de loi. Cette sortie s’ajoute à celle du Barreau du Québec, plus tôt ce mois-ci, qui s’inquiétait de « l’affaiblissement des libertés publiques d’expression et d’association ou des mécanismes de contre-pouvoir ».
« La proposition du projet de loi de rendre facultatives les cotisations visant des activités judiciaires, politiques et sociales pourrait être contraire au principe selon lequel la cotisation syndicale est obligatoire et avoir un impact sur la capacité des associations syndicales de pleinement exercer leur rôle dans les débats politiques et sociaux. Cela pourrait constituer une atteinte à leurs liberté d’association et liberté d’expression », a dit la commission.
« Restreindre ces libertés fondamentales, directement ou indirectement, fragilise donc la capacité des citoyennes et citoyens ainsi que des organisations à se mobiliser, à participer aux débats sociaux et à faire entendre leur voix », a-t-elle ajouté.




