En attendant les casseroles
On n’en est pas encore là, bien sûr.
Mais sans être aussi chaud que celui de 2012, le printemps 2026 pourrait être particulièrement difficile pour le gouvernement Legault au rythme où à peu près tous ses projets de loi divisent.
On a largement parlé de la présidente de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ), Magali Picard qui a donné le ton en évoquant la perspective d’une «grève sociale» au printemps.
Ses propos sur une possible «paralysie du Québec» le 1er mai sont forts en café. Mais il reste que la grogne observée contre le gouvernement Legault est bien réelle.
La manifestation qui s’est tenue à Montréal samedi montre que le milieu syndical et communautaire est mobilisé.
L’entrée en vigueur depuis dimanche de la loi 14, qui limite le droit de grève et peut couper court aux conflits de travail, n’aura rien pour calmer les syndicats.
Ils sont aussi en furie contre le projet de loi 3 par lequel le ministre du Travail Jean Boulet dit vouloir «améliorer la transparence, la gouvernance et le processus démocratique» des syndicats.
Ces modalités en apparence assez techniques contiennent toutefois des points un peu plus inquiétants. Au premier chef celui qui rendrait facultative une partie des cotisations pour contester des lois. On a beau critiquer un certain corporatisme des syndicats, ils sont des acteurs sociaux importants. Tenter de les museler est une pente glissante.
Au point d’imaginer le Québec en entier descendre dans la rue?
Certains font le parallèle avec le printemps 2012 alors que les manifestations étudiantes contre la hausse des frais de scolarité se sont transformées en mouvement social beaucoup plus large.
Les groupes sociaux, les travailleurs, les aînés avaient alors embarqué dans la marche pour taper sur des casseroles en signe de protestation au gouvernement du Parti libéral de Jean Charest.
Le climat était propice à cela sur fond d’impopularité du gouvernement libéral et de Commission Charbonneau.
Mais en sommes-nous à imaginer qu’une manifestation comme celle de samedi puisse s’élargir à ce point contre les politiques du gouvernement de la CAQ?
Le député de Québec solidaire Alexandre Leduc a rappelé le cas de 2012 mercredi à l’Assemblée nationale.
«Je pense que c’est ça qui est peut-être devant nous dans les prochains mois, parce que là, ça brasse du côté syndical, ça brasse du côté des médecins, il n’y a pas si longtemps ça brassait avec les éducatrices et les professeurs», a-t-il énuméré en estimant que la population en général «commence à se fâcher». «Qui vivra verra.»
Qui vivra verra, en effet.
Pour l’instant, il est tôt pour penser revoir les casseroles dans les rues.
Mais un constat demeure. À peu près tous les récents projets de loi du gouvernement de la CAQ divisent.
Même si le dialogue reprend dans une relative accalmie avec les médecins opposés à la loi 2 sur leur rémunération, François Legault et ses troupes ne sont pas au bout de leurs peines.
«Dérives autoritaires»
Le projet de constitution pour lequel les audiences commencent jeudi soulève de grandes inquiétudes en empêchant plusieurs organismes de contester des lois devant les tribunaux avec des fonds publics, ce qui est perçu comme une autre attaque aux essentiels contre-pouvoirs.
Plus encore, l’inclusion du droit à l’avortement dans la loi constitutionnelle va à l’encontre de tout ce que disent les experts.
En inscrivant noir sur blanc ce droit, le ministre de la Justice Simon Jolin-Barrette veut bien faire, mais il rend ce droit vulnérable à une contestation par les groupes antiavortement.
N’allez pas là, préviennent les groupes de femmes, des médecins et même le Barreau du Québec.
Ce dernier dit d’ailleurs craindre de façon générale des «risques de dérives autoritaires», dans certains articles des loi 1 et 3.
Le projet de loi 7 de la présidente du Conseil du Trésor France-Élaine Duranceau sur «l’efficacité de l’État», qui fusionne des dizaines d’organismes touche environ 200 emplois équivalent temps complet (ETC).
On prévoit jusqu’à 2000 abolitions par an ces trois prochaines années.
Les prochaines étapes, qui toucheront inévitablement des emplois. Et, surtout, des services dans le milieu communautaire, en santé, en éducation, quoi qu’en dise le gouvernement.
Et là, quand la grogne dépassera des modalités plus techniques pour toucher le quotidien des gens, l’effet généralisé pourrait se faire sentir plus fort sur fond d’année électorale, d’inflation et de crise du logement.
Qui vivra verra, oui. Mais les casseroles pourraient s’ajouter au bruit entourant le gouvernement Legault que la population n’écoute à peu près déjà plus.
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