J’ai souvenir encore | Soigner les troubles cognitifs par la musique

La prochaine fois que vous visiterez un proche vivant avec des troubles cognitifs, oubliez les fleurs et apportez-lui plutôt de la musique, suggère le documentaire J’ai souvenir encore. Pourquoi ? Parce qu’elle peut raviver la mémoire et que c’est un outil thérapeutique efficace, mais malheureusement sous-estimé, raconte l’animatrice et productrice France Beaudoin.
Publié hier à
6 h 00
Bien des proches aidants savent que le fait de faire écouter à un parent à la mémoire défaillante des chansons aimées est une façon bien concrète de faire des miracles. Parfois, c’est juste une lumière qui se rallume dans un regard autrement éteint. Ou bien les mots qui reviennent pour accompagner la mélodie. Ou encore des souvenirs qui ressurgissent avec une étonnante clarté des brumes de l’alzheimer.
J’ai souvenir encore ne fait pas que raconter ces choses-là, il les montre. Avec doigté et en tout respect des personnes atteintes de troubles cognitifs que France Beaudoin et le réalisateur Emmanuel Rioux ont croisées sur leur chemin en cherchant à comprendre pourquoi la musique fait du bien. Ils se sont aussi demandé pourquoi elle n’est pas plus utilisée à des fins thérapeutiques auprès de nos aînés.
Ce n’est pas d’hier que le sujet intéresse l’animatrice d’En direct de l’univers. Elle a lu à ce propos pour la première fois il y a presque 20 ans. À cette époque, la recherche sur les effets de la musique sur les troubles cognitifs en était à ses balbutiements, souligne Isabelle Peretz, sommité mondiale de la « cognition musicale », une branche de la neuropsychologie qui s’intéresse aux liens entre la musique et le cerveau.
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L’intérêt de l’animatrice pour ce sujet tient à son histoire familiale. « Il y a plusieurs personnes atteintes d’alzheimer dans ma famille. On l’a vécu et on le vit encore », précise-t-elle.
On a vu de nos proches ne plus se souvenir de notre nom […], ne plus être capables de suivre une conversation et chanter toutes les paroles d’une chanson alors que nous, on était obligés de sortir le livret pour les suivre.
France Beaudoin, animatrice et productrice
Cette scène résonnera assurément chez quantité de gens eux aussi liés à une personne vivant avec un trouble cognitif et tout autant de professionnels qui les accompagnent au quotidien. Plusieurs scènes de J’ai souvenir encore montrent hors de tout doute cet impact positif de la musique que de nombreuses recherches confirment maintenant.
Des recherches fascinantes et prometteuses
Il est extrêmement émouvant de voir à l’écran des personnes en apparence éteintes se ranimer au contact de la musique. Or, la quête de France Beaudoin va plus loin : elle cherche à comprendre et à mettre en valeur le travail de chercheurs intéressés par les liens entre la musique et le cerveau. Elle suit aussi des soignants qui estiment que les activités musicales constituent un remède sans danger pour stimuler des personnes à la cognition embrouillée, diminuer leur anxiété et leur douleur.
PHOTO TIRÉE DU DOCUMENTAIRE
La gériatre Julia Chabot, l’animatrice France Beaudoin et la chercheuse Isabelle Peretz observent les effets de la musique sur les mouvements d’un groupe de gens atteints de troubles cognitifs dans J’ai souvenir encore.
Plus important encore : quand une personne se ranime au contact de la musique et peut de nouveau raconter des souvenirs, elle retrouve pour un instant son identité. Ce qui est un cadeau pour les proches qui ont le sentiment de retrouver un être cher et aussi un pas énorme si on a la dignité humaine à cœur.
France Beaudoin souligne qu’on a le réflexe de dire des gens atteints de troubles cognitifs qu’ils sont « dans leur monde ». Les expériences musicales auxquelles elle a assisté la convainquent plutôt qu’ils sont là « autrement », que c’est à ceux qui ont encore toutes leurs facultés d’essayer de les comprendre. La musique devient selon elle une « voie de contournement » fascinante pour se rendre à ces gens-là.
PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE
Isabelle Peretz, professeure titulaire de cognition musicale à l’Université de Montréal
L’une des fonctions extraordinaires de la musique, c’est de faire en sorte qu’on communique au niveau des émotions, au niveau des mouvements.
Isabelle Peretz, professeure titulaire en cognition musicale à l’Université de Montréal
Ainsi, il n’y a pas qu’à travers le langage qu’on peut entrer en contact avec une personne qui n’arrive plus à s’exprimer.
J’ai souvenir encore ne fait pas que mettre en valeur les capacités résiduelles des personnes atteintes de troubles cognitifs, il laisse aussi entendre qu’elles peuvent même continuer à apprendre – autrement. C’est ce que suggèrent les recherches d’un expert en neuroscience qui, dans le documentaire, explique qu’après deux ou trois semaines d’une forme de thérapie musicale, des connexions neuronales se stabilisent et d’autres se refont.
« [Un diagnostic d’alzheimer], ce n’est pas la fin, assure la gériatre Julia Chabot, qui mène des interventions basées sur la musique. On peut continuer à stimuler notre cerveau. La socialisation, la musique, toutes ces choses-là, ce sont des choses qui restent et peuvent ralentir la maladie. Ça, c’est prouvé. »
Sur ICI Télé et ICI Tou.tv le 2 décembre, 20 h. Un balado complémentaire sera aussi offert sur OHdio.



